Chapitre 58. Disjoncté

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Serait-ce un double update ? (n'oubliez pas le 57 avant)

——Violette——

J'attendais qu'il prononce ces mots depuis des mois, des années même. Et il fallait qu'il choisisse le pire moment pour le faire. Du Deen tout craché. Je lui en voulais terriblement, à peine avais-je eu le temps de découvrir l'existence de ces lettres, qu'elles n'existaient déjà plus.

Il n'avait pas le droit de prendre cette décision à ma place. Même si j'arrivais à peu près à comprendre pourquoi il l'avait fait, j'aurais préféré qu'il me force à réfléchir à le faire moi-même, plutôt qu'il me l'impose.

— Je suis pas sûre de réussir à te pardonner ça... murmurai-je.

— Je comprends, répondit-il, t'as tout le temps d'y penser, mais je préfère que tu sois en colère contre moi plutôt que rongée par ces lettres.

C'était horrible comme situation, j'avais envie de me blottir dans ces bras, de retourner dormir avec lui. Et en même temps je lui en voulais d'une force... J'avais horreur de ce genre de sentiment ambiguë où la personne dont on a le plus besoin est aussi celle qui nous fait du mal.

Il avait l'air mal lui aussi, je voyais bien qu'il ne l'avait pas fait de gaité de cœur et que ma réaction le faisait souffrir, mais je pouvais pas m'empêcher de penser qu'il le méritait. Personne ne l'avait forcé à faire ça.

— Je veux bien que tu finisses la nuit dans la chambre d'amis, ou sur le canapé, comme tu veux, lâchai-je.

Je le vis fermer les yeux pendant que je me levai pour remonter dans ma chambre et me coucher. Évidemment je ne dormis pas jusqu'à la sonnerie de mon réveil, luttant contre l'envie de rejoindre Deen, tantôt pour l'embrasser, tantôt pour l'assassiner dans son sommeil.

Quel con putain.

En une nuit, j'avais appris que mon père était homosexuel, qu'il n'avait par conséquent jamais réellement voulu de ma mère, que celle-ci avait toujours su la vérité et qu'elle s'était voilée la face, ensuite l'homme dont j'étais folle amoureuse depuis deux ans en rajoutait une couche au lieu de me soutenir.

Fallait que j'appelle Tom, j'avais plus que jamais besoin de mon meilleur ami. Néanmoins je décidai d'attendre d'être à Toulon, loin de tout ça, pour prendre le temps de lui téléphoner.

Je me levai avec l'impression qu'une chape de plomb s'était abattue sur la maison. Deen était dans la cuisine, à en juger sa tête, il n'avait pas dormi non plus. Il me tendit une assiette pleine, j'adorais les œufs brouillés, surtout faits par lui. Mais je me contentais d'un merci du bout des lèvres en m'asseyant à table pour manger.

On pouvait pas dire que je boudais, parce que ce n'était pas le cas, je n'attendais pas de lui qu'il vienne me faire des câlins pour me dérider. J'avais simplement besoin de temps pour réussir à le voir sans lui en vouloir à mort. Il allait falloir un moment avant que je ne réussisse à lui faire confiance de nouveau.

Quelques heures plus tard, dans le train, je fixais le paysage qui défilait à une vitesse folle sous mes yeux, pendant que Deen somnolait à mes côtés, un livre entrouvert dans la main. Dans ma tête, il y avait le visage de mon père, la veille. Il avait changé, beaucoup. Il avait dit dans ses lettres être sobre depuis qu'il était entré en prison et j'avais envie de le croire. J'avais envie de lui pardonner, aussi, peut-être même de le revoir.

Mais Deen disait que j'avais tort, et je sentais qu'il avait peur de me voir reprendre contact avec lui. Peur pour moi, mais aussi peur pour lui. Comme si pardonner à l'un pouvait m'éloigner de l'autre. C'était idiot, Deen n'était pas un substitut paternel pour moi, je ne l'aimais pas pour combler un manque.

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