Solivagant

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Ces images ont bousculé quelque chose en moi. Sans que je ne puisse les retenir, les larmes dévalent mes joues. Mes mains agrippent mon pantalon si fort que j'ai l'impression qu'il va se déchirer. L'écran devient noir. Je prends une profonde inspiration, et ferme les yeux. Puis, j'essuie mes larmes d'un revers de manche, et en une fraction de seconde, mon visage est de nouveau impassible. Comme si le choc s'était évanouit avec les images.

Je sens le regard d'Amal sur moi, et pourtant je ne tourne pas la tête dans sa direction. Je regarde Owen, qui lui observe Tom' poser une question. L'homme aux yeux gris lui répond calmement. Puis, il ordonne :

- Vous allez vous échauffer. La salle est suffisamment grande, courrez, je vous arrêterai.

Sitôt dit, sitôt fait. J'observe Justin me glisser une œillade mal à l'aise en passant à côté de moi à un petit rythme. Je ne bouge pas d'un poil. De toute façon, courir est une activité qui m'est impossible. Amal s'avance calmement jusqu'à moi, talonné par Owen. L'entraîneur s'arrête devant moi, et je suis obligée de me tordre le cou pour le regarder dans les yeux.

- Ce que tu viens de voir, commence-t-il calmement, tu sais d'où ça vient, n'est-ce pas ?

- Comment est-ce que je pourrais savoir ça, Amal ? je réponds, mon calme retrouvé.

- Tu as réagi différemment des autres, expose-t-il calmement, et Owen fronce les sourcils.

Visiblement, et à mon plus grand bonheur, il n'avait pas prêté attention à moi lors de la diffusion de leur vidéo. A présent, je suis certaine qu'il est bien concentré. Je hausse les épaules.

- Cela me rappelle de mauvais souvenirs, c'est tout, je réponds vaguement.

Bien évidemment, je ne préciserai pas lesquels. Amal soupire, et se tourne vers Owen.

- Etablis-moi leur ordre de vitesse de course sur la tablette.

Le jeune homme ouvre la bouche pour protester, mais son supérieur hausse les sourcils, et il tourne les talons avec un souffle de frustration. Je reporte mon attention sur Amal, qui, une fois sûr qu'Owen est suffisamment loin, interroge :

- Tu as été élevée par le gouvernement ?

Je me fais violence pour ne pas réagir.

- Comment ça, par le gouvernement ? toutes les écoles sont publiques, Amal.

- Tu as été élevée par certains militaires.

L'effort à fournir pour soutenir son regard sans flancher est encore plus grand.

- Les seuls militaires que j'ai jamais vus sont ceux du défilé du quatorze juillet, aux champs Elysées, je réponds d'un ton que j'aimerais convaincu, mais qui ne semble pas le persuader.

- Sais-tu te battre ?

Cette fois, je lève les yeux au ciel.

- Tu as déjà posé la question. Si je savais me battre, j'aurais levé la main.

- Tu n'as pas été très coopérative, hier, remarque-t-il en haussant vaguement les sourcils.

- Alors qu'est-ce qui te pousse à croire que je le serai aujourd'hui ?

Amal laisse échapper un soupir exagéré.

- Ta vision de nous finira par changer, Lou. Que tu le veuilles ou non, tu sais que nous avons raison, déclare-t-il en désignant l'endroit où était anciennement projetée leur vidéo. Tôt ou tard tu finiras par comprendre que tu joues dans le mauvais camp.