Une si troublante proposition.

6.

Cyriac ne ressentait presque pas la douleur qui lui vrillait l'épaule.  C'était par contre une autre partie de son anatomie qui lui faisait douloureusement mal. Il pénétra dans la salle de bain et ferma la porte. Il avait besoin de se tenir le plus loin possible de cette jeune femme, elle l'influençait trop et c'était terriblement troublant. Il avait déjà tenue six mois, il pouvait en faire davantage. Mais l'abstinence était moins rude à supporter loin de la tentation. Et Hildegard Mór était sa tentation depuis maintenant un an.

Il se posta devant la glace qui lui renvoya un reflet de lui des plus inquiétants. Son visage crispé, son front plissé, ses lèvres pincées, son nez retroussé, ses sourcils froissés. Il avait une mine à effrayer le diable. Il se passa de l'eau sur le visage et essaya de se détendre. Il déposa l'inhalateur sur le rebord du lavabo de peur de mettre en action ses pensées. C'est-à-dire briser cet objet de ses mains.

Il n'avait pas eut besoin de Grâce jusque là pour parvenir à se maîtriser. Il ferma les yeux et étrangement ce fût Grâce qu'il vit dans le brouillard de son imagination. Ses longs jambes fuselées dans ses bas en dentelle, sa poitrine rehaussée par son minuscule soutien-gorge, sa chevelure d'un blond éclatant, son regard et son sourire aguicheur. Sa démarche provocante lorsqu'elle avait en tête de le séduire. Cette perspective le fit sourire.

C'était lui qui séduisait et pas l'inverse.

Mais avec Hildegard, il ignorait s'il était séduit ou simplement tenté. La deuxième suggestion était certainement la plus probable. Elle le tentait. Et pas qu'un peu.

Lorsqu'il se sentit capable de pouvoir la faire face à nouveau il quitta la salle de bain. Il devait une bonne fois pour toutes éclaircir les choses et mettre certaines règles en place. Il la trouva dans la cuisine entrain de manger un bol de céréales. Elle avait la tête baissée sur la table et sa coupe carrée lui occultait le visage. Elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence et il en profita pour l'observer. Elle mangeait à petit cuillère. Elle mettait au moins cinq minutes entre deux bouchées. Elle semblait si concentrée sur un point particulier de la table ce qui attisa sa curiosité. Il s'approcha et vit qu'elle ne faisait pas que manger. Elle jouait également aux échecs dont le plateau était posée sur ses cuisses. Ce qui le surprit ne fût pas de voir sa main au doigts délicats trembler avant de jouer son pion mais ce fût le fait de constater qu'elle hésitait alors que le match était plié il suffisait juste qu'elle fasse le bon mouvement.

Il la vit soulever sa main et toucher un autre pion mais il lui saisit le poignet avant qu'elle n'aille plus loin. Il bougea le pion adéquate sous le regard ébahis de la jeune femme.

— Échec et mat, soufla t-il une fois fini.

Il retira le plateau sur ses jambes et le posa sur la table.

Ça y est, songea Hilda le cœur battant à un rythme effréné. La confrontation qu'elle redoutait tant était arrivé. Cyriac Kreïyos était là, en face d'elle, près d'elle et il lui tenait le poignet. Il la regardait et pour une raison qu'elle ignorait elle le regardait aussi comme captivé par son regard. Ses yeux quittèrent un instant les siens pour se poser sur ses lèvres légèrement entrouvertes. Il était plus qu'évident qu'elle avait du mal à respirer. Il lui restait encore deux prises avec son inhalateur. Lentement, son regard revint se poser sur ses yeux et il la lâcha. Elle vit sa mâchoire tressaillir et une étrange émotion passée dans son regard sombre et impénétrable.

— Vous devrez manger quelque chose de plus consistant, déclara t-il en s'éloignant vers le réfrigérateur.

Quelque chose de plus consistant répéta t-elle  in petto. Ce ne fût  pas cette suggestion qui la surprit mais ce changement en lui. Ce bol de céréales était la chose la plus consistante qu'elle puisse se faire. Elle était une piètre cuisinière. Même se faire du café lui était impossible. Alors se préparer un repas digne de ce nom.