Lorsque j'ai quitté l'hôpital, Tom était assis sur le trottoir, à quelques mètres seulement des portes, le visage plongé dans ses mains. Et vous n'imaginez pas à quel point ça m'a fait mal de le voir comme ça. Ça m'a fait mal parce qu'il n'avait pas envie que je vienne le voir. Il n'avait pas besoin de moi. Et puis il m'a dit de ne plus compter sur lui, alors je ne pouvais définitivement pas aller le rejoindre. Par fierté, sans doute. Parce que si j'avais seulement écouté mon cœur, j'aurais été le prendre dans mes bras. Même brisé, en mille morceaux, il me hurlait d'aller le rejoindre. De m'asseoir sur ce trottoir avec lui et de le prendre dans mes bras. Mais je ne l'ai pas fait. Je ne l'ai pas fait, et maintenant je regrette. Je regrette parce que c'est la dernière image que j'ai de lui avant de quitter Cleveland. Et c'est une image à la hauteur de notre séparation. Douloureuse et dévastatrice.
Harry m'a conduit jusqu'à la maison où j'ai rassemblé mes affaires avant qu'il n'insiste pour m'emmener à l'aéroport. Je voulais prendre un taxi, ne pas lui imposer ça alors qu'il a mieux à faire, mais il a insisté. Il a aussi insisté pour rester avec moi en attendant l'avion. On a passé une heure quarante-cinq dans l'aéroport, à attendre sans un mot. Harry est vraiment un homme bien. Jamais personne n'aurait attendu aussi longtemps pour quelqu'un qu'il connait si peu. Je suis donc montée dans l'avion vers vingt-deux heures, et plus de douze heures plus tard j'ai enfin posé les pieds à Paris. Je n'ai pas dormi une seule minute. Je suis incapable d'arrêter de penser à ce qu'il m'a dit. À la colère dans son regard. Je n'arrive pas à croire que c'est terminé. Comment ça a pu arriver aussi vite ? Comment on a pu en arriver là aussi vite ? Je ne vais pas vous mentir, j'ai envie que d'une seule chose là dans la minute, c'est de m'endormir et de me réveiller à côté de lui. S'il n'y a aucun espoir qu'il soit là à mon réveil, alors je ne veux pas me réveiller. Mais tout ce que je veux là, maintenant, tout de suite, c'est fermer les yeux, et ne les ouvrir que dans un monde où tout ça n'était qu'un cauchemar. Les ouvrir huit mois plus tôt, dans cette chambre d'hôtel où l'odeur de café qui provenait de mes vêtements tâchés embaumait la pièce. Je veux me réveiller là-bas, dans le même lit que lui, et le surprendre à me regarder dormir. C'est tout ce que je veux. Mais ce n'est pas possible. Je ne peux pas revenir en arrière.
Alors je me contente d'essayer de faire démarrer cette putain de voiture qui refuse de se mettre en route puisqu'elle n'a pas roulée depuis plus d'un mois. Je suis parti tellement vite la dernière fois que je n'ai même pas pensé à ma voiture qui serait restée sur le parking de l'aéroport pendant une éternité jusqu'à ce que je revienne. Mine de rien, je suis revenu plus vite que prévu. Et cette putain de connasse de bagnole de merde ne veut même pas faire ce pourquoi je l'ai achetée !
Je frappe le volant comme une débile, hurlant à plein poumons dans cette caisse de merde, espérant qu'elle prenne peur et qu'elle démarre enfin. Mais non. Et je n'ai même plus de téléphone pour appeler de l'aide. Je suis toute seule, dans ma voiture, et j'ai l'impression que ça résume que trop bien ce qui m'attend dans les jours à venir. Je n'ai même plus envie d'aller retrouver mon père. Je n'ai plus envie de rien en fait.
Je retire la carte électronique de la fente et la remet quelques secondes plus tard, priant de tout mon cœur pour qu'elle démarre enfin. J'appuie sur le bouton start/stop, et le bruit du moteur m'arrache un battement de cœur raté. Bordel de merde... elle a enfin démarré. Maintenant il ne me reste plus qu'à savoir où je vais.Une bonne demi-heure plus tard, merci les bouchons parisiens, ça ne m'avait absolument pas manqué, j'arrive enfin à l'appartement de mon père. Il y a peu de chance qu'il soit là, mais il faut que je vérifie quand-même. Je grimpe les deux étages qui me sépare de sa porte d'entrée et reste appuyée sur sa sonnette pendant au moins une bonne minute, sans succès. Je savais qu'il ne serait pas là. Je fais quoi maintenant ? Est-ce que j'abandonne ? J'ai tellement envie d'aller m'écrouler dans mon ancien lit et de ne plus en sortir avant d'avoir rendu mon dernier souffle. Mais maintenant que je suis là, il faut que je retrouve mon père. J'irais me laisser mourir après, ça peut encore attendre quelques heures.
