Chapitre 32

1.1K 57 17
                                    

- Est-ce que tu veux en parler ?
Je laisse ma tête rouler sur le dossier du canapé avec fatigue pour poser les yeux sur Emily.
- Non. 
- Et bah moi je crois qu'il faut qu'on en parle. 
Oh putain ! Ce qu'elle me fatigue ! 
Je repose les yeux sur la télé en l'ignorant totalement. 
- Il s'est passé quoi après ?
- Rien du tout, Emily. 
- Non, tu ne peux pas dire ça. Il s'est forcément passé un truc. 
- Oui, en effet ! Il m'a acheté un billet retour et je suis partis. 
Je sens son regard peser sur moi et ça m'agace. 
- T'es partis comme ça ? Sans rien dire ? 
- Ouaip ! 
- Sans même l'embrasser ? 
- Nope ! 
Elle n'attend pas plus longtemps pour me coller un coup de coussin dans la tronche, si violemment que ma tête heurte l'accoudoir extrêmement dur du canapé. 
- Oh putain ! 
- J'espère que ça t'as fait mal ! 
- Mais tu m'as défoncé ! 
- Ça t'apprendras d'avoir manqué une occasion pareille ! 
Je tâtonne mon front du doigt pour sentir une bosse, mais pas que. Je me tourne vers Emily qui ouvre les yeux tellement grand que ses sourcils disparaissent sous sa frange. 
- Oh merde ! 
Elle porte ses mains à sa bouche avec un air choqué et je commence à paniquer. 
- Quoi ? Qu'est-ce que tu m'as fait ? 
Je me lève en vitesse pour courir jusqu'à la salle de bain. 
- Oh shit ! 
Mon reflet me renvoie l'entaille qui jonche mon front, juste au dessus de mon sourcil droit. 
- Tu m'as défiguré ! 
Je l'entends rire dans le salon. 
- C'est pas drôle, Emi ! 
- Oh ça va ! T'étais déjà défiguré de naissance !
La salop...perie. La saloperie !
Je désinfecte la plaie qui saigne à peine, telle une simple griffure de chat, lorsque la sonnette de l'appartement me coupe dans mes soins de première urgence. 
- Ton père est arrivé ! 
Je souffle d'exaspération et me recoiffe à la va-vite pour rejoindre le salon. Mon père est encore devant la porte. 
- Salut P'pa ! 
Je lui check la main pour le saluer, comme à mon habitude. 
- Salut ma fille. T'es prêtes ? 
- Ouais, j'ai juste à prendre ma veste et...
Il me retient par le coude alors que j'allais justement prendre de quoi me couvrir. 
- Attend, c'est quoi ça ? 
Il désigne mon front du doigt avec un regard noir. Le même regard qu'il avait lorsque je me prenais des heures de colle à cause d'Emily. 
- Ça ? C'est rien, je viens de me cogner contre l'accoudoir du canapé. 
- Tu te fou de moi ? 
Emily me lance un regard paniqué. 
- C'est pas plutôt l'autre baltringue de Benjamin qui t'a fait ça ? 
- Quoi ? Mais non, pas du tout... 
- T'es sûr ? Parce que sinon je fais une descente chez lui dans l'heure qui suit. 
J'échange un regard avec Emily qui n'en mène pas large. Elle s'est toujours très bien entendu avec mon père, mais il lui a toujours fait peur. 
- C'est bon, papa, arrête s'te plaît. Je vais bien. 
Il me dévisage pendant un long moment, avant de jeter un oeil perplexe à Emily. 
- C'est vrai ce qu'elle dit ? 
- Heu... bah... oui. 
- Et tu penses qu'elle va bien ? Parce que moi j'ai de sérieux doutes. 
Son regard bleu glacial me tombe à nouveau dessus. 
- Ça fait une semaine que t'es revenu de chez les Cow-boys et tu tire la tronche à chaque fois que je te vois, alors je suis pas certain que tu ailles ci bien que ça. 
Emily me jette un oeil nerveux et je sais qu'elle est à deux doigts de tout balancer à mon père. 
- Ça c'est peut-être parce que j'aime pas ta tronche, papa. 
Malgré mon sourire sarcastique, il n'en démord pas et continue de me regarder comme-ci il allait me priver de télé pendant trois semaines. J'en profite pour aller prendre ma veste, et lorsque je reviens, je les surprend entrain de parler. 
- C'est à cause de lui que ça ne va pas ? T'es sûr ? 
- Certaine ! Il l'a friendzoné de ouf ! 
Je débarque et les coupe dans leurs chuchotements. Rien qu'à la tête de mon père, je sais d'avance qu'il n'a pas compris le terme "friendzoner". 
- C'est bon, je suis prêtes ! 
Ils font tous les deux comme-ci de rien n'était, et mon père salut Emily d'un signe de la main en ouvrant la porte pour sortir en premier. Avant que je n'ai le temps de le suivre sur le palier, Emily me retient par la manche. 
- Hey ! Tu m'envoie un message si t'as des nouvelles de Tu-sais-qui. 
Je lève les yeux au ciel pour son plus grand plaisir. 
- Oui, j'y manquerais pas. 
- Et si jamais t'as pas de nouvelles, envoie lui un message toi. 
Rien qu'à mon regard elle sait que c'est hors de question. 
- Rohh mais fait un effort ! T'avais qu'à pas accepter de faire amis-amis avec lui ! 
- Ferme la, Emi ! 
Elle me lance son plus beau doigt d'honneur, et me laisse enfin sortir. 
