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J'ouvre péniblement un œil. Les rayons du soleil caressent mon visage, et je me redresse difficilement. Il est déjà tard. Je n'ai jamais dormi aussi longtemps. Ma jambe gauche est tout engourdie. Le feu que j'ai allumé hier s'est éteint. Je me mets doucement sur mes jambes, et descends jusqu'à la rivière, l'esprit embrumé. Là, je me rince le visage, et observe ma blessure. Les bandages sont rougis, et plus très utiles, mais c'est toujours mieux que rien. Je la rince avec précaution, avant de remonter auprès de mes affaires, et placer mes lentilles sur mes yeux.

Puis, je lève le camp. Mon sac et mon arc sur le dos, je marche en remontant le courant. La rivière passe très prêt du point le plus haut de la montagne, le contourne pour se rengager – je suppose – dans la pente descendante de l'autre côté. Je me rends au sommet. J'ignore pourquoi, peut-être simplement parce que j'ai besoin de réfléchir, de me remettre les idées en place. Une vue dégagée me fera du bien, je suppose.

Mes pensées sont un fouillis total. Des questions qui ne m'avaient jusqu'alors jamais traversé la tête sont coincées dans mon esprits, tourbillonnent devant mes yeux, et j'ai beau tenter de les écarter, elles reviennent, toujours plus insistantes.

Soudain, le bruit caractéristique d'un feu crépitant me sort de mes pensées. Je fronce les sourcils, surprise, et m'avance en direction du son. A moitié dissimulée derrière un arbre, j'arque un sourcil. Il y a effectivement un feu ici, et la lance qui se trouve posée à côté m'indique que ce feu n'a pas été allumé par n'importe qui.

Qu'est-ce que Thomas fait ici ?

Lui qui voulait redescendre seul, le voilà qui monte seul ?

Je secoue négativement la tête. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas envie de le voir. Je contourne son petit campement et continue ma progression. Je marche presque une heure, boitillant légèrement à cause de ma jambe, et de ma course folle d'hier. Soudain, une pente abrupte se dresse devant moi, et je lève la tête. Le sommet de la montagne se dresse là, devant moi. Un simple pic de roches qui s'élève au-dessus de la forêt.

Je replace mon arc sur mon épaule, et agrippe la première roche. Je jure à voix basse en m'écorchant les doigts alors que mon pied ripe et que je manque de tomber. Le regard rivé vers le haut, je prends une profonde inspiration, et reprends mon ascension, ne m'arrêtant finalement que lorsque j'ai atteint le sommet.

Je me redresse, et une bourrasque fait voler mes cheveux en arrière. Je laisse l'air des sommets s'infiltrer dans mes poumons, et ferme les yeux. Je reste ainsi durant de longues minutes, avant de rouvrir les paupières, et m'approcher du bord de la petite plateforme que forme le haut de la montagne. Il n'y a que des montagnes et de la forêt à perte de vue, pas une seule construction humaine. D'ici, je vois la rivière serpenter à environ cinq cents mètres de moi, contourner le pic et remonter la montagne juste en face de moi. Sa source doit être quelque part là-bas.

Je ne suis même pas surprise lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Je l'ai entendu grimper. Je ne tourne pas la tête dans sa direction.

- Je suis désolé, Louise.

Je ne réponds pas. Je l'écoute à peine. Je réfléchis. Sur la montagne d'en face, quelque chose m'attire irrésistiblement. J'ignore quoi, mais mes pieds me fourmillent rien qu'à regarder la rivière s'enfoncer dans les bois. La petite voix à l'intérieur de moi me hurle de dévaler la pente et de suivre le serpent d'eau, qu'il m'apportera des réponses.

Quelles réponses ?

A cette petite voix s'oppose une pressentiment qui m'oppresse la poitrine, me donne du mal à respirer malgré le vent qui souffle dans mon visage. Si je fais un pas dans cette direction, rien ne redeviendra comme avant. Ce sera irréversible.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant