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Lili a très mal pris qu'on lui ait caché l'existence de Nathanaël aussi longtemps. Elle était si furieuse que lorsqu'elle est partie en claquant la porte et que je me suis retrouvée seule avec mes deux parents, je n'ai pu m'empêcher de faire une remarque désobligeante, pointant que si elle avait autant de mal à digérer cette nouvelle, je ne voulais même pas imaginer sa réaction si elle avait appris que Luc n'était pas son père. Bien évidemment cette réflexion n'a amusé que moi et je me suis fait sévèrement réprimander, mais je n'y accorde plus beaucoup d'attention, désormais.

À la suite de la tentative d'attentat sur CIRILLO, on a décrété que l'influence de Naïm sur moi avait été trop prolongée, et on m'a envoyée voir un psychologue chaque jour. Je l'appelle le « propagandiste » car ce qu'il me raconte ressemble plus à une multiplication monstrueuse de mensonges qu'à une séance d'ouverture d'esprit, mais qu'importe. J'en suis venue à le détester à un tel point que lorsque j'estime qu'il dépasse les bornes, j'ai tendance à taper du poing sur la table et quitter les lieux sans attendre d'y avoir été invitée.

Cela dure depuis bientôt un mois. Nathanaël s'est trouvé un travail et je me bats tous les jours pour empêcher Luc de l'emmener chez les Enfants. Je continue à m'entraîner comme une forcenée en parallèle et ai été soulagée de constater que mon niveau est bien vite revenu. J'ai notamment réussi à battre Livio au corps-à-corps, plus par chance qu'autre chose, mais au moins, cela a définitivement stoppé l'animosité des autres éléments de ma section à mon égard.

J'ai entendu dire que des négociations avaient été menées auprès de CIRILLO afin de me restituer mon grade de chef de section, titre qui a été délégué à mon binôme, mais le chef a refusé, et je sais que mes séances désastreuses avec son psy en sont la raison. Cela m'inquiète car je sais qu'il me surveille de près, et que si je continue de lutter trop longtemps, il finira par opter pour la solution la plus simple ; m'éliminer.

Autre chose qui me tracasse, c'est justement Nathanaël. Je suis certaine que Naïm est parfaitement au courant que mon cousin s'est aussitôt rendu chez sa tante lorsqu'il s'est échappé, et je suis étonnée qu'il n'ait encore envoyé personne le récupérer, car il sait très bien qu'en voyant son potentiel, Luc n'hésitera pas une seconde à tenter de le faire entrer chez les Enfants. Et si Nathanaël se faisait influencer par eux, il pourrait aisément livrer le chef aux yeux vairons.

Mes craintes s'avèrent fondées lorsque l'on sonne à notre porte, un dimanche matin, alors que je suis en repos, tout comme Luc, et que l'individu à qui ma mère a ouvert la porte demande à voir Nathanaël. Allongée sur mon lit, cette nouvelle m'alerte tout de suite, et j'ouvre le tiroir de ma table de chevet pour attraper un pistolet en me levant pour me diriger vers la porte de ma chambre. Je croise le regard de Lili, qui a ouvert sa porte également, mais après une brève seconde d'hésitation, elle hausse les épaules et referme sa porte aussi sec. Je saisis l'occasion et m'éclipse de ma chambre pour m'engager dans le couloir à pas feutrés.

Seulement, je me fige net lorsque la personne à l'entrée reprend la parole :

- Il faut qu'on discute.

La surprise manque de me faire faire tomber mon arme, et j'écarquille les yeux en reculant d'un pas. Nathanaël accepte, mais Luc, qui a dû sortir de son bureau, alerté par le cri de ma mère demandant mon cousin, intervient :

- Si vous souhaitez discuter, c'est à l'intérieur, sous ma surveillance.

- Ce que j'ai à dire ne vous concerne pas, rétorque la seconde voix masculine, que je me maudis de reconnaître aussi aisément.

Mon cœur rate un battement, et je m'adosse contre le mur en fermant les yeux quelques secondes. J'avais imaginé tous les scénarios, sauf celui-là. Je prends une profonde inspiration afin d'avoir les idées claires. Il faut que j'agisse, et vite. Luc n'est pas dupe et je sais de quoi ils sont capables, tous les deux. Alors, je fais silencieusement marche arrière, retourne dans ma chambre, et ouvre mon placard, fourre ma main entre mes vêtements pour en ressortir le pistolet volé de la cargaison de Naïm. Je retourne aussi sec dans le couloir, juste à temps pour entendre un déclic et Luc lâcher agressivement :

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant