Ça fait déjà dix minutes que je tourne en rond dans les couloirs de l'hôtel et j'avais oublié à quel point ça pouvait m'agacer de chercher Emily partout au milieu des centaines de chambres dont elle s'occupe. Dieu merci je n'ai pas croisé ma mère déjà, ce qui est une réussite étant donné qu'elle cherche à me voir depuis que j'ai atterrit en France. Pour infos, je squatte toujours chez mon père, et ça fait onze jours précisément maintenant. Depuis notre engueulade devant le restaurant il n'a toujours pas accepté mes excuses, ce qui ne m'étonne même pas pour tout vous dire. Il passe encore le plus clair de son temps en dehors de l'appartement, et ça ne me gêne pas car j'ai enfin réussi à sortir de cette chambre que j'avais prise en otage pour squatter le canapé maintenant. Je n'ai toujours pas racheté de téléphone, et ça parce que mon compte en banque est toujours dans le rouge depuis que je suis revenue. Pour résumer, je n'ai plus d'appartement, plus de boulot et si ça continue comme ça, plus de voiture pour me déplacer étant donné que l'essence coûte excessivement cher.
Aujourd'hui j'ai décidé de retourner au cinéma pour voir s'il n'avait pas une place de libre, histoire que je retrouve une stabilité financière. Je ne vais pas vous mentir, même onze jours après, je ne me sens pas mieux. Je ne pleure presque plus, ou très peu du moins. Mais c'est surtout parce que je me force à ne pas penser à Tom. Je n'ai plus de téléphone, ce qui m'aide considérablement à ne pas penser à lui, mais il y a toujours des moments où il revient dans ma tête comme-ci mon cerveau voulait me rappeler ce que j'ai perdu. Mais je n'ai jamais oublié.
Là je fais un saut à l'hôtel pour me donner un peu de courage avant de retourner à l'endroit où j'espère récupérer mon job. Et au détour d'un couloir, après dix putains de minutes à tourner en rond, j'aperçois enfin la grosse tête d'Emily sortir d'une chambre.
- Hey, tocarde !
Elle se stoppe au milieu du couloir, son chariot dans les mains, et lève ses yeux bien mieux maquillés que les miens sur moi. Son sourire illumine immédiatement mon cœur toujours aussi abîmé.
- Hey, mauviette ! Enfin sortit de ton trou. Qu'est-ce que tu fou là ?
Je la rejoins en quelques enjambées pour déposer un baiser sur sa joue, comme à mon habitude. J'adore son parfum. Ça m'avait manqué de la voir.
- Je vais aller faire un tour au cinéma, histoire de voir si je peux récupérer ma place.
Elle fait la grimace en me tournant le dos pour pousser son chariot jusqu'à la prochaine chambre.
- Ouh là... tu comptes y aller aujourd'hui ?
- Bah oui, pourquoi ?
Elle s'arrête trois portes plus loin pour déverrouiller la chambre, lorsque mon cœur rate un battement. Le numéro sur la porte me pétrifie dans la seconde, et je suis incapable de bouger.
- On est mercredi, c'est les sorties de films aujourd'hui, et apparemment il y a une avant-première. Tu vas avoir du mal à te frayer un chemin au milieu des paparazzis.
Elle entre dans la chambre en me jetant un coup d'œil en se rendant compte que je ne bouge plus.
- Hey, il t'arrive quoi ?
Je pose les yeux sur elle en prenant conscience que les larmes sont de nouveau prêtent à couler.
- Rien, il faut que j'y ailles.
Je jette un dernier coup d'œil au numéro de la chambre, arrachant un nouveau battement de cœur raté à mon pauvre organe qui souffre déjà suffisamment. 216. Je n'ai pas oublié cette porte. C'est là que ma vie a basculée.
- Mais attend, Elie !
Je suis déjà à l'autre bout du couloir, et je n'ai pas l'intention de faire demi-tour. Comment j'ai pu croire que venir ici serait aussi facile qu'avant ? Putain c'est ici que je l'ai rencontré pour la première fois. C'est ici que j'ai passé ma première nuit avec lui. C'est ici que ma vie a changée. Je suis condamnée à penser à lui partout où je vais ou quoi ? Comment ça va se passer au ciné hein ? Là-bas aussi j'ai des souvenirs avec lui. Putain mais je peux pas me l'enlever de la tête en fait c'est ça ? Ça casse les couilles, sérieux !Lorsque j'arrive au cinéma, Emily ne m'avait pas menti, il y a un monde de dingue. Heureusement je connais encore le code du portail qui mène au parking réservé aux employés. Quand je pense que même sur ce parking j'ai des souvenirs douloureux. Lorsque Benjamin attendait près de ma voiture après qu'il ait rompu avec moi. Je ne peux pas faire cent mètres dans cette ville sans qu'un souvenir me prenne à la gorge. En parlant de Benjamin, mon père n'a toujours aucune nouvelle de lui. Sa mère m'a même chopé en ville il y a quelques jours, elle m'a fait une scène de dingue en hurlant aux passants que j'avais tué son fils. J'ai eu tellement peur et tellement honte que je me suis réfugiée dans une boutique de sous-vêtements jusqu'à ce qu'elle parte. Vous me direz, ça n'a rien d'extraordinaire une boutique de sous-vêtements. Sauf que je n'étais pas seule en ville ce jour-là.
Parce que j'ai oublié de vous dire qu'il n'y a pas qu'Emily qui me harcèle pour que je mette les pieds dehors. Timothée aussi. Et oui, il est toujours là celui-là. Et je me demande bien pourquoi il continue de vouloir à tout prix me faire sortir, parce qu'à chaque fois qu'on a eu le malheur de mettre un pied en ville tous les deux, soit on s'est fait harceler par des paparazzis, soit par des fans, soit par la mère de Benjamin. Alors honnêtement, la dernière fois qu'on est sorti remonte à il y a trois jours maintenant. Et je pense que vu l'hystérie de Mme Diaz, il a renoncé à me demander de l'accompagner en ville à nouveau. D'ailleurs je ne comprends toujours pourquoi elle n'a pas de nouvelles de Benjamin, s'il est planqué quelque part il aurait déjà dû lui faire signe, lui prouver qu'il va bien. Ça ne lui ressemble pas d'abandonner sa mère. Je suis sûr et certaine que mon père est derrière tout ça mais qu'il refuse de me le dire. Je ne vois pas qui d'autre aurait pu s'en prendre à lui.
Lorsque j'entre dans le cinéma, la file est tellement longue que ça me donne le vertige. Je déteste lorsqu'il y a trop de monde. Et j'ai l'impression que ça a empiré depuis que Tom et moi c'est terminé. J'ai beaucoup de mal à me retrouver au milieu d'une foule, c'est comme-ci j'avais perdu la capacité de me défendre. Comme-ci Tom était vraiment mon centre de gravité et que sans lui maintenant je suis perdue partout où je vais.
J'arrive à me frayer un chemin jusqu'à un guichet où une nouvelle tête m'accueil.
- Bonjour ! Qu'est-ce que vous venez voir ?
Merde... elle ne me laissera jamais passer.
- Heu... bah en fait je ne viens pas voir de film, je suis là pour...
... : - Elena ?
Je fais volte-face sans prendre le temps de terminer ma phrase, et tombe sur un grand brun qui a la chance de pouvoir passer sans problème à côté de la file d'attente. Son sourire me force à l'imiter, d'un sourire forcé pour paraître polit, mais c'est déjà un bon point. Je pense qu'il n'y a que Tom qui pourrait me réapprendre à sourire sincèrement au monde entier.
- No way ! Qu'est-ce que tu fais là ?
Il s'arrête à ma hauteur pour me heurter de plein fouet encore une fois. Il a pris cette habitude lorsqu'il me voit de me serrer dans ses bras pour me saluer. Au début c'était super gênant, et maintenant... bah maintenant ça l'est encore en fait. Surtout que là il a l'air un peu trop content de me voir car il se balance d'un pied à l'autre, toujours accroché à moi. Je suis obligé de me tenir à ses épaules pour ne pas basculer en arrière.
- Je suis trop heureux que tu sois là.
Waouh... heureux est un bien grand mot je trouve.
Il s'écarte enfin de moi, et c'est là que je remarque les journalistes et les photographes un peu partout. OK... est-ce que je vais finir dans les journaux à cause de lui là ?
- Heu... ouais, super. Mais t'es là pour quoi toi déjà ?
