Chapitre Cinquantième
« Nelly ? Vous avez besoin d'aide ? demanda James en débarquant dans la cuisine où s'affairait la maîtresse de maison.
— Non, non. James, tu es invité ici. Tu ne fais rien.
— Je peux peut-être mettre la table ou...
— Tu peux t'asseoir ici, si tu veux.
— Nelly...
— Assis-toi mon grand. »
James finit par comprendre qu'elle ne changerait pas d'avis. Alors il prit place au bord de la fenêtre que lui avait indiqué Nelly en se disant que dès qu'il trouverait une ouverture pour se rendre utile, il pourrait sauter dessus.
« Ashling nous a dit que tu repartais à Londres dès jeudi ?
— Oui. Il faut que je sois à Londres pour mon déménagement, vendredi. Et il y a un peu de route. Je suis désolée de n'être resté que quelques jours à peine...
— Aucun souci. Tu reviendras.
— Avec plaisir oui !
— Et tu ne vas pas voir un peu tes parents pour les congés de Noël ? La Cornouailles en plein hiver, ça doit être magnifique. »
James sourit en regardant Nelly s'afférer en cuisine. C'était exactement la mère qu'il aurait aimé avoir. C'était horrible de dire ça. Et il se le répétait des dizaines de fois à chaque fois que cette idée lui effleurait l'esprit. Mais il n'empêchait que quand il voyait Nelly, il y pensait. Nelly qui prenait soin de sa famille. Nelly qui était venue le voir pour s'assurer qu'il s'était bien installé, qu'il avait toutes les affaires dont il avait besoin, qu'il n'avait rien oublié. Nelly qui lui avait demandé ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas manger. Nelly qui avait pris soin de lui comme s'il était son fils. Nelly qui se souvenait des détails sur sa vie qui avaient pu se glisser dans leurs conversations de la veille. Parce que Nelly était comme son mari, elle n'avait aucune idée de qui était James. Même si elle avait sûrement fini par comprendre qu'il était quelqu'un d'important.
« Euh... Non, pas vraiment. Je vais sûrement faire quelque chose avec ma sœur quand elle va rentrer de Cornouailles. »
Nelly vérifia la cuisson de ses pommes de terre qui allaient être utilisées pour la purée puis alla s'asseoir sur le bord de la fenêtre de la cuisine qui donnait directement sur l'eau. On pouvait même voir les ferrys faire la traversée entre Portaferry et Strangford.
« C'est compliqué avec tes parents, n'est-ce pas ?
— Un peu. Oui.
— Tu ne les vois plus ?
— Non. Mais... Je crois que c'est mieux comme ça.
— Vraiment ?
— Oui. Vraiment. Vous savez... Ashling m'a permis de... De réaliser beaucoup de choses sur ma vie. Vous avez élevé une jeune femme extraordinaire.
— Merci James. C'est... C'est gentil de me dire ça. Ashling a beaucoup changé avec le temps et avec... Avec le handicap de Sue. Et la voir passer à côté de sa vie à cause de ça, ça été très difficile. Pour nous et pour Sue aussi. L'adolescence d'Ashling a été un peu... Chaotique. Il y avait beaucoup de conflits entre nous. Et quand elle a décidé de partir à Londres... J'avais peur. J'avais peur pour ma grande qui était soudainement plongée dans une grande capitale et ma petite qui passait à côté de sa vie et sur laquelle je ne pourrais pas veiller. J'ai eu vraiment peur.
— C'est pour ça que vous voulez tant qu'elle rentre en Irlande ?
— Je veux juste m'assurer qu'elle vive sa vie. Ici, à Sydney ou au fond de l'Alaska si c'est ce qui lui plaît. J'avais juste l'impression qu'à Londres, c'était impossible. Qu'elles étaient trop proches l'une de l'autre pour détacher leurs vies. Mais quand Ashling nous a prévenu qu'elle venait avec toi, j'ai compris une chose. J'ai compris que j'avais tort. Elle pouvait construire sa vie à Londres. Construire la sienne. Alors je ne sais pas si nous avons élevé une jeune femme extraordinaire, parce que nous avons fait beaucoup d'erreurs. Mais je crois réussir à voir qu'elle est devenue une jeune femme extraordinaire. »
James avait fixé Nelly pendant tout son discours. C'est étrange parfois comme il est beaucoup plus facile de se confier à de parfaits inconnus. Comme si on espérait soudainement qu'ils ne nous jugent pas, ou plutôt comme si tout d'un coup, cette formidable chose qu'on appelle le regard des autres n'avaient plus aucune importance. Mais surtout parce qu'il existe des personnes avec qui il se passe quelque chose de particulier. Ce petit truc si particulier.
Et puis James remarqua soudainement Ashling. Elle était appuyée contre le mur qui formait l'ouverture entre la cuisine et le salon. Elle portait une jolie robe à volant bleu marine à pois blanc. Elle était belle. Et elle pleurait aussi. Doucement. Juste en laissant couler les larmes sur ses joues. C'était simple et, ici, c'était aussi beau.
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I Want To Write You A Book - [Terminé]
Teen FictionElle s'appelle Ashling. Il s'appelle James. Elle est une étudiante en lettres totalement anonyme. Il est un guitariste mondialement connu. Elle affectionne sa vie simple. Il a oublié la sienne. Elle n'ose plus croire en son rêve. Il a atteint les...