Tous les mots de nos silences

39. Inquiétudes

Je n'ai pas dormi
De la nuit.

La dernière
C'était la dernière
De ses lettres
Pourquoi ?
Pourquoi une fin si brutale ?
Pourquoi ainsi mettre à jour
Ce qui resplendit tant
Dans la pénombre ?
C'est son choix
Même s'il dit le contraire.

Peut-être qu'il pense
Que notre relation sera mieux
En vrai
En chair et en os

Je ne sais pas pourquoi
Mais ça me déçoit
Un peu.
Je pensais que lui et moi
On était pareil
Qu'on trouvait que des feuilles tachées de bleu
Sont toujours bien plus belles

Qu'un visage.

Mais
         il faut l'admettre
C'est un peu de ma part
De la mauvaise foi.

En réalité
J'ai peur.
Je suis tétanisée.

Je ne pensais pas déjà
Qu'un jour on me lirait
Alors que mes mots sauvent une vie ...
C'est inimaginable.
Je ne sauve personne moi
Je ne crois pas
En l'Humanité.
Alors sauver un humain !
Je n'y crois pas.
C'est un mensonge
Et demain
Tout redeviendra réalité.
Je comprendrais
Que tout ça n'a toujours été
Qu'un jeu
Un piège
Pour mieux se moquer de moi.

Ça doit certainement être ça.

Et pourtant
Il y a cette petite voix qui souffle en moi
Et si tout cela était bien vrai ?
Je ne sais même pas
Si je l'espère
Ou si je le redoute
Combien de relations ai-je construit
En quatorze années d'existence ?

Aucune.

Si ce n'est une épistolaire
Qui prendra fin demain
Lorsqu'encore une fois
En face à face
Je détruirai tout
Avec mes pensées
Mes mots ma personne
Avec tout ce que je suis
Avec tout ce qui fait que personne n'arrive à me mettre dans une autre case
Que celle de ceux qui n'en ont pas.

J'ai peur
Pour la première fois
De moi.
Car c'est la première fois
Que j'ai tant à perdre.

Je l'aime.
Je crois.

Le rencontrer en vrai, ce serait... ?
De la folie
    merveilleux
      inimaginable
        un rêve éveillé
          du jamais vu
            ma plus grande victoire
              une catastrophe
                une chance inouïe
                  la fin de ma tranquillité

le début de tout.