55. Théorèmes

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- Où étais-tu ?
Tu as vu l'heure qu'il est ?
Il fait nuit
Ludivine !

Le pire c'est que je suis sincèrement désolée
Car je pense que des explications
Sont fortement méritées :
"C'est la peur qui nous a retardées"

Mais par souci d'honnêteté
Je ne peux pas le leur avouer
Car cette affirmation n'est pas
D'une exacte vérité.

Si l'on y réfléchit bien
Ce n'est pas une simple peur
Qui s'est glissée entre nos lèvres
Tout à l'heure.
C'est plutôt
Des milliers de regards
Des millions d'inconnus
Des milliards de préjugés
Qui ont préféré
Arrêter notre histoire
Avant qu'elle ait commencé.
Il y avait bien trop de monde
Et de cœurs secs de mots et de couleurs
Entre nos deux visages
Pour faire survivre ce baiser.

Je ne comprends pas
Les gens.
Mais ce n'est pas pour ça
Qu'ils me font peur
A moi.

Ce ne sont que des visages
Des regards
Qui n'ont même pas un seul mot
À nous dire.
Et vous savez pourquoi ?
Parce qu'au fond d'eux
Ils savent pertinemment
Que l'on a raison.

Ils savent
Que je l'aime
L'aime d'un amour
Dont pas une parole
Ne pourrait esquisser la puissance.
D'un amour
Qui sonne comme une singularité
Qui me fait m'étonner
À chaque seconde d'être vivante.

Ils le savent tout ça
Et c'est de ça qu'eux
Ils ont peur.
Car ils savent
Que l'amour a des talents
Que les plus talentueux ignorent.

Cet amour
Il a le pouvoir
Par exemple
De dire que
Une fille plus le monde entier plus une fille
Est égal
À deux filles.

Ou encore que quelques poèmes
Multipliés par deux poétesses
Est égal
À de l'amour.

On oublie trop souvent
De constater
Que l'amour adolescent
Est la seule chose au monde
Qui puisse faire s'ébranler
Les théorèmes des grandes personnes.

Tous les mots de nos silencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant