Tous les mots de nos silences

8. Refuge

Je ne rentre pas chez moi.
À quoi bon retrouver
Une sœur pleine d'études
Un père plein d'argent
Une mère dénuée de temps ?

J'ai raconté un jour
Que le soir
Régulièrement
Je travaille chez une amie.

Ce n'est pas totalement faux
Je
Travaille
Chez une
Amie.

Mon amie
Elle est là.

À quelques coups de pédales
À quelques mélodies ébauchées dans ma tête
À quelques rêves de plus qui tombent comme oubliés
Dans un maquis du printemps délaissé.

Amoncellement de roses
Dont seul l'esprit demeure,
Épines qui dessinent
Mon havre de paix dans l'odeur
Suave et enivrante des églantines.
Les galets souples à mes pieds
Sont les danseurs d'une valse lente
Qui s'évanouit dans la cascade
Ruisselante du lac.

Synagogue pour les croyants
Draps pour les amants
Ciel sans nuage pour les rêveurs
Ou scène d'opéra pour les chanteurs
Ici pas un n'est délaissé
Pas même ma poésie aux mots estropiés.

Ici c'est mon Refuge.
Ma famille
          Ma maison
                    Mes amis
                             Mes espoirs et
Ma vie.

Pas un n'aurait pu croire
Que dans le brouhaha puant de la ville
Un lieu si solitaire
Puisse encore être l'espoir
D'une petite fille de quatorze ans.

Pourtant cet endroit, c'est moi.

C'est l'encre de mes pensées
La libération des mes idées.
Ce sont les bras qui me réconfortent,
Les oreilles près desquelles je sanglote.

Un peu comme une partie de moi.

C'est l'expression de ma colère, de mes droits et de ma Liberté.
C'est l'endroit où je peux parler
Réfléchir crier hurler,
Et enfin ne plus douter.

C'est le gazouillis des oiseaux
Le murmure de l'eau
Qui dans mon cœur tendrement éclôt
Comme un poème et des mots.

C'est un petit morceau de Paradis
Une petite chose dure qu'on grignote au soleil
Comme à la belle Antigone on l'a dit.

C'est en fin de compte,
Tout simplement,
Une définition de la
                              poésie.

Je pense qu'on a tous un Refuge
Dans les bras de ceux qu'on aime
Dans le cœur de nos amis
Sur les lèvres d'un mari.

Je pense qu'on a tous un Refuge
Dans les mots qui se mélange
Dans les paroles réconfortantes
Et dans les pages blanches.

Tout ça,
C'est mon Refuge c'est le mien c'est moi,

Et c'est la poésie.