Tous les mots de nos silences

49. Atomes

Voilà une semaine
Maintenant
Que nous nous retrouvons
Pour échanger notre silence
Et échapper aux mots absurdes
Qui régissent le lycée.

Je lui avait montré
Mon poème préféré.
Quand elle m'a redonné
Les Fleurs du mal
Oxymore aussi belle que notre silence éloquent,

Nos doigts se sont effleurés.

Électrisée en un instant.

C'est étonnant
Comme les sens se mettent en ébullition
Au moindre mouvement
Sortant de l'ordinaire.

Pourtant quand on y réfléchit
Ce ne sont que le nuage électronique
D'un atome de carbone
Qui a rencontré
Celui d'un azote.
4 électrons externes
Qui gravitent autour d'un noyau
Suffisent à faire virevolter en moi
Mon petit cœur
Composé,
—Il faut le savoir—
À plus de 99,999%
De vide.

- Tu sors ?

Je hoche la tête
Ça y est
19 mots ont été prononcés entre nous.
En huit journées.
Et tout a déjà été dit.
Rien de superflu
Dans une telle amitié.

Nous sommes sorties.
Il ne faisait pas froid
Pour un mois de novembre.
Le soleil brillait encore
Dans le ciel clairsemé.

Nous avons marché
L'air froid et sec
Picotait nos visages découverts.
Acte de bravoure
Face à l'hiver
Dont malheureusement toutes les courtes victoires 
              Se feront échec.

Un champ
Tout gris et tout vide
Nous faisait face
On s'y est assises, en plein milieu
Là où au mieux nous pouvions dialoguer avec les branches.

Elle s'est allongée
Au milieu de tous ses mots
Qui virevoltaient autour sa tête
Nuages de poésie 
Et d'une douce nostalgie.
Tout cela était si beau ...

Et je suis restée là
À les contempler.
Tout en elle résonnait comme les plus douces des harmonies
Aucune passion ne pourrait égaler la flamme
Qui à chaque instant l'illumine de charme et d'esprit.
Son corps gracile couché là
Avec des volutes de vers
Dans la modestie des fleurs fanées
Et de la terre craquelée.

On raconte que l'Humanité tient dans un dé à coudre.
Mais dans ce cas là
Comment expliquer
Que tout l'univers n'est pas assez grand
Pour sa simple beauté ?