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Je jette un coup d'œil à mon réveil alors que Luc sort de ma chambre en laissant la porte grande ouverte. Il est cinq heures. Je soupire, avant de sortir du lit et me préparer rapidement pour le rejoindre à la table. Il semble tendu, et le repas se déroule sans que l'un de nous deux ne pipe mot. J'ai encore du mal à digérer qu'il ne soit pas mon père.

Finalement, nous nous mettons en route pour le repère des Enfants. Sur le chemin, que je connais toujours par cœur, je laisse mes pensées dériver. J'ai cogité toute la nuit. Et plus je réfléchissais, plus la discussion que j'ai eue avec ma mère repasse dans ma tête, plus je me dis que je ne pourrais pas continuer ainsi. Je ne pourrais pas reprendre comme si de rien n'était. Et si le chef s'aperçoit de ça, je ne donne pas cher de ma peau.

Après une vingtaine de minutes, nous arrivons devant les portes blindées, et j'ouvre ma fenêtre pour placer ma main sur le décodeur d'empreintes digitales, Luc fait de même de son côté. Puis, un grand scanner rouge passe sur toute la voiture, et les portes s'ouvrent lentement. Il fait encore nuit, mais l'espace est éclairé par de nombreux lampadaires.

Instinctivement, je serre contre moi le pistolet dont je me servais toujours avant de partir en voyage. La voiture s'arrête, et je descends en tentant d'évacuer la pression qui s'accumule en moi. Je suis venue des centaines de fois ici, ça ne sera pas différent de d'habitude. Enfin, si, ça le sera, mais il n'y a pas de raison pour que cela finisse mal.

Luc, qui a revêtu son uniforme des Enfants, tout comme moi, salue les gardes d'un bref signe de la main alors qu'ils nous autorisent l'accès à l'immense bâtiment. D'abord, tout est relativement sombre. Nous arrivons devant d'un ascenseur, et Luc appuie sur le bouton du sous-sol deux. C'est l'étage de ma section.

Lorsque les portes se rouvrent, la lumière blanche, blafarde, me force à plisser les yeux. Sans hésitation, Luc s'avance dans l'immense couloir, et je lui emboîte le pas, le cœur tambourinant dans ma poitrine. Petit à petit, le passage s'élargit, et les premiers soldats commencent à faire leur apparition.

Nous continuons notre chemin, bifurquant de temps à autres, jusqu'à débarquer devant la porte de CIRILLO. Bien que je ne m'y sois pas rendue souvent, je reconnaîtrais cette porte entre mille. Elle n'a rien de spécial, paraît indiscernable des autres, mais se faire convoquer par le chef n'est jamais de très bonne augure. Luc s'annonce, et les portes s'ouvrent. Nous pénétrons à l'intérieur, et mes yeux se posent sur l'homme qui se trouve là.

Il n'a pas changé non plus. Son visage tiré ne porte pas la trace de la moindre expression, ses yeux sont bruns, ternis, son crâné dégarni est parsemé de cheveux blanc, et il porte son éternel costume blanc immaculé. En nous apercevant, il se lève, le visage fermé, presque grave. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, et je me force à ne pas détourner le regard.

- Agent SEMPEY, me salue-t-il froidement. Heureux de vous voir de retour parmi...

- Elle sait, le coupe Luc d'une voix glaciale.

CIRILLO reste stoïque.

- Que sait-elle donc, Général ?

- A propos de Naïm.

Les yeux du cinquantenaire se posent brièvement sur moi.

- Qu'est-ce que cela change donc ?

Je me contente de soutenir son regard, revêtant mon masque d'inexpressivité avec une aisance qui me déconcerte moi-même. Bien que j'ai toujours été le meilleur élément de ma section, c'est aussi moi qui lui ai rendu le plus de visites pour mauvais comportement. Moi qui ai essuyé le plus de remontrances de sa part. A vrai dire, je n'ai jamais rien reçu d'autre de cet homme que des reproches. Avec les années, la haine que je lui voue n'a fait que s'accroître et en le voyant aujourd'hui, je me dis que j'ai eu raison, toutes ces fois où je lui ai arrogamment répondu.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant