Unexpected [FR/EN]

Chapitre 13

Lorsque ma chère et tendre Emily a bien voulu sortir de la salle de conférence, on s'est empressé d'aller trouver un endroit où manger. On s'est posé à un stand où les frites et les paninis ont retenu notre attention. J'étais à fond dans ma barquette de frites, lorsqu'elle me file un coup de pied sous la table.
- Aïe ! Putain Emily !
Je la foudroie du regard lorsqu'elle tourne son téléphone vers moi pour me montrer une vidéo sur Instagram. J'y jette un rapide coup d'oeil pour apercevoir Tom en train de me serrer dans ses bras. J'arrête aussitôt de regarder pour me remettre à manger mes frites comme-ci de rien n'était.
- Non mais t'as vu ça ?
Je lève les yeux au ciel avec fatigue.
- Oui, j'y étais en fait.
Elle me refile un nouveau coup dans les jambes avec amertume.
- Putain mais arrête !
- Je te déteste, tu le sais ça ?
- Oui, je sais. Tellement que tu m'as accueilli chez toi.
Elle m'adresse un faux sourire abusé, une grimace qu'elle utilise tous les jours lorsqu'elle est contrariée.
- Franchement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi tu fais la gueule après ce qu'il vient de t'arriver.
- Je ne fais pas la gueule.
- Ouais bah tu t'es pas regardé dans ce cas ! Sérieux Elena, Tom est trop mignon avec toi, pourquoi tu ne veux pas le voir ?
Je plante mes yeux dans les siens, la bouche pleine de mes délicieuses frites.
- Parce que ça va rien changer à ma vie.
Elle secoue la tête, réfléchissant déjà à son sermon.
- Pas la peine de m'engueuler encore une fois, OK ? J'ai juste pas envie de m'attacher à lui. Tout ce que je vais gagner c'est qu'il va partir et que je vais pleurer comme une madeleine. Alors laisse moi faire ce que je veux un peu, on dirait ma mère.
Je m'attarde à nouveau sur mon repas, morte de faim comme à mon habitude.
- Ta mère s'inquiète beaucoup pour toi, tu sais.
Je lui lance un regard surpris. C'est la première fois qu'elle semble être de son côté.
- Elle me demande tous les jours comment tu va. Et lorsqu'elle a appris que Tom revenait elle a eu peur.
- Peur de quoi ?
- Que tu partes.
Mes sourcils se haussent de surprise et j'en perd presque l'appétit.
- Pourquoi est-ce que je partirais ?
- Pour lui.
Je laisse tomber mon panini, ce qui est un crime contre l'humanité, je tiens à le préciser.
- Putain mais c'est quoi votre problème avec lui sérieux ? On va pas se marier, OK ? Et ça principalement parce qu'il ne m'aime pas ! Alors foutez moi la paix avec ça !
Je me lève brusquement, délaissant mon assiette pour quitter la table. Sérieusement, ça me prend la tête, mais vraiment. Pourquoi est-ce qu'elle me pousse à aller vers lui ? Pourquoi est-ce qu'elle refuse de comprendre que j'en ai pas envie ? OK, il est mignon, adorable, exceptionnel, tout ce que vous voulez, mais putain il est trop inaccessible ! J'ai l'impression qu'il y a un fossé si grand entre nous qu'à chaque pas que je fais vers lui je me rapproche du vide. Et putain j'ai pas envie de tomber. Je me suis déjà cassé la gueule avec Benjamin, j'ai pas envie de recommencer maintenant. Alors oui, c'est vrai, il m'attire, autant physiquement qu'émotionnellement, mais le problème c'est qu'il me fait peur. Il est si près et si loin à la fois.
Je traverse les stands d'un pas rapide pour me trouver un coin tranquille où me poser jusqu'à ce qu'Emily me retrouve. Elle est certainement déjà entrain de me chercher. Il y a une place libre contre un mur, je vais m'installer là jusqu'à ce que quelqu'un m'emmerde à nouveau. Je m'assois à même le sol, collant mon dos au mur froid avec soulagement. La chaleur est étouffante ici, c'est un truc de dingue. Le monde qui grouille dans les allées et la chaleur habituelle du mois de juillet m'empêche de respirer correctement. Je laisse mon regard divaguer sur les silhouettes qui fourmillent entre les stands et qui deviennent floues à mesure que je m'égard dans le vide total. Sans ne plus penser à rien. Vous connaissez cette sensation, j'en suis sûr. Lorsqu'on bloque sur un point invisible, et qu'on s'isole de tout. Ça ne dure que quelques secondes, mais c'est apaisant. Quelques secondes où notre cerveau se met en veille. J'ai l'impression de flotter.
Des jambes s'arrêtent devant moi et me force à sortir de ma veille. Je lève la tête avec agacement et mon coeur se bloque, empêchant le sang d'irriguer complètement mon cerveau. Il est encore là, et je ne sais pas si c'est réel ou si c'est une hallucination due au manque d'oxygène dans mon cerveau. Il est planté là, debout devant moi, les mains dans les poches de son jean. Ses yeux ne me quittent pas, mais il ne sourit pas. Ses lèvres sont pincées, sa mâchoire serrée et son regard semble plus angoissé qu'inquiet. Il ne dit rien, et j'ai pas envie de parler. Le brouhaha autour de nous suffit pour ne pas faire paraître ça trop gênant.
C'est lui qui brise le contact visuel en premier, il jette un oeil à sa droite, alors j'en fais autant. Un type se tient là, plutôt baraqué et pas très accommodant. Il me jette un rapide regard, avant de reculer de quelques pas pour tourner le dos au mur sur lequel je suis appuyé. Qu'est-ce qu'il fait au juste ?
Un corps coupe mon champ de vision pour s'installer à côté de moi, le dos collé au mur et l'épaule à deux centimètres de la mienne. Je croise ses prunelles brunes une seconde, avant de reposer les yeux sur la foule qui s'amasse autour des stands. Il n'aurait pas du s'asseoir ici, des gens commencent à nous regarder. Je déteste attirer l'attention. Je replis mes jambes contre moi, attrapant mes genoux comme pour me réconforter toute seule. J'essais de ne pas prêter attention aux regards curieux posés sur nous. La moitié doivent se demander pourquoi il est assis à côté de moi en plein milieu d'une convention, et l'autre moitié doivent se demander avec quelle audace j'arrive à rester assise à côté de lui sans parler. En vérité, j'ai pas grand chose à dire. Et je ne pense pas que ce soit différent de son côté.
On reste comme ça, assis l'un à côté de l'autre, en silence pendant ce qui semble être plusieurs minutes. Puis, sans rien dire, il me tend sa main. Paume ouverte. J'y jette un oeil sans comprendre l'intention de son geste, avant de poser les yeux sur lui malgré ma détermination à ne pas le regarder depuis qu'il s'est installé là. Ses yeux sombres sont déjà en train de me dévisager. J'ai vraiment du mal à garder le contact visuel avec lui, j'ai toujours l'impression qu'il arrive à lire dans mes pensées.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Take my hand.
Je suis sûr qu'il n'a pas compris ce que je viens de dire, mais pourtant il n'a pas hésité une seule seconde.
- Why ?
- Take it.
Son ton est plus pressé, plus autoritaire. Et son regard est déterminé. À tel point que ma main a glissé dans la sienne avant même que je ne le réalise. C'est le contact de ses doigts s'entrelaçant au miens qui me fait prendre conscience que j'ai obéis. Mes yeux tombent sur nos mains, l'une dans l'autre, comme-ci ça paraissait presque normal. Les veines ressortent de sa peau, et je remarque que ses ongles sont rongés. Il pose le dos de sa main sur son genou et repose les yeux sur la foule face à nous. J'en profite pour observer son visage de profil. Il semble totalement à l'aise avec l'idée de me tenir la main devant une foule de gens dont la moitié sont là pour le voir. Ses cheveux sont nettement plus longs vu d'ici, mais ça lui va bien. Ça lui donne un air plus rebelle. Son regard divague au loin, et je me demande comment il fait pour avoir l'air aussi sérieux. Moi je suis trop crispée, c'est une horreur.
- Pourquoi tu fais ça ?
Il me jette un bref regard, avant de reposer les yeux droit devant lui, comme-ci ma question ne l'intéressait pas.
- I don't understand when you speack french, Darling.
Darling ? Sérieusement ? Non mais depuis quand on est passé à l'étape supérieur lui et moi ? Il y a un truc dont je ne suis pas au courant là.
