67. Crise

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Je ne sais plus quoi dire. Je n'ai plus de mots dans ma bouche, plus d'encre à mon poignet. Juste ce sentiment de mal-être mortifiant et profondément désagréable. Ça vous prend comme ça dans le ventre et vous tord lentement les tripes. C'est insinueux comme douleur, ça oui, ça rentre profondément en vous et ça vous ronge de l'intérieur. Et dès que vous la croyez partie, elle revient de plus belle. Tout est terriblement long avec elle. On préférait qu'elle soit un supplice, si atrocement douloureuse qu'elle vous arracherait un cri pendant plusieurs secondes. On voudrait qu'elle soit comme ça, rouge, vive, tournoyante et déchirante, comme un éclair, qu'elle ne laisse plus qu'un immense trou rouge dans votre panse. On voudrait que les mots puissent en déferler de vos tripes, comme d'un torrent déchaîné, crier une souffrance abominable que nul ne saurait remettre en cause. On souhaiterait voir le sang jaillir, quitte à en mourir, pour au moins mourir en vers. C'est ce qu'on souhaiterait, et pourtant, cette douleur, c'est le serpent du mal-être qui s'immisce dans votre peau, ces regards sans un mot au coin d'un couloir, c'est un sous-entendu dans une réflexion, c'est un rire un peu trop prononcé. C'est l'idée que tout le monde le sait. Ce sont toutes ces sensations là qui font se sentir mal sans jamais faire mal. Ce sont tous ces instants de doute, ces "peut-être que lui aussi" à tous les regards qui sourient, c'est entendre sonner comme une évidence les rumeurs dans leurs être. C'est la certitude que ça fait mal, sans savoir trop où exactement. On ne meurt pas pour ça.
On ne peut pas. On ne peut qu'attendre et espérer que tout s'effrite au cours du temps.
On ne peut que survivre.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant