94. Tard

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Dès que je suis rentrée
Je suis repartie.
Trop d'angoisse trop d'humidité
Dans ces lieux où tous mes devoirs m'attendaient.
Tout s'agglutinait à mes poumons
Et je ne pouvais
Pas
Respirer.

J'ai pris le bus

Pour partir loin
Où ?
Je ne le savais pas.
Pourquoi ?
Je l'imaginais à peine.

Il faisait jour,
Mais dans mes yeux
Tout me disais qu'il faisait nuit.
Pas un souffle
Dans les heures bondées de l'après-midi
Pas une chaleur
Dans ces promiscuités décadentes
Pas un regard
Alors que nous ne rêvions que de ça.

Je serrais tout contre mon coeur
Cette lettre qu'il faudrait
Je le sais
Remettre aux mains du destin,
Et laisser
Mourir.

II n'arrivera rien.
C'est certain.
C'est comme traverser à tâtons
Un lac glacé
Que cent pas avant ont foulé.
Aucune rayure
Aucun espoir
De trahison
Au silence de l'hiver
Non, juste cette grande plaine blanche
Immaculée.
Quelle probabilité
De voir à ce moment là
Le givre se briser ?

C'est absurde d'y croire.
Rien ne changera.
Non, je fais cela
Pour moi.

Alors coincée entre deux espaces
Entre deux pays
Je continue de voguer.
Trop peur de toucher le sol
Sur quelques roues et mon désespoir,
J'avance j'avance
Tentant d'oublier
De redouter
Que la terre est ronde
Et que bientôt
Tout recommence.

Alors je retourne sur mes premiers pas
Et comme il n'y a plus de temps à tuer
Que tous les chemins ont déjà été empruntés,
Je vais par la route
Qu'au premier instant
J'aurais dû naviguer.

Alors
Tendrement
Comme un bourgeon sur du papier
Je dépose
La lettre sur son pallier.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant