Solivagant

16-

L'une de mes flèches vient brutalement se planter dans un tronc d'arbre, juste devant la tête de Nathanaël. Il sursaute, et se tourne dans ma direction, yeux écarquillés.

- Dis-moi ce qui ne va pas, intimé-je en m'approchant pour la retirer.

Mon cousin grimace. Depuis ce matin, il me semble mal à l'aise, anxieux.

- Pourquoi est-ce que tu as laissé Justin libre ? demande-t-il finalement.

J'arque un sourcil.

- Parce qu'il n'est pas au service de ton oncle. On n'a rien à craindre de lui.

Nathanaël se mord la lèvre. Il hésite à dire quelque chose, avant d'opiner. J'ai décidé de laisser Justin vaquer librement dans la clairière il y a de ça cinq jours. Il n'avait jusque-là pas semblé s'y opposer.

- Très bien, marmonne-t-il en détournant les yeux. Dis, tu n'aurais pas vu... la lettre d'Elizabeth ?

Je me tourne franchement dans sa direction, cette fois réellement surprise. Il a perdu la lettre de ma mère ?

- Non, pourquoi ?

Il grimace en haussant les épaules.

- Je ne la trouve plus depuis hier. J'ai dû la laisser tomber, ce n'est pas grave...

- Ne mens pas, soufflé-je alors en me mettant en route pour le camp. Je sais très bien que tu y tiens énormément. Je vais ouvrir l'œil. Parles-en aux autres, éventuellement.

- Je ferais ça. Merci.

*** Ellipse de plusieurs jours.

Je prends une profonde inspiration en me craquant les doigts. Nathanaël et Tom' devraient être revenus il y a de ça une heure. Leur disparition est anormale. N'y tenant plus, j'attrape mon arc, et déclare :

- Je vais les chercher.

- Seule ? s'étonne Ky', visiblement inquiet.

Je lui jette un coup d'œil.

- Tu peux aller voir côté Nord, si tu veux, mais accompagné.

Il acquiesce, et désigne Emy'.

- Elle va venir avec moi.

Je secoue négativement la tête.

- Accompagné par au moins deux personnes. Si vous avez un problème, retrouvez-moi à la rivière.

- Et moi ? marmonne Justin avec une grimace.

Je me tourne vers lui, un sourcil haussé, et il baisse aussitôt les yeux. Je saisis un pistolet.

- Quoi, toi ?

- Qu'est-ce que je fais ? marmonne-t-il sans lever la tête.

- Tu restes ici.

Cette fois, c'est plus fort que lui :

- Je ne peux pas vous accompagner ? je suis sûr que le Chef serait favorable.

Je retiens un sourire à cette appellation. J'ai tenu à ce que nous ne nous appelions pas par nos prénoms en présence de Justin. Même s'il est inoffensif, quelque chose dans sa manière d'être me pousse à la méfiance. Il est assez égoïste. Pas de la même manière que l'est Tom'. Je ne saurais le décrire. Enfin bref, de ce fait, il nous a trouvé des surnoms pour nous interpeler. Il appelle Thomas « le Chef », Ky' « le Videur », Emy' « Plume », Nathanaël « le Ténébreux », John' « l'Impassible », et moi, « l'Archère ». J'ai même appris qu'il surnommait Hugo « l'Homme qui Dort ».