I Want To Write You A Book - [Terminé]

Chapitre 56

Chapitre Cinquante-Sixième

Nelly avait obligé Ashling à sortir. Elle l'avait obligée, il n'y avait pas d'autre terme. Ashling se sentait presque oppressée. Elle ne voulait pas quitter sa chambre ! C'était si compliqué que ça à comprendre ? Il ne lui semblait pas pourtant... Mais Nelly avait été intraitable : il n'y avait plus de lait. Il fallait aller en chercher à l'épicerie. Mais ce dont Nelly ne se rendait pas compte ! C'était à... À moins d'un mile. Au moins ! En plus; son père avait pris la voiture, elle n'avait pas eu d'autre choix que d'utiliser la vIeille carcasse à quatre roues qui n'avait de voiture plus que le nom. Ça faisait au moins deux minutes de trajet enfermée dans ce tas de ferraille. Ashling n'arrivait pas à croire que ses parents l'avaient coincée comme ça.

Ashling avait réussi à aller jusqu'au Spar. Elle avait filé rapidement au bon rayon, avait pris un pack de lait et avait filé à la caisse sans rien demander. Elle avait même choisi la caisse automatique pour n'avoir à parler à qui que ce soit. Et elle était remontée dans sa voiture. En mettant le contact, la radio s'était allumée. Ce qu'Ashling n'avait pas compris puisque l'auto-radio avait refusé de se mettre en marche à l'aller mais bon... Elle n'allait pas épiloguer là-dessus. Si elle se débrouillait bien, dans moins de dix minutes, elle pourrait être de retour sous sa couette. Ashling avait quitté le parking et s'était engagée sur la route qui passait devant le château.

« Il fait du bien ce morceau, n'est-ce pas ? C'était Let It Be des Beatles ! Une programmation qui a été proposée par David de Clovelly dans le comté de Devon. Merci David, un vrai plaisir a réentendre. On reste dans les groupes anglais, avec Stay With You, le tout dernier single des Never Enough ! Leur single est sorti hier, mais les cinq anglais nous ont déjà annoncé un nouveau single qui sortira à midi aujourd'hui même ! On vous le passera à midi pile, c'est promis ! Ils seront aussi en interview lundi matin dès neuf heures sur notre antenne. En attendant, je vous laisse avec la voix d'Adam Miller ! »

Il y avait eu un jingle et les premières notes de guitare s'étaient faites entendre, et les premières larmes d'Ashling avaient commencé à couler. Elle avait bien tenté de changer la station de radio, mais ce fichu auto-radio ne voulait rien écouter, il n'avait rien à faire de ses supplications. Alors Ashling s'était arrêtée sur le bas-côté, et alors que la voix d'Adam résonnait dans cette boîte de ferraille sur roue, penchée sur son volant, elle avait pleuré et crié aussi. Parce que ça faisait trois semaines que ces larmes ne cessaient de sortir, mais que ça la soulageait toujours autant. Ça faisait aussi trois semaines qu'Ashling tentait de se convaincre qu'elle avait fait le bon choix, que ses douze coups de minuit avaient sonné en même temps que ceux du 1 janvier. Elle s'était réveillée. Elle n'était pas Cendrillon. La preuve son prince charmant avait vite lâché l'affaire. Alors que dans Cendrillon, le prince charmant, il traverse tout le royaume pour retrouver son amour. Le sien, après une visite chez sa sœur à Londres, quelques coups de téléphone pendant trois jours, plus rien. Plus de signe de vie. Il était passé à autre chose. Et Ashling aussi, elle aurait bien tenté de passer à autre chose, sauf que quand elle entendait dans sa voiture à l'autre bout du pays, une chanson écrite par son prince charmant, comment était-elle censée passer à autre chose ? Elle ne pouvait pas. Alors elle pleurait. C'était encore ce qu'elle faisait de mieux.

***

Ashling avait résisté. Tout le samedi. Tout le dimanche. Elle avait même désinstallé Spotify de son ordinateur, de sa tablette et de son téléphone. Aucun risque. Et bien sûr, fidèle à son comportement des dernières semaines, elle était restée cloîtrée dans sa chambre à pleurer, daignant à peine descendre pour les repas en famille. Nelly ne savait plus quoi faire...

Elle ne sut pas, jusqu'au message de son aînée. Il était arrivé dimanche soir.

De SUE:
Coucou maman,
Est-ce que tu peux t'assurer qu'Ash écoute la radio demain matin, 9h. La BBC. Merci <3

De NELLY:
Elle ne prend plus de petit-déjeuner depuis plusieurs jours, Sue.

De SUE:
C'est vraiment important maman...

Nelly n'avait pas bien compris, mais elle savait que si ce n'était pas aussi important, Sue n'aurait pas insisté. Elle n'aurait même pas envoyé un message à sa mère, elle aurait à la limite envoyé un message à sa sœur en lui demandant gentiment de bien vouloir écouter la radio. Si l'envie lui prenait. Alors Nelly avait décidé de suivre les conseils de son aînée, et de s'assurer qu'Ashling écoute la radio ce lundi matin. Peut-importe comment.

Donc elle avait été réveiller sa fille vers huit heures. Comme tous les matins depuis une semaine. Selon Lawrence, il fallait que « Ashling garde un rythme. ». Alors elle avait été frapper à la porte.

« Ash...

— Je dors, répondit sa fille avec une voix qui laissait entendre qu'elle ne dormait pas du tout.

— Je prépare le petit-déjeuner.

— Je descendrai pas. Merci. Laisse-moi dormir. »

Nelly n'avait pas insisté. Elle était redescendue et avait préparé le petit-déjeuner dans la cuisine. Elle l'avait pris dans le calme face à la fenêtre qui donnait sur l'eau. Et puis à huit heure trente, elle avait commencé la préparation du plateau avec de l'eau chaude dans une théière, un petit sachet gris qui était le thé préféré de sa fille. Elle avait rajouté un œuf à la coque avec des petites galettes de pomme de terre. Et puis elle avait pris le vieil auto-radio de son mari qui reposait sur le meuble en bois massif où était rangé la vaisselle de tout les jours. Elle avait eu un peu de mal à le régler sur la bonne station, mais finalement, ça avait été. Elle avait rajouté la machine sur le plateau et était partie le déposer dans la chambre d'Ashling.

***

Comme depuis les deux dernières nuits, Ashling n'avait pas dormi. Elle n'osait même plus se présenter devant ses parents, elle était elle-même horrifiée par ses propres cernes. Cette nuit, elle avait hésité à aller chercher un somnifère dans la salle de bain familiale, mais elle n'avait pas eu la force. Tout comme elle n'avait pas eu la force de dire « oui » quand sa mère était venue la chercher pour le petit-déjeuner. Elle se faisait pitié et ça lui donnait juste envie de pleurer, mais pour ça aussi, elle n'avait plus de force. Alors elle s'était contentée de fermer les yeux pour attendre que le temps passe. Qu'il passe jusqu'à la fin. Elle avait rapidement entendu sa mère remonter les escaliers. Ils étaient tellement vieux que chaque marche grinçait quand on l'empruntait, mais chacune avec un son particulier.

« Ash' ? Ma chérie ? Je peux entrer ?

— Oui.

— Je t'ai fait un petit-déjeuner de princesse, prévint sa mère en entrant dans la chambre. Il faut que tu manges plus que ça Ash'... S'il te plaît.

— Maman...

— Je te le mets sur la console, indiqua Nelly en posant le plateau rempli au pied du lit d'Ashling.

— Merci. Tu peux éteindre la radio par contre ? J'ai mal à la tête. Je...

— Je vais aller me préparer, préféra répondre la plus âgée de la pièce comme si elle n'avait rien entendu. Par contre, je déjeune avec Charlotte ce midi. Ça ira pour le déjeuner ? Tu pourras attendre ton père, il rentre manger.

— Maman... Reviens... Maman... »

Mais Nelly n'était pas revenue. Elle était même sortie de la pièce, calmement en laissant l'auto-radio en fonctionnement sur le plateau. Alors Ashling avait pris un oreiller à mettre par-dessus sa tête pour tenter d'atténuer le bruit de la radio.

« Bienvenue sur la BBC Radio ! C'était Sam Smith avec Calvin Harris et leur titre Promises. Alors... On a encore plein de choses de prévues ce matin, mais... Bon... On aura pas le temps de tout faire, c'est sûr. On me fait signe là-bas que les Never Enough sont bien dans le bâtiment et qu'ils vont descendre au studio, on va donc les recevoir d'un moment à l'autre. Je vous propose d'abord d'écouter le flash de neuf heures et on se retrouve dans un instant avec les garçons ! C'est parti, les infos avec Chris Seerat. »

Elle avait pas fait ça ? Si. Elle avait fait ça. Ashling détestait sa mère. C'était officiel.