—Deen—
Mon pied se pose sur le tarmac de Roissy et je pousse un soupir.
Six mois, putain.
Depuis que j'habite Paname, j'étais jamais parti aussi longtemps.
Il caille sa mère, je rabats la capuche de mon sweat sur ma tête. Dans mon casque le dernier album de Nek, mon frère qui me déteste. Entre mes lèvres, un vieux cure dent qui m'aide à patienter jusqu'à mon prochain joint.
Six mois, c'est le temps qu'il m'a fallut pour apprendre à supporter. Pas pour accepter, parce que j'accepterai jamais.
On m'a retiré ma fille.
Quelque part en France ou ailleurs, une mère se penche peut-être sur une enfant dont elle pense avoir sauvé le destin. Peut-être même qu'un homme se dit qu'il la protègera toute sa vie, même si elle n'est pas de sa chair. Eux, ils connaissent son prénom.
Et je ne peux rien faire.
Et c'est ça que j'ai appris à supporter. Supporter cette totale impuissance.
Depuis dix mois qu'elle est née, il n'y a pas un matin où je n'ai pas ouvert les yeux en pensant à elle.
Elle ne sait pas que j'existe, elle ne le saura peut-être jamais, mais moi, j'espère qu'elle est vivante quelque part. Je sais déjà que chaque année en mars, je me demanderai à quoi elle ressemble, si elle est heureuse, si elle m'en veut.
Et j'ai appris à le supporter.
Comment ?
En lui écrivant. J'ai déjà écrit des dizaines de lettres. C'est con non ? D'écrire des lettres à un bébé, des lettres qu'on ne peut même pas envoyer parce qu'on n'a pas d'adresse.
Pourtant, je me dis que si un jour, par un miracle divin, je parviens à retrouver ma fille, j'aurais ce paquet de lettres à lui donner, comme une preuve que je n'ai jamais voulu qu'elle me soit arrachée.
Mon Uber m'attend sur le parking, personne n'est là pour venir me chercher. Parce que personne ne sait que je suis rentré.
M'en veulent-ils ?
Sûrement.
M'en veut elle ?
Je sais que non.
Parce qu'elle m'attend.
Je n'ai aucun doute là dessus.
Alors parfois, elle doit m'insulter mentalement, bien sûr. Mais elle comprend, et c'est la seule qui peut comprendre.
Et je me fiche que les autres m'en veuillent, tant que je sais qu'elle sera là. Malgré ces mois d'attente, malgré mon absence, malgré mon silence.
Je n'ai pas peur de découvrir qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre, qu'elle a construit sa vie sans moi. Parce que si c'est le cas, ça veut dire qu'elle est heureuse et c'est tout ce qui m'importe. Elle connaît trop bien le prix des choix que l'on fait par dépit.
C'est parce que je n'ai pas su faire le bon choix au bon moment, parce que j'ai choisi par dépit, que j'ai perdu ma fille.
Et la femme que j'aime est bien trop intelligente pour reproduire mes erreurs, et celles de son père avant moi.
J'ai l'air sûr de moi comme ça, un étranger pourrait se dire « Si tu l'as perdue, c'est bien fait pour ta gueule. » Mais à vrai dire, je ne suis pas sûr qu'elle sera là, ni même qu'elle m'aimera toujours.
Je le sais.
Depuis bientôt quatre ans, on a passé plus de temps éloignés l'un de l'autre qu'ensemble. On croyait perdre notre temps, on voulait profiter de chaque seconde.
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Gamins
FanfictionL'ancêtre, l'ancien, Papy, Grand-Père. Je compte même pas les surnoms de vieux que j'me tape. Pourtant elle m'a traité de gamin immature et égoïste. Et le pire, C'est que c'est une gamine de vingt ans. Deen x Violette (Tome 1: Avide Tempête ; To...