Quand j'arrive chez mon père, comme à chaque fois que je suis censé le voir, il n'est pas là. Son appartement est vide et il ne m'a laissé qu'un post-it sur la table basse du salon. Avec toujours ses mêmes mots.
Désolé ma chérie, urgence au 36, je t'appelle ce soir
Le 36 c'est pour le 36 quai des orfèvres, le siège de la Police Judiciaire. Vous l'aurez deviné, mon père est flic. À la criminelle. C'est pour ça que ma mère a divorcé il y a cinq ans. Parce qu'elle en avait marre des post-it. Je ne sais même pas pourquoi il emploi encore le chiffre 36. Le siège de la criminelle a déménagé il y a deux ans dans le Nord de la ville. Il n'y a plus que le palais de justice qui tourne encore là-bas.
Je replis le post-it en deux pour lui indiquer que je suis passé et que j'ai eu le message. Maintenant je n'ai plus qu'à rentrer chez moi, retrouver Benjamin s'il n'a pas encore décampé. J'ai à peine le temps de passer la porte que la voix grave de Ben m'agresse.
- Bordel t'étais où ?
Je claque la porte derrière moi pour rejoindre le petit salon où Benjamin m'attend, non pas assis devant son ordinateur comme à son habitude, mais debout au milieu de la pièce. Ses yeux verts me dévisagent avec colère, et ça faisait bien longtemps que ça n'était pas arrivé.
- Ça te dérangerais de me répondre ?
Je retire mon manteau en retenant moi aussi ma colère.
- Avec Emily.
- Et c'est pour ça que tu ne réponds plus depuis deux heures ?
Je pose les yeux sur lui avec agacement. Je déteste lorsqu'il me hurle dessus comme-ci j'étais sa propriété.
- Parce que c'est un problème ? Pourtant quand c'est toi qui ne réponds plus à partir de minuit et que je passe la nuit à m'inquiéter, là ça ne dérange personne !
Sa mâchoire se serre, signe que j'ai marqué un point.
- Et puis de toute façon je ne vois pas ce que tu voulais me dire. À part m'annoncer que j'irais au ciné toute seule pour la cinquantième fois en deux ans.
- Il faut bien que je me refasse ! C'est toi qui me gueules
dessus lorsque je perds du fric et lorsque j'essaie de rattraper le coup tu gueule encore ! Je ne vois pas ce que tu veux que je fasse de plus.
- Tu pourrais peut-être commencer par trouver un travail ! Tu sais le truc qui te rapporte de l'argent sans que tu ne risques de le perdre le lendemain !
Il s'avance vers moi d'un pas colérique pour s'arrêter à ma hauteur. D'aussi près il est tellement beau que j'en oublierais presque qu'on est en train de s'engueuler.
- Parce que c'est ton boulot qui a payé cet appartement ? Rappel moi qui est le propriétaire sur le papier déjà ?
Son arrogance me tuera, c'est certain. Il adore me rappeler que je suis chez lui ici. Qu'il a mis six ans à payer cet appartement avec de l'argent gagné illégalement. Que le Poker c'est le seul moyen qu'il a trouvé pour gagner de l'argent sans braquer personne. Sans vendre de drogue.
Je baisse les yeux en sentant les larmes me submerger. Mais ne vous méprenez pas, il n'en a rien à foutre de me voir pleurer. Ça ne l'a jamais affecté. Pas une seule fois en deux ans. Et pourtant, Dieu seul sait que j'en ai versé des larmes pour lui.
- C'est bien ce que je me disais.
Il s'éloigne de moi pour s'installer devant son ordi, comme-ci rien ne s'était passé.
- Emmène Emily au cinéma, elle sera contente. Moi je vais rattraper ma connerie.
Je déglutis difficilement, les larmes débordent de mes yeux sans que je ne puisse rien faire.
- C'est bien d'être propriétaire. Mais être propriétaire d'un appartement vide ça n'a aucun intérêt.
Il relève aussitôt les yeux vers moi et si son regard avait été chargé de balles, il m'aurait tué sur place.
- Ça veut dire quoi ça ?
- Je crois que tu sais très bien ce que ça veut dire.
Je tourne les talons pour me réfugier dans notre chambre d'où je claque la porte sans même le faire exprès. C'est plus fort que moi j'ai envie de tout balancer. Mais comme à mon habitude, je ne fais rien. Je me laisse tomber sur le lit et m'effondre en larmes. C'est bien la seule chose qu'il me laisse faire en paix. Pleurer. Même si j'aurais préféré qu'il se remette en question à chacun de mes pleurs. Et le pire dans tout ça, c'est qu'à chaque fois c'est moi qui me remets en question. Et à chaque fois j'espère profondément qu'il va passer cette porte et se précipiter vers moi pour me consoler. Me serrer dans ses bras et s'excuser. Mais à chaque fois, à chaque larme, la porte reste fermée. Comme-ci j'étais la seule à pouvoir l'ouvrir.
Je ne sais toujours pas pourquoi je reste. Au final il s'excuse pendant deux heures et tout redevient normal, comme-ci rien ne s'était passé. C'est sa spécialité ça, faire comme-ci tout allait bien. Ça l'empêche de se remettre en question. Et je crois que ça lui plaît de vivre comme ça. Mais pas moi. Ça ne durera pas, c'est certain. C'est plus qu'une question de temps. De jours, peut-être même de semaines. Mais certainement pas des années.
Après avoir calmer mes pleurs, je fouille dans mes poches à la recherche de mon portable pour parler de tout ça avec Emily. Manque de chance il n'est pas dans les poches de mon jean. Je vais être obligé de retourner dans le salon. Là où mon incroyable petit-copain est en train de jouer au Poker sur son ordi. Je rejoins le salon et mon bombers par la même occasion, mais R.A.S dans mes poches. Où est-ce que j'ai pu le mettre ?
Je jette un œil sur la table basse, puis sur le canapé, mais rien. Benjamin, lui, n'a pas bougé. Il a les yeux rivés sur son écran et fait glisser une pièce de Poker entre ses doigts.
- T'as pas vu mon portable ?
Son regard ne quitte pas l'écran, pas même une seconde. Et il ne me répond pas. Comme c'est étonnant. Je déteste lorsqu'il m'ignore comme ça. Je rejoins le bureau en quelques pas pour y jeter un œil, espérant qu'il est atterri dessus. Mais non. Je pose les yeux sur l'écran où je ne comprends absolument rien à ce qu'il se passe. Il m'a pourtant expliqué des dizaines de fois, mais je n'ai toujours pas pigé un seul truc.
Il s'enfonce dans sa chaise en laissant tomber la pièce qu'il a dans les mains, signe qu'il a perdu, encore une fois. Je tourne les talons, déçu de ne pas trouver mon précieux téléphone, lorsque Ben m'attrape brusquement le poignet, me stoppant net dans ma course. Sa poigne est forte, à la limite de la douleur, tandis que je pose les yeux sur lui. Ses yeux verts harponnent les miens, tandis qu'il me tire vers lui avec une force dont il est le seul que j'autorise à exercer sur moi.
- Viens là.
Je suis le mouvement sans avoir véritablement le choix, et fini par me retrouver entre ses genoux. Ses yeux ne me quittent pas, et même s'il m'a blessé, je n'arrive jamais à résister à son regard. Il passe sa langue sur sa lèvre inférieure, comme à chaque fois qu'il s'apprête à dire quelque chose qui ne lui plaît pas.
- Je suis désolé.
Bien sûr que non, il ne l'a pas. Mais il vaut mieux pour lui que je le crois sincère.
Ses mains délaissent mes poignets pour glisser sur mes hanches et m'attirer à lui un peu plus, à la limite de me faire tomber sur lui. Je sens son souffle glisser sur mes lèvres.
- Embrasse-moi.
C'est un ordre, plus qu'une demande. Une demande que je ne refuse souvent, pour l'emmerder principalement. Ses lèvres m'embrassent avec force. Toujours cette même force qui le définit dans tous ces gestes, même les plus doux.
- Ça change quelque chose pour ce soir ? Tu viens ?
Ses yeux tombent sur mon ventre et comme je le connais par cœur, j'ai déjà la réponse. Je m'écarte de lui, ce qu'il déteste et ne lui laisse pas le temps de me rattraper.
- Je ne peux pas louper cette soirée. Il faut que je me rattrape.
Je fais volteface, ne me laissant pas berner par ses jolis yeux.
- Mais c'est toi qui voulais aller voir ce film ! J'ai galéré pour avoir ces places, et toi tu vas encore me laisser tomber ?
- Je te rejoindrais lorsque j'aurais fini, je te le promets.
- Ne te donne pas cette peine. Je ne voudrais pas gâcher ta soirée.
Je lui tourne le dos et attrape mon bombers pour foutre le camp de cet appartement qui n'est pas le mien. J'ai eu mon compte d'engueulade pour la soirée. Je descends jusqu'à ma voiture, espérant y trouver mon téléphone, en vain. Où est-ce que je l'ai mis putain ?
Je jette un dernier regard à la fenêtre qui donne sur le salon, apercevant la silhouette de Benjamin. À chaque fois que je pars il est à la fenêtre, mais ça n'empêche jamais ma fuite. Je mets toujours à rouler jusqu'à chez mon père en repassant le jour où on je l'ai vu pour la première fois dans ma tête. Du premier jour où je l'ai vu jusqu'à maintenant. Putain ce qu'il était beau ce jour-là. Et il n'a pas changer là-dessus.
J'ai rencontré Benjamin au Rex, il bossait là-bas lorsque je suis venu postuler. On a passé presque un an à plaisanter et à sortir entre amis. Il a toujours été charmeur, dès le premier jour, mais je ne suis pas tombé dans le panneau. Du moins pas les dix premiers mois. Et un soir, alors qu'on faisait la fermeture tous les deux, il m'a accompagné à ma voiture, comme tous les soirs où il terminé à la même heure que moi. Mais ce soir-là il ne m'a pas laissé le temps de monter dedans. Il m'a juste pris la main, et la seconde d'après il était en train de m'embrasser. C'était inattendu et ça à fonctionnait. Maintenant ça fait deux ans, et il n'y a pas un seul jour qui passe sans que je me demande pourquoi il m'a embrassé ce soir-là. Je veux dire, il est tellement parfait physiquement que je me suis toujours demandé ce qu'il pouvait bien me trouver. Et je n'ai toujours pas la réponse.
Arrivé chez mon père, la nuit est déjà tombée. Il me reste deux heures avant l'avant-première et je n'ai pas encore demander à Emily si elle pouvait m'accompagner. Elle va détester Ben de m'avoir laissé tomber, mais elle va se réjouir de pouvoir rencontrer les acteurs qu'elle connaît par cœur. C'est la seule qui peut m'accompagner. À chaque fois que Benji me plante, c'est elle qui me récupère. Et je ne sais pas ce que je ferais sans elle, honnêtement.J'ai passé la soirée chez mon père, puis il a fallu que je retourne à l'appart' pour me changer, histoire d'être un minimum présentable. Dieu merci, Benjamin était déjà parti. À croire qu'il a une autre gonzesse, ce n'est pas possible. J'ai réussi me trouver un jean propre et un joli haut qui me fait passer pour un peu plus chic que je ne le suis en réalité. Le Marathon Avengers a déjà commencé depuis ce matin, et le cinéma n'a jamais était aussi plein.
Lorsque j'arrive, Emily est déjà là, scotchée sur son téléphone.
- Hey ! Pas trop stressée ?
Elle relève la tête pour me gratifier d'un regard brillant de bonheur.
- Waouh ! T'es si heureuse que ça ?
- T'as pas idée à quel point !
Elle me fonce dessus et me serre dans ses bras avec une force insoupçonné.
- Doucement Emi...
- Je t'aime de ouf ! Merci, merci, merci !
Je savais qu'elle serait heureuse, mais pas à ce point-là. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Elle a littéralement des étoiles dans les yeux.
On entre enfin dans le cinéma sans faire la queue grâce à nos pass VIP, mais elle ne quitte pas son téléphone des yeux.
- Qu'est-ce que tu regardes ?
- J'essaie de savoir si Tom Holland sera là.
- Laisse-moi deviner... Spiderman ?
Elle acquiesce en détachant enfin son regard de l'écran.
- Et toi ? Pas de nouvelle de Benji ?
Je secoue la tête en donnant mon billet à Stan, le mec de la sécurité le plus gentil de la planète. Il fait peur à première vue, mais en vérité c'est un ours en peluche.
- Tiens, salut toi ! Tu ne devais pas venir avec Ben ?
- Si, je devais. Mais tu sais ce que c'est.
- Tournoi de Poker ?
- Comme d'hab'.
Stan nous rend nos billets avec une grimace compatissante.
- Il va s'en mordre les doigts.
- Je ne pense pas, non.
- Je te garantis que si ! Il va louper Chris Hemsworth et R.D.J, je peux t'assurer qu'il va regretter.
- Mouais...
- Bon aller, essaie de profiter toi au moins.
J'acquiesce en entamant ma route jusqu'à l'immense salle où on va passer les trois prochaines heures. C'est la salle la plus grande du Rex. Il y a deux-mille-sept-cent places, c'est énorme, on dirait une salle de théâtre.
C'est la plus grande salle et elle est déjà presque pleine. Les gens sont arrivés en avance, je me demande bien pourquoi. Emily s'arrête tout en haut de l'immense théâtre et me jette un regard apeuré.
- On va où ?
- Tout en bas.
Ses yeux s'ouvrent plus grand encore.
- Tout en bas, genre... tout en bas ?
- Genre tout en bas, oui.
Son visage s'illumine d'un immense sourire, tandis que je passe devant elle pour rejoindre nos sièges dans la première rangée. Bon OK, on est dans la première rangée, mais sur les quatre sièges tout à gauche. Je sais, c'est vraiment mal placé par rapport à l'écran géant, mais j'ai tellement galéré pour avoir ces places qu'on n'a pas le droit de se plaindre. Le brouhaha dans l'immense salle est horrible, je jette un œil à ma montre au moment où Emily me donne un coup de coude, m'empêchant de lire l'heure.
- Regarde !
Je jette un œil à son téléphone pour tomber sur le sourire de Benjamin. Ses dents blanches ressortent parfaitement à cause de la barbe qui entoure sa bouche. Il a mis des lunettes de soleil et ses cheveux sont plaqués sur son crâne avec une tonne de gel. Mais il n'est pas seul sur la photo, cet abruti de Dimitri est avec lui. Qu'est-ce qu'il m'agace ce type. Je repose les yeux devant moi en essayant d'avaler la boule amère qui bloque ma gorge.
- Il a l'air de bien s'amuser.
- Ouais bah il ne va pas s'amuser longtemps, crois-moi.
Les lumières de la salle s'éteignent, nous plongeant tous dans le noir, jusqu'à ce que l'écran s'allume enfin. Bien entendu, on a le droit à l'habituel quart d'heure de pub avant que le sigle Avengers apparaisse à l'écran, arrachant un cri à toute la salle. Emily m'a prévenu que c'est la deuxième partie de Avengers Infinity War, et que donc n'ayant pas vu Infinity War je risque de ne rien comprendre. Je vous avoue qu'à la base ça ne me gêné pas de ne rien comprendre, tout ce que je voulais c'était passer du temps avec Benji. Mais finalement ça m'emmerde un peu maintenant. Dieu merci, Emily m'a fait un rapide résumé de Infinity War, histoire que je ne sois pas trop perdu. Souhaitez moi bonne chance !

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Unexpected [FR/EN]
Fanfiction"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...