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Le trajet se déroule en silence. Je suis à l'arrière, et je triture mon arme en fixant la route, le cœur battant. Afin d'éviter de trop cogiter quant au sort d'Owen et Nathanaël, j'interroge :

- Ils sont loin ?

- Trois quart d'heure du QG, je dirais, me répond le conducteur en jetant un coup d'œil à l'heure.

J'opine.

- Leur nombre ?

- Plus d'une centaine, je suppose. Nous sommes en surnombre mais ils sont très, très forts.

- Pas étonnant, si c'est l'élite du gouvernement, marmonné-je pour moi-même.

Aucun des hommes ne me répond et mon regard dévie vers la fenêtre. Pour la première fois de ma vie, je vais me confronter aux Enfants. Je vais réellement faire d'eux mes ennemis. Je vais me ranger du côté de Naïm, que j'ai méprisé et détesté durant des mois. Je détestais ses méthodes car elles m'atteignaient, et que ça ne m'était jamais arrivé. Jamais personne ne m'avait fait pleurer comme j'ai pleuré lors de la première visualisation de la vidéo. Aujourd'hui, je vais définitivement rompre les liens qui permettaient aux Enfants de me contrôler comme un pantin.

Ces mots défilent en boucle dans ma tête. Je vais me confronter à eux. Je leur ai déjà désobéi, je les ai déjà provoqués, je leur ai déjà menti, je me suis déjà opposée à eux, mais jamais confrontée à eux en tant qu'ennemie.

Vais-je seulement en être capable ?

Intérieurement, je sais que oui. Sans le vouloir, les Enfants ont créé des pantins qui, s'ils se détachent de leurs fils, ne s'y rattachent jamais, deviennent incontrôlables. Ils m'ont appris à me détacher de tout et de tout le monde pour améliorer mon sang-froid et cela va se retourner contre eux.

Grâce ou à cause d'eux je sais que je n'hésiterai à tirer sur aucun d'entre eux.

Je me perds dans mes sombres pensées durant tout le reste du trajet, et la voiture finit par s'arrêter derrière un hangar, où quelques autres véhicules stationnent déjà. J'ouvre la porte de la voiture et sors en serrant l'arme qu'on m'a confiée contre moi. Je me tourne vers le chef de notre petit escadron, et interroge :

- Pourquoi n'avons-nous pas d'armes plus conséquentes ?

Il hausse les épaules.

- D'après ce que je sais, ils sont plutôt résolus au corps à corps, et comme ils sont meilleurs tireurs que nous, nous nous contentons d'emporter des petits calibres.

Je hoche doucement la tête en me détournant. Ils prennent ça comme un entraînement. Les Enfants sous-estiment la force des hommes de Naïm, ou surestiment la leur. L'homme à qui Naïm m'a confiée nous réunit en cercle, et déclare :

- Nous serons dans les lignes du fond, mais ça ne veut pas dire que vous devez vous relâcher. Ils parviennent facilement jusqu'à nous et ne sont pas de simples policiers. Ils sont doués. C'est compris ?

Il me jette un coup d'œil.

- Et si possible, gardez un œil sur la demoiselle. Ordre du chef.

Je hausse vaguement les épaules.

- Ne vous en faîtes pas pour moi. Je sais ce que je fais.

J'ai dit à Naïm que je ne ferai pas de connerie, et je tiendrai parole. Mon but n'est pas de me faire repérer, mais de m'assurer avant tout qu'Owen et Nathanaël ressortent vivants de cette bataille.

Et accessoirement, vérifier si je suis capable de me retourner définitivement contre les Enfants.

Le chef nous fait alors signe de trottiner pour contourner le hangar. Au loin, on entend des coups de feu. Etonnant que ça n'alerte personne. Nous trottinons donc dans la cambrousse, le dos courbé, en direction du lieu de l'attaque. Nous rattrapons la rivière en nous engageant dans la forêt, et je fronce les sourcils. L'attaque a lieu dans les bois ?

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant