109. Analèpse

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La joie rebondit sur les façades
Et les papiers peints
Les murs sont
Blancs
Blanc neige
Neige d'été
Été de bonheur
Bonheur dimension océan
Océan bleu
Bleu comme leurs cheveux
Leurs cheveux qui courent dans les couloirs
La nécessité de ne pas vieillir
De courir là pendant que nos jambes le peuvent
Et danser, chanter en un seul souffle.

Ce sont les dernières minutes,
On le sait
Et la volonté de vivre, peu à peu
Laisse s'infiltrer la mélancolie.
Les cœurs se resserrent
Et toutes les poitrines ont l'air plus petites.

Le soleil rayonne sur nos peaux
Sans réussir à caresser
Nos cœurs humides de larmes

Difficile de penser à l'avenir
Quand il y a devant nos yeux
Tout ce que nous avons à perdre.

Alors on est là
Pour la dernière fois
Dans cette immense salle pleine de sièges rouges
Où nous sommes rencontrés,
Autant que nous sommes
Il y a tant d'années, avec nos petits âges d'enfants.

Il paraît si loin ce temps là
Où nous voulions tout prouver
Prouver que l'on était grand
Digne d'attention,
Mature et estimable,
Alors même que nous étions
Encore plus petits que maintenant.
Et on est là, face à toutes ces années
Dont il ne reste rien,
À nous dire que finalement
On a si peu changé
Que si l'on oubliait les centimètres pris,
On jurerait
Que c'était hier.

Et puis,
Il y a Rose a côté de moi.

Elle n'était pas là
Avant.

Je serre la feuille toutes chiffonnée
Au creux de ma paume
Rose ne doit pas la voir
Rose, qui là s'assoit tout près de moi
Non Rose ne doit pas savoir.

Il y a des mots sur cette feuille
Mais ils disparaissent, là
Dans l'angoisse et dans la lumière
Il y a trop de bruit
Trop de bruit
Pour que ces lignes atteignent leurs oreilles.

Et pourtant
Quand le directeur relève la tête

Je ne réfléchis plus
Et lève la main.

Puis me lève tout entière.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant