Solivagant

41-

Lorsque je me lève ce matin, je sais déjà que la journée va être longue. Loin de me porter conseil, la nuit s'est révélée porteuse d'insomnie à la place. Toutes mes questions quant aux découvertes de Naïm n'ont cessé de tourbillonner dans ma tête. Sait-il que je fais partie des Enfants ? si oui, me laissera-t-il vivre ? cherchera-t-il à me soutirer des informations ? qui est-il pour moi ? a-t-il découvert le lien de parenté que j'ai avec Nathanaël ?

Toutes ces questions m'ont entraînée dans une belle migraine.

La perspective de me retrouver seule ne m'enchante pas non plus. Même si je ne parle plus que très peu avec Tom', Ky', John' et Emy', leur absence fera un grand vide dans mon quotidien, vide que je ne pourrais malheureusement essayer de combler qu'avec la présence d'Amal, et d'Owen.

Mon agacement s'accroît lorsque le châtain vient me chercher à ma cellule, et que je m'aperçois qu'il semble toujours persuadée que je suis porteuse d'un virus mortel. Le laisse échapper un soupir de frustration, et dès que mes menottes sont mises, je le bouscule pour me diriger vers la salle de bain. S'étant visiblement rendu compte que je ne suis pas d'humeur, il ne se permet aucune remarque, cependant.

Après m'être enfermée dans la salle de bain, je m'avance vers le miroir, et pose un peu brutalement mes mains sur le lavabo. Mes cheveux blond foncé sont emmêlés, des cernes bleuâtres soulignent mes yeux noisette, et mon visage globalement, malgré le peu d'effort que je fais quotidiennement, transpire la fatigue. Ma gorge se serre alors que je réalise qu'Abigail a raison.

Je ressemble à Naïm.

Dérangée par ma propre image, je me détourne du miroir et file sous la douche. Lorsque je ressors, il me semble à son air qu'Owen s'apprêtait à me crier que je mettais trop de temps. Je lui tends mes poignets, et il me rattache sans croiser mon regard. Nous nous enfonçons ensuite dans les couloirs du QG, le châtain ne me guidant qu'avec des « à droite » ou « à gauche » d'une voix fatiguée. Lui non plus ne m'a pas l'air d'avoir beaucoup dormi.

Ça promet.

Après avoir descendu une multitude d'escaliers en colimaçon, nous débarquons dans ce que j'ai cru comprendre être le Garage ; un immense sous-sol plongé dans l'obscurité, où reposent toutes sortes de véhicules. Owen me conduit jusqu'à la voiture censée ramener mes quatre compagnons chez eux. C'est même plutôt un mini-van, si j'en crois la longueur. Les vitres sont teintées. Du coin de l'œil, je repère Nathanaël, alors je me dirige jusqu'à lui sans attendre d'indication de la part d'Owen.

- Tu penses qu'ils vont réussir à garder le secret ? interroge mon cousin sans me jeter un regard, ses yeux noirs rivés sur les quatre autres, rassemblés autour de la voiture.

Je les passe tous les quatre en revue. Ils me semblent partagés entre anxiété et excitation. Ils vont enfin rentrer chez eux, mais c'est trop beau pour être vrai.

- Ils n'ont pas le choix, soupiré-je.

Mon attention dévie des quatre jeunes pour se concentrer sur Naïm. Il est présent également, aux côtés d'Amal et d'Owen, adossé contre un poteau. Ses yeux vairons sont rivés sur moi. Je soutiens un instant son regard, avant de hausser les sourcils, interrogatrice. Il se contente de détourner les yeux en secouant négativement la tête, et je me mords la lèvre. Quelque chose a changé dans la manière dont il me regarde. Mon cœur accélère légèrement la cadence. Je ne sais pas comment je dois interpréter ce regard. Il a trouvé quelque chose, c'est sûr, mais quoi ?

Le garde de Ky' lui ordonne de monter dans le véhicule d'un ton impatient, et lorsque le regard du brun rencontre le mien, il lui donne un coup d'épaule et me lance :