Chapitre 23

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Je soutiens son regard avec beaucoup de mal. Parfois j'ai l'impression qu'il peut lire en moi comme dans un livre ouvert. À défaut de ne pas comprendre lorsque je parle Français.
- What about you ? Did you missed me ?
Sa langue effleure ses lèvres dans un spectacle époustouflant, avant qu'il ne baisse les yeux.
- If you're asking if I thought about what I did to you, the answer is yes.
Il relève la tête et son regard est devenu plus fort. On dirait presque qu'il est en colère.
- I thought about you every fucking day since you yelled at me in the airport.
Mon coeur s'arrête une demi seconde face à la rancœur dans sa voix. Je déglutit aussi difficilement que si on était entrain de m'étrangler.
- Listen, Elena...
Il baisse les yeux en délaissant sa fourchette pour croiser les mains devant lui. Il frotte nerveusement ses jointures du bout des doigts, ce qui lui donne carrément un air badass. Ses prunelles presque noires à présent se plantent dans les miennes et me coupe littéralement la respiration. J'ai comme l'impression que je vais me faire engueuler.
- You literally drives me mental.
Waouh... c'est pas à ça que je m'attendais.
- I couldn't spleep more than three hours during almost two weeks. Every time I closed my eyes your face was here. Haunting me.
Sa mâchoire se serre. Je le vois à l'angle droit qui apparaît plus intensément. Et il ne me quitte pas des yeux. On dirait qu'il va sauter par dessus la table pour m'étrangler d'une seconde à l'autre.
- And your asking me if I missed you ?
Aïe ! Ça fait mal. J'avais pas prévu ce retournement de situation. J'avais pas prévu de devenir la méchante de l'histoire.
Les larmes me montent aux yeux. Je hais le conflit, et le voir aussi en colère contre moi ça fait mal. Encore plus que lorsqu'il m'a menti dans cet aéroport. Parce que là son regard n'est plus le même. Il est dur. Toute la douceur et la bienveillance qui l'habite ont disparus. C'est terrifiant. Je ne pensais pas qu'un jour il pourrait me faire peur.
Il relâche ses mains pour se pencher sur la table, son visage se rapproche du mien, son regard ne me quitte pas et la pression au creux de ma cage thoracique menace de me casser deux côtes. Je ne peux pas m'empêcher de jeter un œil à son sourcil déviant et très vite mon regard est attiré par sa bouche, où sa langue humidifie ses lèvres pendant une seconde seulement, à mon grand désespoir. Je n'ai toujours pas quitté sa bouche des yeux lorsque ses lèvres se mettent à bouger. Il me faut quelques secondes pour associer le son de sa voix à leurs mouvements.
- I was dying missing you, Elena.
Je suis incapable de dériver le regard de ses lèvres. Je ne sais pas ce qui est le plus renversant. Cet aveu que chaque être humain rêve d'entendre, ou bien mon prénom, glissant entre ses lèvres, prononcé à l'Anglaise grâce à cette langue que j'ai envie de goûter.
Par je ne sais quel miracle, je parviens à lever le regard vers ses jolis yeux. La douceur est revenue. Mes lèvres s'entrouvrent, prêtes à laisser mon coeur parler, lorsque quelque chose effleure mes doigts, attirant immédiatement mon attention.
Je ne met qu'une seule seconde pour assimiler les doigts de Tom à ce qui vient de se passer. Sa main est à un millimètre de la mienne, ses doigts se lèvent pour tomber sur les miens. Ils glissent sur mes ongles, puis remontent sur ma peau. J'ai l'impression de me prendre un coup de jus lorsque je les sens sur ma première phalange, remontant le long de mes doigts.
- Hey guys !
La main de Tom se rétracte brusquement. Je la suis des yeux avec déception pour la voir rejoindre nerveusement sa nuque. Il a baissé les yeux et s'est enfoncé dans sa chaise, instaurant à nouveau de la distance entre nous. Il lève le menton pour poser les yeux à côté de nous. Je suis son regard pour tomber sur Ciara, une assiette dans les mains, postée à côté de nous.
- Can I sit with you ?
Tom me jette un regard, avant d'acquiescer avec un sourire forcé. Attendez... il a lâché ma main parce qu'elle est là ? Waouh ! Ça fait atrocement mal à mon petit coeur.
- Yeah, of course.
Elle passe derrière lui pour s'asseoir à sa gauche, un sourire étincelant aux lèvres.
- So... what you were talking about ?
J'échange un regard avec Tom qui semble aussi déstabilisé que moi par cette question.
- Well...
Je pose les yeux sur Ciara en essayant de paraître le plus accueillante possible, ce qui, au vue de ma tête décomposée par la fatigue, risque d'être plus compliqué que prévu.
- I was telling Tom that I really missed him.
Je repose les yeux sur l'intéressé qui a ouvert les yeux un peu grand.
- Enough to spend almost thirteen hours with his bestfriend. Ten hours in a plane, with only six hours of sleep, which is absolutely not enough for me who usually sleeps half a day. All that just for one day here.
Je conclue ma phrase d'un sourire sarcastique qui les laisse sans voix.
- And I'm not telling you about the jetlag that's literally killing me right now.
Je reprend un quartier de tomate délaissé depuis trop longtemps dans mon assiette.
- But you've certainly noticed my zombie face.
J'enfourne cette foutue tomate dans ma bouche pour arrêter de parler en reposant les yeux sur Tom et Ciara. Cette dernière lui jette un regard perplexe, tandis qu'il ne me quitte pas de yeux. Il fini même par esquisser un sourire, si grand que j'aperçois sa dentition de mannequin.
- Why are you smiling ?
Il baisse les yeux en prenant sa fourchette en main.
- Because you're absolutely amazing.
Ses prunelles brunes retrouvent à nouveau les miennes, et j'adore ça.
- I'm really happy you came here. And... I love your zombie face.
Il m'adresse un sourire enjôleur, avant de se remettre à manger à son tour. J'échange un bref regard avec Ciara, lorsque les deux autres British qu'on avait perdu en route pointent le bout de leurs nez. Ils s'installent avec nous et lance la conversation, ce qui m'évite de dire davantage de conneries. Ils parlent essentiellement du film ce qui me laisse le temps d'observer Tom. Ou plutôt de le mater sans discrétion. À chaque contacts visuels avec lui, je fais mine de suivre la conversation. J'ai peut-être fais douze heures de voyage pour lui mais j'ai pas non-plus envie qu'il pense que je suis accrocs.
Le repas n'aura pas duré très longtemps, à peine une heure. Mais ça m'a laissé le temps d'apprécier toutes les petites choses qui font de Tom le type le plus mignon de la planète. La façon dont il boit, ce qui force sa pomme d'adam à jouer du yoyo. Ses joues gonflées lorsqu'il ne met qu'un minuscule morceau de nourriture dans sa bouche. Cette manière qu'il a de cacher son sourire derrière son poing fermé pour ne pas faire voir qu'il est à deux doigts de recracher ce qu'il mange. Et le meilleur, lorsqu'il plaque une main sur son ventre en plein fou-rire, se pliant parfois en deux. Le simple "Ahah" qui sort de sa bouche me force à sourire, et ma production d'endorphines grimpe en flèche. Je ne vous parle même pas de ses yeux plongeant dans les miens, et les bienfaits insoupçonnés de son regard. Ça va vraiment être dur de repartir. Encore plus si la discussion vire au cauchemar.
Lorsqu'on a tous quittés la table, Tom et Ciara reprennent leurs rôles. Tom se retrouve affublé d'un bonnet ridicule avec deux tresses qui tombent de chaque côtés de sa tête. C'est incroyable qu'une horreur pareille lui aille si bien.
On a fini par quitter les allées du campus pour rejoindre un amphithéâtre. D'après ce que j'ai compris, c'est la dernière scène qu'ils tournent. Dieu merci. Je me sens terriblement en trop au milieu de tout ces gens. Parfois je ne comprends même pas ce qu'ils disent. Les Américains ont la particularité de ne rien articuler lorsqu'ils parlent, et je suis stupéfaite que Tom parvienne aussi facilement à reproduire leurs accent. Lorsqu'il me parle pourtant il articule chaque mots, et même les plus stupides deviennent une symphonie au creux de sa bouche. Des mots simples. "Yes". "Disgusting"." Darling".
À chaque fois qu'un mot glisse entre ses lèvres je tombe un peu plus dans la démence.
He drives me mental.

Unexpected [FR/EN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant