83. Vent

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J'ai relu ses lettres
Une à une
Silencieusement.

Tous ses mots semblaient encore plus beaux
Comme sublimés
Par la force de l'âge.
Une nouvelle odeur
Se dégageait de leur corps
Un mélange de puissance et de fragilité.

- Tu viens, Ludivine ?
Il ne faudrait pas manquer notre avion.

- J'arrive. 

Neuf lettres
Neuf morceaux de papier
Qui m'ont fait espérer.
Suffisamment
Pour me construire un monde de rêveries
Et de sentiments.

Je les respire
Une dernière fois.
Tout porte encore son parfum.
Sensiblement rosé
Quelques fleurs sucrées
Une fine légèreté.

Une dernière fois
Avant de rencontrer la mer,
Et jalousement la laisser
Me prendre dans ses bras.
La plus belle des amantes.
Peut-être que finalement
C'est d'elle que je tomberait amoureuse.
Ce ne serait pas moins impossible.

Je caresse une dernière fois ses mots
Comme un peintre aurait trouvé
Du bout de son pinceau
L'exacte définition
De la beauté.

J'embrasse la première lettre
Tendrement.
Le papier à cette étrange chaleur
Que ses lèvres n'ont pas.

Je regarde une dernière fois sa blancheur
Comme pour imprimer sur mes prunelles
L'éclat de ses poèmes,
Un peu comme on regarde
Trop longtemps le soleil.

Et
Je la lâche
Et la laisse s'envoler
Dans le vent glacé.

De la première
A la neuvième.
Tout est terminé.
Sans que je sache exactement pourquoi.
Peut-être que le temps
Devait reprendre ses droits.

Les bouts de papiers
Ont disparus
Dans l'eau l'air ou la boue,
Qu'importe.

Je les ai rendus à l'univers.

~

Tout sera changé
Quand je reviendrai.
Les secondes qui rebondissent sur le parquet,
Ça soigne toujours un peu
Les cicatrices.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant