107. Oubli

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Et tout recommence comme à la première seconde.

Je vogue sur mon vélo de toujours
Brisant l'immobilité de mon silence.
Les cheveux au vents
Les rêves dans les sens
Je m'imagine un temps qui n'existe pas.

On en croise tant des filles comme moi
Les rêveries à califourchon sur une selle
Faire le même chemin chaque jour
Et pourtant avancer loin si loin
Que les paysages ne sont plus du tout les mêmes.

On grandit on s'apprend à soi même
On devient celle que le cœur nous dicte
On rêve d'une rose ou d'un Cyrano
A embrasser dans un autre univers.
On échafaude des plans, des idées, des utopies
Pour bouleverser le monde et changer les héros.

Et alors sur cette route foulée chaque matin
Chaque jour
À toutes les naissances du soleil d'une année
On parcourt des kilomètres,
Et la boucle est bouclée.

Déjà les jours s'étendent dans leur lumière,
Et la vie reprend sa gaieté éteinte par l'hiver.
Tout recommence à l'identique
À la seule différence
Qu'hier l'on ne se connaissait pas,
Et voici qu'aujourd'hui l'on s'apprête à s'oublier
Dans ce jour naissant,
Le dernier de l'année.

Et tout recommence comme à la première seconde.

On en vécu des choses
Qui peu à peu tomberont dans les limbes
Des rêves nocturnes et des idées.
On croit que cela s'appelle l'oubli
Mais tout restera gravé sur notre peau
Dans les récits extrapolés
Pour nos petits enfants
Dans les histoires inventées
Des photos de classe
Dans les lueurs qui pétillent et qui persistent
Vers l'avenir à l'image du passé.

On aimerait de nouveau
Au rythme de ces souvenirs oubliés
Disparaître dans ce temps
Où tout était plus simple sans doute.

Mais tout recommence comme à la première seconde

Tous ces lieux où j'ai temps rêvé,
Tous ces paysages qui sont devenus miens,
Tous ces décors de mes soirs et mes matins,
Je les contemple pour la dernière fois.

Ô si tu savais Rose
Comme il est dur de grandir
Et de s'arracher à soi même...
S'arracher au temps
À ces lieux familiers,
Et à son monde entier.
Car tout mon univers fait partie de mes rêves,
Et tu en fais, sans nul doute,
La plus belle des couleurs.

Toutes ces fois où j'ai rêvé
Au coin de cette route tant affleurée
Que je pourrais désespérément
T'apercevoir rien qu'un instant,
Au coin de l'allée
Attendant ton bus,
Au téléphone...
Tu m'aurais aperçue
Et alors tu m'aurais souri.
Toutes ces fois où je croyais
T'entendre venir à moi en courant
Crier mon nom
Crier crier
Me demander pardon,
Et finir par m'embrasser.
Ils sont beaux ces rêves
Qui sont tous teintés d'ici,
Teintés des futurs lieux de mon oubli.
Tous ces rêves loufoques
Toutes ces superstitions
Tous ces espoirs morts dénués de prémonition,
Vivront au delà de nous
Sur cette route grise
Qui ne connaîtra rien de plus beau
Que tous ces moments
Où j'ai rêvé de toi.

Et tout recommence comme à la première seconde.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant