Une si troublante proposition.

1.

Après plusieurs minutes d'exercice, Hilda reposa sa jambe au sol. Elle ressentit une douleur lancinante qui la fit grimacer. Elle toucha sa cheville douloureuse et enflée. Cela faisait plus de deux semaines qu'elle s'était foulée la cheville en voulant changer l'ampoule de sa chambre. Elle avait chuté de l'escalier et heureusement pour elle, elle s'en était sortie juste avec une fracture. Mais étant toute seule au centre sans l'aide de Mme Sienna, il lui était difficile de s'en sortir. Elle devait encore tenir trois jours toutes seules avant le retour de cette dernière et des autres filles. Autrement dit, elle devra faire trois jours de plus avec cette affreuse douleur dans la jambe.

La jeune femme saisit ses béquilles et marcha jusqu'à sa chaise roulante. Elle prit place et quitta sa chambre, ce n'était pas vraiment la sienne mais avec sa jambe invalide il lui était impossible de grimper à l'étage. Elle dormait donc dans une chambre au rez-de-chaussée. Elle alla dans la cuisine et versa un peu d'eau dans l'arrosoir. Le récipient se remplit et elle alla arroser les plantes; elle s'occupa d'abord de ce qui se trouvait dans la maison et alla ensuite arroser celles qui étaient dehors. Elled encadraient le porche et leur parfum exotique se mêlaient à celui de la mer et des odeurs que transportait le vent.

Elle reposa l'arrosoir sur le sol en bois de la terrasse et s'approcha des balustrades. Elle observa la mer et les vagues qui clapotaient sur le rivage. Elle adorait marcher sur le sable fin de la plage et sentir les grains lui pénétrer la plante des pieds. Cela l'apaisait davantage que tous les exercices qu'avaient pu l'enseigner Mme Sienna et bien d'autres. Elle trouvait cet endroit magnifique; irréel et impressionnant. Comme si l'architecte avait voulu que ceux qui y vivent se perdent dans un monde imaginaire. En pensant soudain à l'architecte, l'image d'un Cyriac Kreïyos tout nu, dans une chambre à la lumière tamisée s'imposa à elle. Elle le revoyait la dévisager avec ses yeux châtains opaque, son visage impassible et intrigant. Cela faisait un an maintenant qu'elle ne l'avait pas revu mais elle n'avait oublié aucun détail de leur troublante rencontre. Surtout pas les cicatrices dans son dos. Qu'avait-il bien pu lui arriver ? Était-ce les conséquences de ses jeux pervers auxquels il s'adonnait ? Elle ferma les yeux pour écarter ses images inopportunes de son esprit. Cyriac Kreïyos était un homme dont elle devait se méfier autant que tous les autres. Elle ne devait pas ressentir de la compassion ni même de la gratitude en son égard. Pourtant elle n'y arrivait pas, et cela la terrifiait. Depuis qu'elle l'avait vu, elle ne cessait de faire des rêves ou plutôt des cauchemars où un homme la traquait  dans des couloirs sombres et étroits. Il l'attrapait et lui ballonnait la bouche pour qu'elle ne puisse pas crier et ensuite...

Hilda secoua la tête pour chasser ses pensées. Elle était loin de tout ici, et ni Cyriac Kreïyos, ni aucun autre homme ne pouvait lui faire de mal. Elle fit sortir son rubicube et commença à faire pivoter les cases. Le vent souffla sur son visage faisant virevolter sa frange et sa coupe carrée.

***

Cyriac pénétra dans le hall de son entreprise et le silence se fit instantanément. Tous avait le regard rivé sur lui, il y avait de quoi ! Pour ainsi dire il mettait rarement pieds à CK construction. Il travaillait chez lui et envoyait ses notes à sa secrétaire qui s'occupait du reste. Mais aujourd'hui c'était différent, après les vacances mouvementée et plein de rebondissements qu'il avait vécu avec ses deux meilleurs amis et associés il avait besoin de faire une pause et réfléchir.

Il ferma les yeux et serra les dents. Depuis quand reflechissait t-il ? Il aimait foncer et reparer les dégâts s'il y en avait. Mais depuis que Anastase et Anthon s'étaient rangés et avaient fondés leur famille, il se demandait s'il ne devait pas faire pareil. Il bouscula la tête pour refouler cette idée, le mariage, les enfants ce n'était pas pour lui.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et il pénétra dans son bureau. Au passage il récupèra le dossier que lui tendait sa secrétaire.