Deux jours sont passés depuis que j'ai posé les pieds en France, et ça fait deux jours que je squatte chez mon père, que je ne bouge pas de la chambre d'amis, enroulée dans la couverture de ce lit qui n'est pas le mien. L'appartement où j'habitais avec Emily, c'est sa mère la propriétaire, et n'ayant plus de locataires lorsque je suis parti, elle a décidé de le remettre en location. Toutes mes affaires ont atterri chez ma mère, et comme je n'ai pas envie d'aller squatter le canapé avec Bob qui y prend déjà toute la place, j'ai préféré rester chez mon père. Et puis il n'est jamais là de la journée, il est toujours parti au boulot, ou bien partit chez Alice. Il n'y a que la nuit qu'il reste là. Il revient tous les soirs, enfin les deux seuls soirs qui sont passés depuis que je squatte chez lui il est toujours revenu pour passer la nuit ici. Comme-ci il avait peur que je parte, ou que je me suicide, j'en sais rien. Sauf que je n'ai pas besoin d'attendre qu'il fasse nuit pour avoir envie de sauter par la fenêtre, mais bon ça je ne vais pas lui dire, il serait foutu de passer toute la journée ici après.
Toujours est-il que je suis emmitouflée dans ce lit depuis deux jours entiers, et que j'ai l'impression que ça ne fait que deux heures. Le temps est long. Tellement long sans lui. La télé tourne en boucle, mais même Netflix ne parvient pas à me réconforter. Je suis une vraie loque, je vous jure. Lorsque j'ai pris ma douche ce matin, j'ai passé toute la matinée dans la baignoire, à attendre que l'eau refroidisse autour de moi. Comme-ci, une fois froide, elle finirait par me tuer d'une hypothermie. Mais c'est loupé. Je respire encore malheureusement.
- Elena !
J'entends la porte de l'appartement claquer et les pas de mon père traverser le salon. Déjà ? Mais quelle heure il est ? Je jette un œil à l'heure affichée sur la télé pour y voir inscrit 12:17. Sérieusement ? Mais qu'est-ce qu'il fou ici à cette heure-là ?
La porte de la chambre que j'habite désormais s'ouvre brusquement sans même qu'il ne prenne la peine de frapper, et sa grosse tête aux cheveux grisonnant m'agresse de ci bon matin.
- Qu'est-ce que tu fou encore au lit ? T'es pas habillée ?
Il entre en jetant un œil à la télé, avant de me gratifier de ses yeux glacials emplit de lassitude.
- T'es encore en train de regarder tes vampires bidons ?
- C'est des zombis, papa. Les vampires ça ne ressemblent pas à ça.
Je lui désigne la télé d'un geste agacé de la main, avant de remonter la couverture jusqu'à ma gorge.
- Je sais déjà à quoi ça ressemble un vampire, j'en ai un qui squatte ma chambre d'amis depuis deux jours.
Il me rejoint d'un pas seulement pour me piquer la télécommande de la télé et mettre fin à mon épisode de The Walking Dead.
- Putain, mais papa !
Il me lance un regard noir, ce genre de regard que je déteste.
- Aller lève ton cul et va t'habiller.
- Pourquoi faire ?
Il rejoint la porte en emportant la télécommande avec lui.
- On va manger au restau ce midi, en tête à tête. Alors soit un minimum présentable, tu veux ? J'ai pas envie que tout le monde pense que je dîne avec une dépressive.
Putain mais il est sérieux ? Et il se barre comme-ci de rien n'était. Comme-ci il était certain que j'allais me lever pour faire ce qu'il dit. Mais j'ai pas envie de m'habiller, OK ? J'ai pas envie de sortir dehors et de voir tous ces gens heureux qui n'ont pas idée du calvaire que je vis en ce moment. Et puis j'ai pas envie de bouffer, merde ! Il peut pas me laisser crever en paix putain ?
- Je te donne cinq minutes, pas une de plus !
Putain... je crois que j'aurais mieux fait d'aller chez ma mère. C'est pas Bobby qui m'aurait emmené au restau, ça c'est sûr !
Lorsque je mets le pied dehors, le soleil me crame les rétines, et le vent froid me fait regretter la chaleur du lit que je viens de quitter. Je suis mon père jusqu'à sa voiture, n'ayant pas idée une seule seconde du restau dans lequel on va.
- J'ai besoin d'aller au bureau juste cinq minutes, tu vas m'accompagner à l'intérieur OK ?
Je pose brusquement les yeux sur lui, pas certaine d'avoir compris.
- Quoi ? Mais pourquoi tu veux que je vienne ?
- Parce que, t'as pas le choix, c'est comme ça.
Putain ! Il va vraiment me traiter comme une gamine encore longtemps comme ça ?
- Je vais pas me jeter sous les roues d'un camion, tu sais ?
- Non j'en sais rien justement.
Son ton accusateur me fait vriller le cœur. Je croise ses yeux gris une seconde, avant qu'il ne repose les yeux sur la route.
- Ça fait deux jours que tu restes cloîtrée dans cette chambre comme-ci t'avais plus envie de foutre un pied dehors. Et ça fait deux jours que je ne t'ai pas vu manger ne serait-ce qu'un pot de yaourt, alors non j'ai aucune certitude que t'as pas prévu de te faire renverser, tu vois !
Je pose les yeux dehors en priant pour qu'il arrête de me hurler dessus, parce que mes larmes ne vont pas tarder à couler. Et je suis en plein travail sur moi-même pour arrêter de pleurer alors j'ai pas envie de tout foirer encore une fois.
- Putain sérieusement, Elena, quand est-ce que tu vas me dire ce qui s'est passé là-bas ? Pourquoi tu n'es pas resté à Cleveland avec Tom ?
C'est vrai que je ne lui ai rien dit. Je n'ai rien dit à personne en fait, pas même à Emily. Elle n'est déjà pas au courant pour Benjamin, et lorsqu'elle va savoir elle va me tuer pour ne pas lui avoir dit plus tôt. Déjà qu'elle essai tous les jours de savoir pourquoi est-ce que je ne suis pas resté avec Tom. Dieu merci, je n'ai toujours pas racheté de téléphone ce qui réduit considérablement ses chances de me harceler. Même si ça ne l'empêche absolument pas de téléphoner trois fois par jour à l'appartement de mon père.
- Et bah t'as qu'à lui demander, après tout tu lui parle encore toi non ?
Je pose les yeux sur lui avec le même regard glacial qu'il a pour moi.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
- La photo sur ton téléphone, c'est forcément lui qui te l'a envoyée. Et puis il t'a bien prévenu pour Benjamin, alors ne fait pas genre que tu ne lui parle pas !
- Hey, déjà tu vas commencer par baisser d'un ton, OK ? Parce que je suis pas ton pote, Elena !
- Alors ça là-dessus on est d'accord !
Je croise les bras sur ma poitrine en reposant les yeux dehors, comme une gamine en train de bouder. Mais c'est exactement ce que je suis en train de faire.
- La photo c'est pas lui qui me l'a envoyée. Je l'ai prise sur Instagram.
Quoi ? J'arrête immédiatement de bouder pour reposer les yeux sur lui.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Il ne l'a jamais mise sur Instagram.
- Bien sûr que si, il l'a mise. C'est Charlie qui a fait une capture d'écran, ou je sais pas trop quoi pour la récupérer.
- Quoi ?
Non mais attendez, je suis sûr qu'il ne l'a pas postée sur Instagram. Je l'aurais vu quand même.
- Elle a dit que c'était une story, que c'était temporaire, et que si je la voulais il fallait que je fasse une capture d'écran.
Oh merde... il a posté une story avec une photo de nous deux ? Et je ne l'ai même pas remarqué ? Putain mais je suis trop nulle.
- Et puis le message qu'il m'a envoyé pour Benjamin c'est le seul que j'ai reçu de lui, OK ? Alors arrête de croire qu'on est devenus potes lui et moi, parce que jusqu'à preuve du contraire, l'état dans lequel tu es aujourd'hui c'est certainement à cause de lui, et c'est ce qui fait qu'on est loin d'être potes, tu vois. Alors maintenant raconte-moi ce qui s'est passé au lieu de tourner autour du pot.
Putain je n'en reviens pas qu'il ait posté une story avec une photo de nous deux. Sérieusement, tout le monde a dû la voir. Comment j'ai fait pour ne pas m'en apercevoir ?
- Oh oh ! Tu te décides à parler oui ou merde ?
- Merde !
Je lui lance un regard suffisamment noir pour qu'il coupe court à la conversation, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit de mon père, et qu'il ne baisse jamais les bras. Jamais.
- Tu finiras par me le dire, t'as plutôt intérêt si tu veux mon avis.
Il gare sa voiture sur la place de parking qui lui ai réservée, avant de descendre. Bien entendu, il s'arrête devant le capot de la voiture en attendant désespérément que je le suive. Putain ce qu'il me fait chier !
Je finis par descendre de la voiture pour lui emboiter le pas à l'intérieur des bureaux. Je n'aime pas être ici. Je n'ai jamais aimé être ici, au milieu de ces bureaux où ces flics s'occupent d'affaires en tout genre, de braquages, de viols ou encore de meurtres. L'ambiance ici est pesante, étouffante. Je ne sais vraiment pas comment mon père fait pour se sentir bien ici. Il rejoint son bureau, tandis que j'attends à la porte pendant qu'il fouille dans ses tiroirs. Je jette un œil aux bureaux d'à côté, lorsqu'un type déboule de nulle part et s'arrête devant moi, m'arrachant un putain de sursaut.
- Salut, tu dois être Elena.
Je lève les yeux vers un blondinet à la tête de premier de la classe qui attend devant moi avec un sourire enfantin.
- Heu... salut.
Il ajuste ses lunettes sur son nez, au moment où mon père nous rejoint à la porte de son bureau, le dévisageant d'un regard tellement noir que le blondinet recule pour lui laisser la place de sortir.
- Il y a un problème Arthur ?
- Non, aucun problème Monsieur. Vous m'avez juste demandé de vous informer si Monsieur Diaz posé encore des problèmes.
Monsieur Diaz ? Bordel il parle de Benjamin là !
Je me décolle du pan de la porte au moment où mon père me lance un regard qui me demande de la fermer alors que je n'ai même pas encore ouvert la bouche.
- Qu'est-ce qui se passe avec lui cette fois ?
Il repose les yeux sur le blondinet qui me jette un regard nerveux avant de répondre.
- Et bah il est entré à l'hôpital il y a deux jours, et sa mère a débarquée ce matin dans le commissariat du 9ème pour dire qu'il avait disparu.
Waouh... qu'est-ce qu'il a dit là ?
- Disparu ?
- Ouais, les collègues ont appelé l'hôpital et apparemment il serait parti sans prévenir personne.
- Putain... ce fils de pute a mis les voiles.
Mon père me lance un regard tellement noir que je sens mon estomac se nouer.
- Non, il n'est pas parti tout seul.
Je lève les yeux sur le blondinet en même temps que mon père, sans comprendre un seul mot de ce qu'il dit.
- Quoi ?
- Les infirmières ont dit qu'il ne pouvait pas marcher. Il est descendu en fauteuil roulant pour fumer une cigarette mais d'après elles il n'est jamais remonté. Alors... peut-être qu'il a demandé à quelqu'un de venir le chercher, mais sa mère refuse de le croire. Elle a dit qu'elle est passée le voir le soir où il est entré à l'hôpital et que le lendemain matin il n'était plus là. Elle est sûr d'elle, aucun de ses amis ne sait où il est, et pour elle il n'a pas pu disparaître sans lui dire où il allait.
Oh putain de merde... sa mère a raison, il n'aurait jamais fui sans lui dire où il allait. C'est son seul fils, et elle est toute sa vie. Pourquoi est-ce qu'elle ne sait pas où il est ?
- Est-ce que tu es sûr de toi ?
- Certain, Monsieur. D'après elle il se serait fait enlever le lendemain de son entrée à l'hôpital. Ça paraît dingue mais... c'est ce qu'elle prétend, Monsieur.
Mon père me jette un œil par super rassuré, et j'ai l'impression qu'il en sait plus que moi. Comme-ci il s'avait ce qui s'était passé. Mais comment il pourrait savoir ? Est-ce que c'est lui qui a organisé sa disparition ?
- Attend, papa...
Il lève une main vers moi pour m'indiquer de me taire, et face aux yeux curieux du blondinet, je comprends que ce n'est pas l'endroit pour parler de ça. Personne ne doit savoir que c'est mon père qui l'a envoyé à l'hôpital.
Lorsqu'on est enfin sortis des bureaux, je peux enfin ouvrir la bouche.
- Est-ce que c'est toi qui as fait ça ?
Mon père s'arrête près de sa voiture en levant les yeux vers moi. Et l'arrogance dans son regard me laisse perplexe.
- Fait quoi ?
- Qui a organisé sa disparition.
Il jette un œil à la façade des bureaux, avant de me faire signe de monter dans la voiture. À peine assise sur le siège, sa voix m'agresse déjà.
- J'ai aucun intérêt à ce qu'il disparaisse, Elena. Il a certainement demandé à un de ses potes de venir le chercher et il s'est trouvé une planque pour ne pas que je le retrouve. De peur que je le tue cette fois. Sa mère a sûrement paniquée, c'est tout.
Je n'y crois pas une seule seconde. Il est totalement capable d'avoir engagé des gens pour s'occuper de lui, comme ça personne n'est au courant, pas même moi. Je connais mon père, il ne baissera jamais les bras et il aura gain de cause à n'importe quel prix.
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Unexpected [FR/EN]
Fanfiction"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...