- Why are you holding my hand, Tom ?
Il passe sa langue sur ses lèvres une seconde seulement, sans poser les yeux sur moi.
- I just want to prove you that you're not alone.
Ses yeux me tombent dessus, et j'ai la sensation qu'un poids compresse ma poitrine.
- Quoi ?
Il serre ma main un peu plus dans la sienne, et ancre son regard dans le mien.
- You are not alone, Elena.
Mes sourcils se fronces sans que je n'y puisses rien, et je reprend ma main si brusquement qu'il paraît surpris.
- Of course I am. And you're not helping.
Je repose les yeux devant moi, rattrapée par la culpabilité. Je sais qu'il me regarde, je sens ses yeux posés sur moi. Je sais qu'il essai de m'aider, mais ça ne marchera pas.
- I'm sorry.
- You don't have to.
- But I am.
Putain, ça y est je m'en veux. Je suis vraiment la fille la plus nulle de cette convention.
- When my boyfriend brock up with me... I was devastated, and then he came back, believing that I will forgive him. But I didn't. He hurt me, so bad... and everytime I was thinking about him, I realised that... I can't build a life with a men who hurt me and want me to excuse myself. That was not my fault, and I don't want to suffer with him. So I choose to suffer alone.
Je sens son regard toujours posé sur moi, mais son silence me rend nerveuse. Je tourne la tête vers lui, croisant ses yeux non pas inquiets pour une fois, mais presque compréhensifs.
- Let me hold your hand. Please.
Ce dernier mot le fait toujours paraître suppliant, et j'ai du mal à y résister. Je lui tend ma main sans trop savoir si c'est une bonne idée. Il y jette un oeil et n'hésite pas une seule seconde pour la prendre dans la sienne, entrelaçant à nouveau ses doigts aux miens.
- Thank you.
Il plonge ses yeux dans les miens, m'arrachant un faible sourire.
- I'm the one who should be thanksfull.
Son pouce caresse le dos de ma main avec une douceur dont j'ai perdu l'habitude.
- You don't have to thanks me.
Son regard tombe sur nos mains qu'il pose sur sa jambe.
- All I want is your hapiness, Elena.
J'essais de ne pas prêter attention à mon cœur qui décide de se rebeller. Il n'arrête pas lorsqu'il s'agit de Tom.
- I want it, too.
Un sourire étire ses lèvres, léger, mais ça suffit à me réchauffer le cœur. Il glisse sa seconde main sur la mienne pour la caresser doucement.
- You've done the right thing with him.
Il relève les yeux vers moi, et j'ai vraiment du mal à soutenir son regard.
- I'm not sure now.
Ses sourcils se fronces une seconde seulement, m'indiquant qu'il ne comprends pas.
- Why ?
Je baisse les yeux vers ma main dans la sienne, et je me sens aussitôt mal à l'aise.
- I was so in love with him. Now I'm just alone and... I think it was a mistake. I should have forgiven him. I don't know...
Je reprends ma main avec empressement pour cacher mon visage, honteuse. Mais pourquoi est-ce que je suis en train de parler de lui avec Tom ? Putain comment est-ce que je fais pour toujours me mettre dans des situations pareil ? Une main glisse sur mon épaule, et je sais d'avance à qui elle appartient. Je dévoile à nouveau mon visage pour lui jeter un coup d'oeil. Ses yeux bruns sont toujours posés sur moi, et il retire sa main de mon épaule en m'adressant un léger sourire. Beaucoup moins étincelant qu'à son habitude.
- I'm sorry, I don't know why I'm telling you all that shit.
Cette fois-ci son sourire est plus grand.
- Maybe because you trust me.
- Peut-être.
J'hausse les épaules en dérivant le regard. Les gens ont arrêtés de nous dévisager. Comment se fait-il qu'ils aient fini par trouver cette situation normale ?
- You know what ? I don't like him.
Je repose brusquement les yeux sur lui, surprise par cet aveu.
- Quoi ?
Ses yeux croisent les miens une seconde, avant qu'il ne les poses devant lui en pliant ses jambes contre son torse.
- I don't like him.
Sérieusement ? Mais enfin pourquoi il ne l'aime pas ?
- Why ?
Il esquisse une grimace, le nez retroussé, sans pour autant me regarder.
- He hurt you, enough to make me angry and I hate being angry.
Il conclue sa phrase d'un sourire amusé. Moi ça ne m'amuse pas du tout. Il me jette un bref coup d'oeil, avant de baisser la tête.
- You really care about me, right ?
Il s'humidifie les lèvres en se forçant à ne pas me regarder.
- Yes.
Ce "Yes" j'y est pensé tellement de fois, mais jamais avec cette question là.
- What would you think if I'm saying that sometimes I feel like I'm still loving him ?
Son regard me tombe dessus comme une masse, et j'ai du mal à reprendre mon souffle. Il semble tellement surpris que je m'en veux immédiatement d'avoir posé cette question. J'ai l'impression pendant une seconde qu'il m'en veux. Je n'ai pas le temps de lui demander qu'un truc me tombe dessus si brusquement que je sursaute de tout mon corps en levant les mains comme pour me protéger.
- Oh merde, je vous ai dérangé là ?
Je lève les yeux vers mon interlocutrice pour croiser les yeux bleus d'une fille que je n'ai jamais vu de ma vie. Elle se tient à côté de moi, un énorme gobelet dans les mains. Et c'est là que je comprends. Je baisse la tête vers mon ventre où une tâche brunâtre a complétement détruit mon top fleuris blanc avec ses défuntes jolies roses bleus, et je ne vous parle même pas de mon jean clair. Elle a renversé son verre sur moi. Putain j'y crois pas ! Elle a renversé son verre sur moi !
- Oh shit... are you alright ?
Je relève aussitôt les yeux vers mon agresseur, qui m'adresse un sourire amusé.
- C'est pour Benjamin. Passe une bonne journée.
Elle me jette son gobelet à la figure, et il atterri sur les genoux de Tom, déversant les quelques millilitres qui lui reste sur son T-shirt.
- Oh fuck !
Il attrape le verre en me jetant un œil choqué. Cette pétasse est déjà loin. Je me lève en laissant le liquide accumulé sur mon haut tomber au sol. Je sais que beaucoup de gens nous regarde et j'ai envie de courir me cacher.
- Did she do it on purpose ?
Je pose les yeux sur Tom qui me dévisage de la tête aux pieds de ses yeux ronds, avant de pincer les lèvres en une grimace amère.
- It's gonna become a habit to give you my clothes.
Ses yeux bruns plongent dans les miens, volant à mon coeur un énième battement. Pourquoi il faut qu'il soit aussi gentil ?
- Il faut que j'ailles nettoyer ça.
Je jette un oeil à mes vêtements, avant de croiser à nouveau son regard.
- I have to go, sorry.
Je passe près de lui avec empressement, lorsqu'il me stoppe d'une main sur mon bras.
- Wait, please !
Je pose à nouveau les yeux sur lui, surprise par le ton suppliant de sa voix.
- Promise me that I will see you this afternoon.
What ? J'ai bien entendu là ?
Il retire sa main de mon bras avec un certain malaise, et ça doit être à cause de mon silence.
- C'est promis. I'll be there.
Son regard s'agrandit et un sourire illumine son visage.
- Great !
- À tout à l'heure.
Je lui adresse un doux sourire, avant de délaisser son joli visage pour rejoindre les toilettes les plus proches. Évidemment, il y a toujours du monde dans ses toilettes là, mais je vais faire abstraction des regards curieux pour me concentrer sur la tâche énorme qui couvre mon ventre et une partie de mes cuisses. J'attrape du papier absorbant pour essayer de minimiser les dégâts, mais c'est peine perdue. Vous croyez que si je passe entièrement mon haut sous l'eau ça peut le faire ? Bon il faudra que je me balade avec un T-shirt trempé. Peut-être que la chaleur étouffante dehors pourra le sécher en quelques minutes.
J'ai pas trop le choix de toute façon.
Je passe une bonne partie de mon haut sous l'eau, m'abstenant de le retirer devant les filles qui entrent et qui sortent depuis tout à l'heure. J'essore aussi fort que je peux la tonne d'eau absorbée par le tissu, avant de sortir des toilettes au bout de dix bonnes minutes. Je jette un œil autour de moi, mais Tom a disparu. Il faut que je sortes pour espérer sécher un peu mes vêtements. Après tout, l'espoir est tout ce qu'il me reste.