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PDV Louise :

Je jette un regard en arrière. Personne. Pourtant, j'ai la désagréable sensation d'être suivie.

Il y a quelques jours, j'ai remarqué que Thomas devenait de plus en plus lent, et j'ai bien vite compris qu'il désirait rejoindre les autres, de qui nous voyions régulièrement la fumée s'élever dans le ciel. Comme je le savais trop fier pour admettre qu'il voulait faire demi-tour, j'ai ralenti l'allure également, jusqu'à ce que les trois autres ne soient plus si loin derrière nous. Puis, j'ai attendu que Thomas s'endorme, et je suis partie.

Depuis le début, je sais qu'il ferait mieux de les rejoindre, de les faire retrouver la civilisation, et de me laisser derrière, promesse ou pas. Il a déjà suffisamment souffert à cause de moi. La vie dans les bois n'est pas une partie de plaisir.

Je grimace quand une ronce m'érafle le bras. Ce dernier mois m'a beaucoup appris. J'ai arrêté de penser. Je vis au jour le jour, je laisse la nature me guider, mon instinct prendre le dessus. Mon cauchemar me hante toujours, et aujourd'hui, je suis terrorisée à l'idée de reprendre mon ancienne vie comme si de rien n'était. En serais-je seulement capable ?

Quelque chose en moi a changé. C'est inexplicable, mais je le sais. Je le sens.

Un craquement résonne derrière moi. Je me retourne dans un sursaut. Mon souffle s'accélère quelque peu et j'inspecte attentivement les sous-bois, sans rien voir. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Tu es en forêt, Lou'. Il y a des tas d'animaux, dans la forêt.

Depuis que j'ai quitté Thomas, la forêt me paraît étrangement plus sombre. Je dors beaucoup moins, nous ne pouvons plus alterner les tours de garde. Et lorsque je suis seule, je deviens paranoïaque. Et actuellement, j'ai cette sensation très forte d'être suivie.

Je prends une profonde inspiration et continue ma route. La nuit tombe, les bois sont faiblement éclairés par les rayons du soleil restants, mais établir mon feu maintenant me plaît moyennement.

La soif commence à me piquer la gorge, alors je m'approche de la rive pour boire. Seulement, lorsque je relève la tête, je me fige. Le ciel est encore bleu mais les bois sont déjà plongés dans l'obscurité. Mais là, sur la rive opposée, je vois clairement deux yeux.

Je recule précipitamment, effrayée.

Les yeux clignent lentement, comme s'ils me fixaient. Ils brillent d'une lueur jaunâtre. Normalement, les yeux d'animaux ne brillent que lorsqu'ils sont éclairés. Hors je n'ai pas de lampe torche. Mais les yeux d'hommes ne brillent pas non plus, aux dernières nouvelles.

Je recule, lentement, à reculons, fixant les yeux. Les Enfants m'ont appris à ne jamais tourner le dos à un ennemi, quoi qu'il arrive. Je jette un rapide coup, d'œil derrière moi pour m'assurer qu'aucune branche ne va me trahir. Mais lorsque je repose mon regard sur les yeux, ils ont disparu.

Je prends une inspiration, dans l'espoir de me calmer. Puis, je jure intérieurement. Il y a quelque chose, là, qui me fixait, et je n'ai pas la moindre idée ni de ce que c'est, ni de ce qu'il veut. Hâtivement, je retourne jusqu'à mon arc, que je décide de garder à la main, armé d'une flèche.

Je me rabats aux côtés du lit de la rivière, corde tendue, prête à tirer, aux aguets. Un bruit dans les buissons me fait sursauter. Je me tourne vers eux, arme tendue, mais rien. Je souffle, et reprends mon chemin. Les yeux étaient de l'autre côté de la rive. Ils n'ont pas pu la traverser juste le temps que je détourne les yeux, et même s'ils l'avaient fait lorsque je suis retournée chercher mon arc, la rivière est large, ils n'auraient pas eu le temps, surtout avec le courant.

SolivagantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant