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Le vent commence à me poser des difficultés pour avancer. La pluie me gifle le visage, je vois à peine où je mets les pieds. Je marche le plus vite possible, mais impossible de courir, ou je basculerai dans le vide.

Lorsque je tombe face à face avec Jonathan, je suis trempée de la tête aux pieds. Thomas, Kyle et Emily marche à la queue leu-leu derrière lui. Pour couvrir le bruit de la tempête, je hurle :

- Les adultes sont partis se réfugier dans un chalet à deux ou trois kilomètres d'ici ! Il faut qu'on se bouge ou on se retrouvera coincés !

Et ça pourrait devenir très dangereux. Mais ça, je ne le rajoute pas. Jonathan acquiesce, et une bourrasque me fait légèrement vaciller. Nous faisons demi-tour, et nous hâtons en direction de la forêt derrière laquelle se trouve le chalet. Non loin de nous, le tonnerre gronde, et Emily crie. Je ne vois rien. Nous sommes dans le sens du vent, qui me pousse très fortement en avant, et la pluie bat contre l'arrière de ma tête.

Nous sommes presque à niveau de la forêt, quand un éclair tombe violemment à quelques mètres au-dessus de nous. Le bruit assourdissant me vrille les tympans, et ma première réaction est de m'écarter en mettant mes bras sur ma tête alors que les rochers dévalent la falaise. Je perds toute notion de l'espace quand une vive douleur se répand dans ma jambe, et je m'effondre sur le sol dans un cri. Un cailloux me tombe sur la tête, et une goutte de sang roule le long de ma joue, bien vite nettoyée par la pluie.

Avec un cri d'effort, je me contorsionne pour observer ma jambe. Un énorme cailloux m'écrase le mollet, me faisant souffrir le martyre. Les quatre autres ont disparu, ils ont certainement couru au couvert des arbres. J'ignore si c'est une bonne idée. Je suis à peine capable de réfléchir.

Je suis coincée, seule, au beau milieu d'une tempête, dans la montagne.

Respirant profondément pour évacuer la douleur qui me scinde la jambe, je me penche en avant pour tenter de repousser la pierre, sans succès. Le tonnerre gronde dans le ciel. Je jure. Je tire ma jambe. La douleur me déchire la peau. Je jure de nouveau. Puis, je tâte ma blessure, et ramène ma main à mon visage, tentant d'apercevoir quelque chose.

Je perds du sang. Beaucoup, de sang.

Je me mords l'intérieur de la joue, et lutte pour faire passer mon sac devant moi. Je l'ouvre du mieux que je peux, et en sort un t-shirt, ainsi qu'un couteau qui m'aurait servi pour mon déjeuner, et déchire le tissu. Je me noue un garrot au-dessus du genou, et prends une profonde inspiration. Je n'ai pas le choix : il va falloir que j'attende que la tempête se termine, et crier à l'aide. Alors, je me roule en boule, commençant à trembler à cause du froid, et j'attends.

Longtemps.

Peut-être même des heures. Lorsque la tempête disparaît enfin, je tremble de la tête aux pieds, congelée. Mes cheveux dégoulinent, la flaque sous mes jambes a viré au rouge. Je ne sens plus les orteils de mon pied gauche. Le ciel est toujours gris, j'ignore totalement quelle heure il peut bien être. Ma tête me tourne et je n'ai qu'une envie ; dormir.

Seulement, il faut que je me sorte de là. Je n'ai même pas la force de crier. Alors, je serre les dents, et tire sur ma blessure. Cela semble me déchirer la jambe, mais je continue à tirer en tentant de pousser le rocher qui m'écrase, sans succès. Cela ne fait qu'approfondir ma blessure. Je ne me décourage pas. Je continue à tirer, pousser, taper sur la pierre pendant une éternité, jusqu'à-ce que finalement, ma jambe soit soudainement libérée, laissant une grande traînée de sang sur la pierre. Les mains tremblantes, j'observe la blessure. Elle est profonde, mais moins que ce à quoi je m'attendais.

Précautionneusement, je retire mon garrot, relève le bas de mon pantalon, et enroule le tissu autour de la plaie. Puis, je prends sur moi, et me relève. J'ai l'impression de peser une tonne. Mes vêtements sont imbibés d'eau, et de sang pour mon pantalon, mon sac également. Lorsque je suis certaine que je peux marcher, quoiqu'en boitant, j'inspecte les alentours. Un énorme rocher s'est effondré sur le chemin, juste à côté de celui qui a écrasé ma jambe, et nous empêche de faire demi-tour. Je m'en détourne. Je dois retrouver les autres et m'assurer qu'ils ont pu se mettre à l'abris.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant