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Amal n'a pas eu besoin de beaucoup de temps pour comprendre que je n'étais pas dans mon assiette. Il m'a dispensée de vidéo, et s'est montré plus compatissant que je ne l'ai jamais vu durant l'entraînement. Je crois que j'aurais préféré qu'il me tue à l'effort. Peut-être est-ce que ça m'aurait changé les idées.

Nathanaël non plus, bien que mes larmes avaient séché pour repas du soir, n'a eu besoin que de quelques secondes pour comprendre que je n'étais pas dans mon état habituel. Il a d'ailleurs semblé deviner que Naïm avait quelque chose à voir avec ça puisque c'est aussitôt à lui qu'il s'est adressé pour savoir le pourquoi.

Il n'a pas su.

Assise dans ma cellule faiblement éclairée par un néon abîmé, j'observe mon reflet dans l'eau que j'ai fait couler au sol pour me laver les mains avant de retirer mes lentilles. J'observe mes yeux. J'observe mon œil bleu, presque blanc, puis mon œil brun, presque noir.

J'ai besoin de savoir si Naïm me ment. S'il a vraiment été avec ma mère, si je ne suis pas la fille de Luc SEMPEY, ou s'il ne fait que m'embobiner.

Je relève la tête vers la porte. Un garde, lorsqu'il ramène un prisonnier à sa cellule, est censé avoir retiré les menottes de ce même prisonnier avant que les portes ne se referment. Elles sont programmées pour rester ouvertes deux minutes. Après ça, elles se ferment. Cependant, pour éviter tout risque avec le prisonnier, les gardes savent ouvrir la porte de l'intérieur. Mais eux seuls le savent et ils n'ont, techniquement, jamais à utiliser cette méthode.

J'ai appris ça avec les Enfants. Visiblement, Naïm aussi. C'est un mécanisme antifuite peu répandu. Owen est resté dans ma cellule trop longtemps deux fois, et deux fois, les portes se sont refermées. Deux fois, il les a rouvertes.

Les deux fois, j'ai vu comment il a fait.

Lentement, les yeux rivés vers la sortie, je me lève. J'ai besoin de réponses et seule Elizabeth peut me les fournir. Je dois tenter ma chance.

Tremblante, je tends la mains vers la porte, et appuie sur un petit carré invisible à l'œil nu, mais qui pourtant s'enfonce très légèrement avant de laisser la porte s'ouvrir. Le cœur battant, le souffle plus rapide que d'habitude, je me risque à l'extérieur. Je jette un regard à mes lentilles, laissées sur le sol de la cellule. J'hésite, avant d'appuyer sur le bouton pour refermer la porte. 

Je rabats la capuche de mon sweat sur ma tête, et me mets en route vers le hall principal. Là où Owen m'a empêchée de m'enfuir la première fois. J'avance lentement, presque sereine. Même si mon cœur bat dans ma poitrine comme s'il désirer en sortir, je n'ai que mon objectif en tête. Revoir ma mère. Obtenir des réponses.

Je croise quelques gardes dans les couloirs, mais aucun d'eux ne me reprend. Aucun d'eux ne m'identifie. Aucun d'eux ne le peut. Les tenues des détenues sont identiques à celles du reste des membres du QG. Si ma démarche ne traduit rien d'anormal, je suis impossible à repérer, et ce, en dépit de l'heure.

Lorsque je débarque dans le hall, il est presque désert. Seuls quelques hommes censés garder le bâtiment somnolent çà et là, à moitié avachis sur leur arme. Calmement, je m'avance jusqu'aux toilettes, plongées dans l'obscurité. Je referme la porte derrière moi, et prends une grande inspiration.

Ma traversée du hall m'a permis de remarquer au moins une chose ; des gardes protègent l'entrée. Je ne peux pas sortir par-là, ou il me faudrait leur donner un justificatif, ce qui reviendrait à me vendre. Ce n'est que parce que c'est incongru que je le remarque, mais il y a une horloge, dans les toilettes. Il est cinq heures trente. Je n'ai pas dormi de la nuit. Je n'ai fait que tenter de trouver un plan irréalisable, considérant le fait que je ne connais ni le bâtiment, ni le nombre et les horaires des gardes. Mon pouls accélère. Owen vient me chercher six heures moins vingt. Dans cinq minutes.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant