Ça fait dix-huit jours maintenant. Bientôt trois semaines et c'est long. Dix-huit jours sans lui c'est long. Demain on sera déjà le vingt-six novembre, et j'ai du mal à croire que la fin de l'année approche si vite. J'ai tellement pas envie de finir l'année sans lui. De passer Noël sans lui. Comment je vais faire pour sourire sur les photos s'il n'est pas là ? Je ne vais pas vous mentir, depuis le soir où Emily m'a parlé de Timothée, je n'ai pas quitté l'appartement une seule fois. Je n'ai même pas eu le courage de retourner au cinéma pour essayer de retrouver mon job. Je me sens à nouveau comme les premiers jours où je suis revenu ici. Seule, et vide. Je ne sais pas pourquoi, mais la douleur s'est intensifiée. Comme-ci au fur à mesure que les jours passent, mon cœur rétréci sur lui-même. Et c'est insoutenable.
Ça fait déjà une heure que je suis dans la baignoire et l'eau est froide depuis un moment maintenant, mais je n'arrive pas à sortir. J'aime le froid qui entoure ma peau, c'est comme... c'est comme-ci je n'étais plus là. Plus dans la réalité je veux dire. Comme-ci j'étais morte. C'est horrible de dire ça hein ? Mais c'est l'impression que j'ai.
Je scrute le plafond depuis au moins vingt bonnes minutes. J'ai délaissé mon livre il y a un moment parce que je suis trop déprimée pour comprendre la philosophie de Nietzsche. Je suis trop déprimée pour comprendre quoi que ce soit. Je n'arrête pas de repenser à Tom. Je me repasse le film depuis le début. Depuis cette journée où je suis rentrée dans sa chambre d'hôtel. Et putain je dois être sadomaso parce que ça fait super mal. Ça fait tellement mal de le revoir sourire et de repenser à toutes les fois où il m'a serré dans ses bras. Putain ce que je donnerais tout pour remonter le temps. Pour retourner dans ses bras. La chaleur de mes larmes est bien la seule chose qui me fait réaliser que je suis toujours vivante. Parce que la douleur est si forte que j'ai l'impression que je suis morte depuis des semaines maintenant. Pourquoi ça fait aussi mal à votre avis ? C'est tellement con que l'amour fasse aussi mal et d'un autre côté qu'elle nous rende si heureux. Quand j'y repense... ça semble tellement fou tout ce qui m'est arrivé avec lui. À quel moment dans ma vie j'aurais pu croire qu'un homme aussi génial tombe amoureux de moi ? C'était tellement inattendu que j'ai encore du mal à croire que c'est arrivé. Qu'il est tombé amoureux de moi. Maintenant je n'ai aucune certitude qu'il soit encore amoureux pour tout vous dire.
Je n'aurais jamais dû m'inquiéter pour mon père. Ou plutôt pour Benjamin. Il ne m'aurait jamais demandé de partir. Il n'aurait jamais pensé une seule seconde que je pouvais encore aimer Benjamin. Comment il a pu penser ça ? J'ai forcément merdé quelque part pour qu'il pense ça. Et je m'en veux tellement putain. Il m'a demandé de partir, mais c'est de ma faute. C'est forcément de ma faute. Lui il voulait juste m'aider, pas vrai ? Et j'ai tout foutu en l'air. Comme d'habitude.
La sonnette de l'appartement me fait sursauter dans la baignoire et de l'eau s'en échappe pour tremper le sol. Putain mais c'est qui ça ? Il doit être au moins vingt-et-une heure, et mon père n'est pas censé rentrer avant demain matin. Emily est passée cette après-midi et elle n'a jamais dit qu'elle devait repasser ce soir. Un coup de sonnette retentit à nouveau, et je suis forcé de sortir de mon bain froid. Je m'enroule dans une serviette, qui sont extrêmement petites. C'est le problème chez mon père, il n'a pas besoin de drap de bain, une petite serviette lui suffit. Sauf que moi ça me dérange. La sonnette recommence et je sors de la salle de bain en priant pour ne pas me casser la gueule sur le paquet, mes pieds toujours trempés.
- C'est bon, j'arrive !
J'atteins la porte avec une glissade incontrôlée qui a manquée de me faire tomber. Et lorsque je l'ouvre, je prends soin de ne pas ouvrir en entier, histoire de ne pas dévoiler mes jambes nues au premier venu. Mes yeux croisent ceux d'un livreur de pizza qui n'en a pas l'uniforme.
- Timothée ?
Un sourire rayonnant illumine son visage et la voix d'Emily me revient immédiatement en tête. Méfie-toi de lui.
- Hey ! J'ai apporté les pizzas !
Il me montre les immenses cartons qu'il tient dans les mains et je me sens super mal à l'aise tout à coup. Putain mais qu'est-ce qu'il fou là ?
- Tu... tu viens m'apporter des pizzas ?
Il fronce les sourcils une seconde comme-ci il ne voyait pas le problème. Mais il est tout trouvé le problème ! Je me suis efforcé de ne pas le voir depuis que je l'ai croisé au cinéma et là il se pointe comme-ci on avait prévu de se voir depuis des jours.
- Yeah ! Pourquoi ? Tu... tu n'aimes pas les pizzas ?
Putain... il a le don de toujours paraître innocent quoi qu'il fasse et c'est super agaçant sérieux. Je suis censé faire quoi moi maintenant ?
- Si, bien sûr que si, c'est juste que... je comptais voir personne ce soir en fait.
- Oh... OK.
Il hausse les sourcils avec un air blessé qui a le don de me faire culpabiliser.
- Je peux aller manger les pizzas tout seul, si tu ne veux pas de moi.
Putain il est fort. Il est très fort pour me mettre en position de faiblesse.
- Non, c'est bon... entre.
Je m'écarte de la porte et me cache derrière le temps qu'il entre. Sérieusement je sens déjà que c'est une mauvaise idée. Lorsque je referme la porte pour lui faire face, il est planté dans l'entrée, les yeux rivés sur mes jambes.
- Tu... tu étais dans la douche ?
Ses yeux bleus tombent dans les miens et je me force à ne pas m'agacer tout de suite.
- Oui, mais j'avais fini.
J'aperçois sa pomme d'Adam monter et descendre nerveusement le long de sa gorge. Elle ressort vachement plus que celle de Tom, et ça parce qu'il a évidemment beaucoup de kilos en moins. Il est plus grand certes, mais tellement plus maigre.
- Tu... t'as pas l'air heureuse de me voir.
Il esquisse un sourire nerveux, et je suis prise sur le fait. Emily à raison, on ne peut pas falsifier un regard. Et moi j'en suis incapable !
- Qu'est-ce que tu fais là, Tim ?
Il fronce les sourcils avec cet air ignorant qui le caractérise bien.
- Je suis là pour toi.
Il hausse les épaules comme-ci il ne comprenait pas la question.
- Ça fait une semaine que je ne t'ai pas vu, alors je voulais juste savoir comment tu vas.
OK, alors si je comprends bien lorsque j'essaie d'éviter quelqu'un, ça ne marche pas du tout.
- Je vais aussi bien que d'habitude.
Il baisse la tête en s'humidifiant les lèvres et son regard tombe rapidement sur mes jambes.
- Ça veut dire non, right ?
Il relève les yeux vers mon visage, et je suis forcée de serrer les dents pour ne pas être désagréable.
- Bien sûr que ça veut dire non. Et ça n'ira pas mieux tant que je ne serais pas avec lui.
Ses sourcils se haussent et je me rends compte que malgré tous mes efforts je suis désagréable.
- Écoute...
Je jette un œil à la lumière de la salle de bain que j'ai oubliée d'éteindre, avant de reposer les yeux sur lui en repensant évidemment à Tom. Comme pendant l'heure entière que j'ai passée dans cette eau froide. Je serre ma serviette contre moi en me rendant compte de la nudité dans laquelle je me trouve.
- C'est très gentil d'avoir pensé à moi, d'avoir apporté des pizzas mais...
- T'as pas envie de me voir.
Je secoue la tête sans même avoir le temps de répondre avec des mots. Et il serre les dents en dérivant les yeux.
- Désolé, mais... je suis pas en état de passer la soirée avec qui que ce soit.
Il repose les yeux sur moi et m'adresse un doux sourire. Un sourire forcé.
- OK... je comprends.
Il jette un coup d'œil dans la pièce avant de me tourner le dos pour poser les pizzas sur la table du salon.
- Je te laisse les pizzas. Tu as l'air d'avoir faim.
Je baisse les yeux vers mes pieds nus, et allez savoir pourquoi... les larmes me montent aux yeux. Emily a dit qu'il ne pouvait pas m'aider, mais là je ne me sens vraiment pas bien, vous voyez. Et je suis en train de le repousser alors qu'il veut juste s'assurer que je vais bien. Et c'est pas le cas. Peut-être que je devrais accepter une part de pizza finalement. Mais même ça, juste une part de pizza, ça me rappel Tom. Putain de merde...
- Hey... tu vas bien ?
J'efface les larmes qui ont coulées sur mes joues d'un revers de la main en secouant la tête. Et lorsque je lève les yeux vers lui, il n'est plus qu'à deux mètres de moi.
- Non... ça ne va pas.
Il s'avance d'un pas, et je m'empresse de le stopper d'une main levée vers lui.
- Non, s'il te plaît ! Ne t'approche pas.
Il s'arrête net en levant les mains en signe de paix.
- Alright, alright...
Je serre ma serviette dans ma main gauche et appuie ma main droite sur ma bouche pour retenir mes sanglots. Mais ça ne marche pas.
- Ça va pas du tout, OK ? Et j'ai pas envie que tu sois là. J'ai pas envie que tu m'apportes des pizzas comme-ci ça allait arranger la situation, parce que ça n'arrange rien du tout !
Son visage se décompose en une seconde, et j'essaie de ne pas succomber à la culpabilité qui menace de me tuer.
- Je ne sais pas pourquoi tu fais ça, mais ça ne m'aide pas. Te voir ici, alors que c'est lui que je veux voir, ça ne m'aide pas putain !
J'ai crié tellement fort qu'il a reculé d'un pas. Comme-ci il avait peur de moi. Et c'est là que je me rends compte que la douleur me rend dingue. Que je blesse les gens autour de moi comme-ci ça pouvait m'aider à m'en sortir. Mais ça n'attenu pas le chagrin. Ça me fait juste culpabiliser deux fois plus parce que même ici je suis inutile. Même ici je ne fais que blesser les gens, les repousser et leur donner envie de me laisser tomber. Comme avec Tom. C'est exactement ce que j'ai fait avec Tom. Je suis mauvaise. Et tout ça c'est de ma faute. Toute cette merde qui m'arrive c'est de ma faute putain.
- Je peux pas être mon propre héro, OK ? Je peux pas parce que c'est moi la méchante de l'histoire ! Et dans cette histoire il n'y a pas de place pour un héros putain ! Alors si t'es là pour me dire que je vais m'en sortir parce que je suis assez forte pour le faire toute seule et bah tu te trompes ! Tu te goure totalement putain ! Parce que je peux pas m'en sortir ! Pas sans lui !
Je plaque ma main contre ma bouche en espérant que mes pleurs s'arrêtent. Mais mes joues sont déjà noyées par les larmes. Et je dois avoir l'air tellement désespérée. À tel point qu'il réfute ma demande et traverse la distance qui nous sépare de deux pas seulement. Il s'arrête devant moi et plonge ses yeux bleus dans les miens. Et ce qui j'y vois est terrifiant. J'ai l'impression qu'Emily avait raison. Il y a de l'inquiétude dans ses yeux, mais pas seulement. Un trop plein de compassion également.
- J'ai juste envie de crever putain...
Je baisse la tête et elle heurte son torse sans le vouloir. Il prend ça comme une approbation certainement car il glisse enfin ses mains sur mes épaules et m'attire à lui. Ses doigts sont glacés et je sens ses boucles tomber sur mon oreille gauche tandis que je le laisse me serrer dans ses bras. Étrangement... j'en avais besoin. Mais ce ne sont pas ses bras qui pourront me reconstruire. Ce ne sont pas ses yeux bleus que jai envie de voir inquiets, et aimants. Ce ne sont pas ses mains froides que jai envie de sentir sur ma peau. Et ce n'est pas la douceur de ses boucles sombres que je veux sentir sous mes doigts. Tout ce que je veux... tout ce dont j'ai besoin... c'est Tom. Seulement Tom.
VOUS LISEZ
Unexpected [FR/EN]
Fanfic"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...