Le trajet en voiture ne dure qu'une vingtaine de minutes, avant que je ne m'arrête en bas de cet immeuble que je n'ai pas vu depuis des mois. Rien qu'à voir la façade, tous mes muscles sont crispés, et mon cerveau m'envoie un signal d'alarme. Je ne devrais pas être là. J'aurais dû prévenir Emily avant de venir ici. Personne ne sait que je suis revenu, et moi je débarque en bas de chez Benjamin, comme-ci c'était une bonne idée de remettre les pieds ici. Mais si mon père est quelque part, c'est forcément dans cet immeuble. Lorsque j'entre dans l'immeuble, mes mains trembles déjà. Mes jambes ont du mal à me porter jusqu'au premier étage, et une fois devant cette porte verte qui autrefois menait jusqu'à chez moi, je me retrouve tétanisée. Franchement, qu'est-ce que je fou là ? Qu'est-ce que je cherche au juste ? À me faire violer une seconde fois ? Tom a raison, je ne devrais pas être là. Je ne devrais pas m'inquiéter pour lui après le mal qu'il m'a fait. J'aurais dû l'écouter. J'aurais dû parler à ses avocats, j'aurais dû lui faire confiance. J'aurais dû rester avec lui, putain. Et maintenant c'est trop tard. Et maintenant je me retrouve là, comme une conne, toute seule devant la porte de l'homme qui a brisé toute la confiance en moi que j'avais construite, incapable de retenir mes larmes. Incapable même de tenir sur mes jambes. Et c'est en voyant cette porte, en voyant ce qu'elle représente que je me rends compte que j'avais tort. Que Tom avait raison.
Et je me retrouve effondrée en larmes, assise dans les marches qui conduisent au deuxième étage, accrochée à la rambarde comme-ci tout l'immeuble était en train de trembler. Comme-ci cette pauvre rambarde rouillée pouvait m'empêcher de tomber. Mais ce n'est pas l'immeuble qui tremble, c'est moi. Et il est trop tard pour m'accrocher à quoi que ce soit. Je suis déjà tombée. Et j'ai heurtée le fond en descendant de cet avion qui m'a ramené chez moi. Loin de l'homme que j'aime. Loin de la seule personne qui était capable de me sauver.
Mes sanglots résonnent dans la cage d'escaliers, et je n'en ai strictement rien à foutre que les voisins m'entendent. Parce que je n'en ai rien à foutre de ce que les autres peuvent penser de moi. Je ne fais pas ça pour crier ma douleur au monde entier, mais juste pour la faire sortir. J'ai besoin qu'elle sorte putain. J'ai besoin qu'elle s'arrête. Mais elle ne s'arrêtera pas. Elle va rester là, silencieuse mais s'en prenant à tous mes organes vitaux pour les tuer un par un, jusqu'à ce qu'elle m'emporte avec elle.
- Elena ?
Pendant une seconde j'ai l'impression d'entendre Tom. Sa voix résonne dans ma tête, comme-ci il était là, prêt à me sauver de nouveau. J'ouvre les yeux avec l'espoir vain de le retrouver planté devant moi, mais ce ne sont pas ses yeux bruns qui me dévisagent de près, mais des yeux verts qui me stoppent immédiatement dans mes sanglots. J'en ai le souffle coupé. Putain est-ce que je suis en train d'halluciner ? Ou est-ce que Benjamin est réellement devant moi à moins de deux mètres ?
- Est-ce que ça va ?
Là ce n'est plus la voix de Tom qui m'arrive aux oreilles, mais bien celle de Benjamin. Putain de bordel de merde ! Il est vraiment là ! Je m'accroche un peu plus à la rambarde pour me hisser sur mes pieds en essayant de mettre de la distance entre lui et moi.
- Non, ne t'approche pas de moi putain !
Mais la marche sur laquelle j'étais assise dix secondes plus tôt me rappel à l'ordre et je m'écroule dans les escaliers en essayant de reculer. Il se penche instinctivement vers moi pour me retenir, lorsque je hurle de toutes mes forces.
- Me touche pas putain !
Il recule sous la surprise, et je n'attends pas une seconde de plus pour me lever à nouveau, le bousculant de tout mon poids pour rejoindre l'escalier qui descend tout droit vers la sortie. Je n'ai jamais couru aussi vite de toute ma vie dans des escaliers sérieusement, et j'ai l'impression que mon cœur est sur le point d'exploser tellement il bat fort et rapidement. Je peux même le sentir dans mes tempes.
- Elena !
Je ne suis plus qu'à cinq marches de la porte, et je ne n'ai pas encore atteint le palier que quelque chose s'accroche à mon coude et m'arrête net dans ma descente, si brusquement que je manque de me casser la gueule dans les dernières marches. Je me retiens de justesse à la rambarde, ne comprenant pas tout de suite ce qui m'a arrêté, lorsque sa voix m'arrive à nouveau aux oreilles.
- Putain, Elena, attend !
Je fais volte-face pour tomber sur Benjamin, une main accrochée à mon coude. Et là c'est le bordel dans ma tête. Je replonge cinq semaines plus tôt, dans cette salle de bain, le soir où il m'a violé. Je peux sentir l'eau glacée de la douche retomber sur mon corps et me couper le souffle. C'est comme-ci j'y étais à nouveau. Comme-ci il allait recommencer.
- Non... Non, s'il te plaît, lâche-moi ! Lâche-moi putain !
Je tire aussi fort que je peux sur mon bras en espérant qu'il me lâche, mais il tient bon et sa poigne se resserre au creux de mon coude. Je tire tellement sur mon bras que je suis presque à genoux au sol, une main accrochée à la barrière et mon bras toujours dans son emprise.
- Mais calme toi, je veux juste te parler !
- Lâche moi !
Je hurle de toutes mes forces, priant pour qu'au moins un voisin sorte de chez lui, mais aucune porte ne s'ouvre. Mon hurlement s'évanouie dans la cage d'escaliers, et il finit par me lâcher, me laissant tomber au sol sur le palier, quatre marches plus basses. Je sens la douleur s'infiltrer de mon dos jusqu'à ma nuque, mais ça m'importe peu. Il faut que je parte. Il faut que je me barre d'ici. Je me mets à ramper jusqu'à la porte, ne prenant même pas le temps de me relever, et lorsque je l'atteins enfin, cette dernière s'ouvre avant que je n'aie le temps de poser la main sur la poignée. Je tombe assise au sol, lorsque la silhouette qui passe la porte pose les yeux sur moi. Et ses yeux je les connais très bien, ce sont les premiers que j'ai vus lorsque j'ai ouvert les miens à ma naissance. Je n'oublierais jamais ces deux billes de glaces qui pourrait tuer n'importe qui sans aucune arme.
- Elena ?
Il ne prend même pas le temps de lever les yeux vers Benjamin et se précipite vers moi. Je m'accroche à ses bras tendus comme au seul espoir qu'il me reste pour ne pas crever dans cet immeuble et plonge dans ses bras pour retrouver enfin un maximum de sécurité. Je le serre si fort que j'ai l'impression de lui briser les os.
- Papa...
Je le sens me serrer en retour, lorsque sa poigne s'arrête nette et je n'ai pas besoin de lui demander pour comprendre ce qui se passe. Il vient de voir Benjamin qui n'a pas bougé des marches. Je sens l'une des mains de mon père se défaire de mon dos pour glisser à sa ceinture et je sais déjà ce qu'il s'apprête à faire. Je le sens arracher quelque chose de sa ceinture, mais je suis incapable de bouger. Je reste accrochée à lui, les yeux clos, prête à entendre la détonation. Mais rien ne se passe. Un silence de plomb s'installe, et je n'entends plus que la respiration régulière de mon père, pas même saccadée par le fait qu'il tient son arme pointée sur un homme. Non, c'est comme-ci il n'avait jamais été aussi calme.
- Hey il vous arrive quoi là ?
La panique dans la voix de Benjamin s'entend à des kilomètres. Je m'écarte doucement des bras de mon père qui ne lâche pas sa cible du regard. Et ses yeux sont si froids que j'ai l'impression que toute la chaleur de ce monde a disparue en un battement de cils. Je tourne la tête vers Benjamin qui est toujours au milieu des marches, les mains levées comme-ci ça allait l'empêcher de se prendre une balle.
- Tu croyais que je ne le saurais pas ? Il aurait mieux valu pour toi.
Je repose les yeux sur mon père, et le voir aussi déterminé, l'arme à la main ça réveille immédiatement ma conscience. Et je me rappelle que je suis là pour l'en empêcher. Que j'ai perdu Tom pour pouvoir l'arrêter. Et je ne peux pas avoir sacrifié le seul bonheur de ma vie pour échouer aussi près du but.
- Papa.
Sa mâchoire se serre mais il ne pose pas les yeux sur moi. À aucun moment il ne dérive le regard de Benjamin.
- Papa, s'il te plaît... tu ne peux pas faire ça.
- Je vais me gêner.
Sa voix est tellement calme. Tellement plus calme que la mienne. Comment est-ce qu'il fait pour ne pas être dans le même état de panique que moi ? Putain il tient une arme merde ! Comment il fait pour ne pas être impacté par ce que ça représente ? La douleur, et la mort.
Je recule doucement jusqu'à m'interposer, et croyez-moi, se retrouver de l'autre côté d'une arme ça fait peur. Le canon est pointé sur ma poitrine, et le regard de mon père aussi, et je suis incapable de dire lequel des deux me terrifie le plus.
- S'il te plaît papa, ne fait pas ça.
- Pourquoi ? Est-ce qu'il t'a écouté lui lorsque tu lui as demandé d'arrêter ? Non !
Son cri résonne dans la cage d'escaliers si fort que je sursaute de frayeur, et je ne suis pas la seule. Benjamin vient de tomber assis dans les marches, et il n'en faut pas plus à mon père pour le rejoindre, me bousculant au passage. Il l'empoigne fermement par le col de son pull et lui coller le canon sur le front sans plus aucun sang-froid.
- Elle t'a supplié d'arrêter ! Elle t'a supplié et tu ne l'as pas fait !
Ses hurlements me pétrifient sur place, et je suis incapable de bouger. Je n'arrive même plus à cligner des yeux. Putain je n'ai pas envie de voir ça. Tout ça c'est de ma faute. Si j'avais écouté Tom, si j'avais parlé à ses avocats, je ne serais pas dans cette cage d'escaliers, en train de regarder mon père être sur le point de descendre un homme.
- Alors maintenant c'est à ton tour de supplier ! Vas-y ! Supplie-moi de ne pas te coller cette putain de balle dans le crâne !
Benjamin a fermé les yeux, et je suis presque sûr qu'il est entrain de pleurer. J'arrive à discerner ses sanglots derrière les cris de mon père.
- Je suis désolé... je suis désolé...
- J'en ai rien à foutre que tu sois désolé !
Il le secoue si violemment que j'aperçois la tête de Benjamin heurter le carrelage des marches et c'est à ce moment que je parviens enfin à me retourner. Ne supportant pas cette vision d'horreur.
- Tu vas me supplier toi aussi !
J'entends des bruits sourds, comme-ci quelque chose était en train de marteler le sol. Et je suis incapable de bouger. Je reste dos à la scène, mais les cris de mon père et ces bruits constants qui frappent, encore et encore sont en train de me faire perdre la tête. C'est comme-ci j'étais de nouveau hors de mon corps, mais recroquevillée au sol à mes pieds en essayant de ne pas entendre ce qu'il se passe. De ne plus entendre les coups de mon père, et ses hurlements.
- Supplie moi d'arrêter maintenant !
Et les coups cessent, le silence revient et le soulagement de ce calme soudain me prend à la gorge. Pourquoi est-ce que c'est si calme ?
Je rouvre les yeux en tournant la tête vers les escaliers, lorsque mon père se redresse doucement en rangeant son arme à sa ceinture. Il n'a pas tiré. Mais pourquoi est-ce que c'est si calme alors ? Il se tourne vers moi et mon regard tombe immédiatement sur le corps inerte de Benjamin. Il est étendu dans les marches, la tête tournée vers la droite, les yeux clos. Et cette vision de son visage ensanglanté ce n'est pas la première fois que j'y suis face. Il a le visage dans le même état que le jour où Tom l'a frappé. C'est comme-ci mon père avait reproduit ses coups à l'identique. Comme-ci Tom avait frappé lui aussi par l'intermédiaire des mains de mon père. Et c'est en voyant ça que je me rends compte du mal que ça a pu engendrer cette nuit-là, dans cette salle de bain. Ce qu'il a fait, ça a engendré tellement de douleur, et pas seulement pour moi. Comment un acte aussi horrible et aussi personnel a pu toucher autant de personnes autour de moi ? Il n'y a pas que ma vie que ça a brisée finalement.
- Appel une ambulance, ou il va y passer.
Je détache péniblement mon regard de Benjamin pour poser les yeux sur mon père. Il a l'air d'avoir retrouvé son sang-froid, et c'était la première fois que je le voyais perdre le contrôle de lui-même. C'est terrifiant.
- Je... j'ai plus de téléphone.
Son regard se fronce une seconde, et je suis certaine qu'il a compris. Je le sais parce que sa mâchoire se serre et qu'il baisse les yeux vers son manteau d'où il en sort son téléphone pour me le tendre d'une main parfaitement stable, mais écorchée. Tâchée de sang qui n'est pas le sien.
- Tiens. Fait vite, il est sûrement en train de faire une hémorragie.
Je prends son téléphone d'une main tremblante lorsque l'écran s'allume au creux de mes doigts. Mon regard tombe sur la photo d'écran de verrouillage, et mon cœur s'arrête sur le champ. C'est une photo de moi. Mais une photo de moi prise à Cleveland. Je reconnais les lumières de la ville qui se reflètent sur la surface de l'eau. Cette photo c'est Harry qui l'a prise, au port de Cleveland. Et je n'y suis pas seule dessus. Les bras de Tom entourent mes épaules et j'y suis accrochée avec tellement d'amour que ça me coupe le souffle. On ne distingue pas son visage, parce qu'il était enfoui dans mon cou lorsque cette photo a été prise. Bordel... ce que ça fait mal.
Les larmes montent à mes yeux, et avant que je n'aie le temps de faire quoi que ce soit, mon père m'arrache le téléphone des mains pour composer lui-même le numéro des pompiers. Comment est-ce qu'il a eu cette photo de nous deux ? Et pourquoi est-ce que ça fait aussi mal ? Est-ce que ça va être comme ça tout le temps maintenant ? Est-ce que je vais crever comme ça à chaque photo que je vais voir de lui ? À chaque photo de nous ?
Putain je peux pas... non, je peux pas supporter ça.
Je m'effondre à nouveau en pleure, et cette incapacité de respirer me revient en pleine tronche. Comme-ci à chaque fois que j'allais penser à lui maintenant le souffle allait me manquer. C'est mon père qui me ramène à la réalité. Il m'entraîne d'une main forte jusqu'à sa voiture, et je peux enfin m'effondrer en paix, à l'abri des regards indiscrets. Seuls les yeux de mon père sont posés sur moi tandis qu'il roule loin de l'endroit où il vient de commettre une agression qui peut lui couter sa carrière. Qui peut lui couter sa liberté.
Ce qui est bien avec mon père, c'est qu'il sait que lorsque je suis aussi mal, ça ne sert à rien d'essayer de me réconforter. Il sait parfaitement que tout ce dont j'ai besoin c'est d'évacuer. Je n'ai pas besoin de l'entendre me dire que tout va bien se passer. Que Tom va revenir, qu'on va se remettre ensemble et qu'on sera heureux au bout du compte. Je n'ai pas besoin d'entendre ça parce que c'est des conneries putain. Et il sait mieux que personne qu'il ne faut jamais faire de paris sur le futur, parce qu'on perd à tous les coups. Je tiens ça de lui, ce besoin de solitude, de hurler, de pleurer et de laisser la douleur me submerger une bonne fois pour toute. Parce qu'il n'y a que comme ça que je pourrais guérir. Même si je n'ai absolument pas prévu de m'en sortir cette fois-ci. Je n'ai rien prévu du tout pour tout vous dire. J'ai juste envie de fermer les yeux, et de ne plus penser à rien. Juste... ne plus penser à rien. Me retrouver dans le noir total, le silence. Enfin en paix.
![](https://img.wattpad.com/cover/248396645-288-k793447.jpg)
VOUS LISEZ
Unexpected [FR/EN]
Fanfiction"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...