Je repose les yeux sur Timothée, presque aveuglée par son sweat tout étoilé. Il est vachement bien habillé pour une sortie ciné.
- Pour la première de The King. Je t'en ai parlé, tu ne te souviens pas ?
La première de The King ? Oh non merde ! C'est la première de son film ! Putain... je me souviens qu'il m'en a parlé, il m'a même demandé de l'accompagner et j'ai refusé. Bravo Elena ! T'as refusé et maintenant tu t'y retrouves quand même, c'est super intelligent.
- Oh merde... j'avais complètement zappé.
Ses sourcils se fronces tandis qu'il jette un œil autour de nous, comme-ci il cherchait quelqu'un, avant de reposer les yeux sur moi.
- Mais pourquoi t'es là si ce n'est pas pour moi ?
Oh... heu... ouais alors je n'avais pas prévu qu'il pense que je vienne pour lui, en fait. C'est super bizarre la relation qu'il a envers moi, je vous jure des fois j'ai l'impression qu'il attend quelque chose de moi. Quelque chose que je ne peux pas lui donner. Et c'est pour ça que j'ai pris un peu de distance ces derniers jours d'ailleurs.
- Et bah... je suis venu récupérer mon poste ici à la base.
J'acquiesce comme pour me donner plus de crédibilité, lorsqu'il hausse les sourcils avec un air blessé sur le visage.
- Oh... so you're not here for me ? I mean... tu ne veux pas regarder le film avec moi ?
Il se désigne lui-même du doigt et j'avoue que je me sens super mal à l'aise tout à coup. Est-ce que je refuse ? Non parce que ça fait quand même quatre fois qu'il me paye à manger lorsqu'on sort en ville lui et moi et je me sens super redevable en fait. Et maintenant je culpabilise d'être ici alors que j'ai refusé de venir à la base.
- Heu... ouais, non en fait je...
Je désigne les portes de sorties d'un geste nerveux de la main.
- Je crois que je vais y aller finalement. On... on se voit plus tard, OK ?
Je passe près de lui, lorsqu'il attrape brusquement ma main pour me retenir. Mon cœur explose dans ma poitrine tandis que je fais volte-face en posant les yeux sur lui.
- Wait, please !
Il tire ma main jusqu'à lui en me forçant à me rapprocher et je ne sais pas pourquoi, mais j'obéis. J'ai l'impression que si je me débats, si je hurle au milieu de toute cette foule, je vais passer pour une folle. Ce que je suis déjà en réalité. Mais j'ai pas envie d'attirer l'attention, vous comprenez ?
- Tu peux rester, tu sais ? Ça me ferait très plaisir que tu restes.
Waouh... j'avale ma salive en espérant disparaître dans la seconde et devenir invisible aux yeux de tous, mais je crois que ça ne va pas être possible.
Ses yeux bleus sont super envahissants, et je commence à croire qu'ils ont une réelle emprise sur moi. Une emprise que je n'arrive pas à repousser. Et ça me fou la trouille. Je suis incapable de détourner le regard de ses yeux, et pourtant je sens les regards de tous les gens autour nous dévisager, mais je ne peux même pas les regarder. Je sens son pouce caresser le dos de ma main et ça me provoque un putain d'électrochoc dans la poitrine, vous n'imaginez même pas. Tom faisait ça constamment, et putain c'est à lui de le faire, pas à Timothée.
Je retire brusquement ma main de la sienne, et je sens la panique m'envahir. J'ai l'impression que la chaleur ambiante est montée d'un cran et que j'ai du mal à respirer. Putain faut que je sorte d'ici.
- Je... je dois y aller, désolé.
Je tourne les talons et me précipite vers la sortie, laissant l'air frais du mois de novembre me gonfler la poitrine à nouveau. Putain c'était quoi ce délire ? Sérieusement, les avant premières c'est avec Tom que je veux les faires, pas avec lui. Merde... j'ai tellement l'impression que ce qui vient de se passer c'est de ma faute. Que peut-être je lui ai fait croire que je voulais quelque chose de lui, mais c'est pas le cas putain. Est-ce que j'ai été trop proche de lui ? Putain je n'aurais jamais dû accepter son aide à lui aussi. À croire que je suis maudite sérieux !
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Unexpected [FR/EN]
Fanfiction"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...