- Aller salut Tocarde ! 
- Ouais, aller salut Banane ! 
Mon mère me lance un regard chelou lorsqu'on entame notre descente dans les escaliers. Il n'a jamais compris pourquoi on s'appelait comme ça l'une et l'autre, et pourtant c'est pas faute de lui avoir montré Retour vers le Futur. Deux fois ! 
Je grimpe dans la voiture de mon père au moment précis où mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. J'y jette un oeil pour voir un nouveau message Instagram. tomholland2013. 
Mon coeur frappe contre ma cage thoracique, comme pour me supplier de l'ouvrir. Je le fais glisser sur l'écran pour le faire disparaître, et ma culpabilité m'attaque le cerveau. Lorsque j'ouvre Instagram le numéro qui m'annonce le nombre de messages non-lus me donne mal à la tête. J'ai dit à Emily qu'il ne m'avait toujours pas parlé, et si elle apprend que j'ai une dizaine de messages non-lus de sa part elle va faire bien plus que m'ouvrir l'arcade. C'est le crâne entier qu'elle va m'ouvrir ! 
Ça fait cinq jours que je suis rentrée, et je ne lui ai pas répondu une seule fois. J'ai pas eu le courage de les ouvrir. Je sais que c'est con. Que si je ne voulais pas avoir de message je n'avais qu'à pas accepter sa demande. Mais c'était trop dur. J'ai pas pu me résoudre à lui dire non. J'ai pas eu le courage de lui briser le coeur, au lieu de ça j'ai préféré briser le mien. 
- Qu'est-ce que t'as encore ? 
Je pose les yeux sur mon père qui me lance un regard agacé. 
- Rien du tout. 
- Arrête de mentir, Elena. Tu mens super mal, tu dois tenir ça de ta mère. 
Whaaat ? 
- Ça veut dire quoi ça ? 
Il secoue la tête en essayant de garder son air bougon. 
- Rien qui te regarde. 
- T'es sérieux ? 
Il esquisse un sourire arrogant dont j'ai hérité. Un silence prend place dans la voiture, et j'en profite pour faire un tour sur Instagram. Je suis presque déçu que Tom n'est rien posté. Je suis vraiment stupide putain ! 
- Dit moi... tu fais la gueule à cause d'Alice ? 
Je lève les yeux vers lui, presque agacée par cette question. Alice c'est la femme chez qui il passe ses nuits depuis trois mois. Et accessoirement c'est elle qu'on est en train de rejoindre pour le déjeuner. C'est la première fois que je vais la rencontrer. Il ne m'a dit que le strict minimum sur elle. Alice, trente-huit ans, avocate. C'est tout. Je n'ai même pas eu le droit à sa couleur de cheveux ! 
- Je ne fais pas la gueule. 
- T'es sûr ? Parce que j'ai pas envie que ça finisse comme avec ta mère et Bruno. 
Mes sourcils se fronces tellement que ça me donne mal au crâne. 
- C'est qui ça Bruno ? 
- Bah son mec ! 
- Roger tu veux dire ? 
Il me regarde d'un air perplexe. 
- Roger ? Mais il s'appel pas Roger ! 
- Peut-être pas, mais je suis certaine que c'est pas Bruno non-plus ! 
Son regard se fait plus insistant. 
- T'es sûr ? 
- Certaine je te dis ! 
Il repose les yeux sur la route en semblant réfléchir. 
- Attend... ce serait pas Robert ? 
On échange un regard, un seul, avant d'exploser de rire. Ça fait tellement du bien de rire. Mon père a toujours été doué pour me faire rire, même dans les pires moments. Ça a toujours énervé ma mère d'ailleurs. 
Lorsqu'on arrive au restaurant il décide de prendre une table de six, et je ne comprends pas trop pourquoi. Un serveur vient nous demander ce qu'on souhaite, et mon père prend un coca. Un coca. Genre sans alcool. Il doit vraiment l'aimer pour avoir refusé une bière. On a pas besoin d'attendre très longtemps pour qu'une femme se pointe à côté de nous. Je lève les yeux en suivant le regard de mon père pour tomber sur une jolie rousse. Elle m'adresse un doux sourire, et je dois bien avouer que mon père a bien choisit. Elle est vraiment très belle. 
- Bonjour ! Tu dois être Elena. 
- Heu... ouais, c'est moi. 
Elle me tend une main formelle que je sers avec un malaise grandissant. 
- Enchanté, moi c'est Alice. Ton père n'a pas arrêté de me parler de toi. 
Je jette un oeil à mon père qui me lance un regard autoritaire. J'adresse donc un sourire à Alice, sous la menace. 
- Je ne peux pas en dire autant de vous. Mais je suis quand même contente de vous rencontrer. 
Son sourire illumine son visage, et elle fait le tour pour s'installer à côté de mon père. Elle dépose un chaste baiser sur ses lèvres et ça me met un peu mal à l'aise, ci bien que je préfère baisser les yeux sur mon verre. 
- Ils ne vont pas tarder à arriver. 
Je lève la tête avec curiosité. 
- Qui ça "ils" ? 
Ils posent tous les deux les yeux sur moi et mon père a blêmit. Alice lui jette un regard inquiet.
- Tu ne lui a pas dit ? 
Mon père fait mine de ne pas comprendre. 
- Me dire quoi ? 
Alice pose les yeux sur moi, et je commence à ressentir son inquiétude. Je vois mon père tourner la tête, et Alice en fait autant. 
... : - Désolé du retard, M'man, il avait pas fini sa partie de Call of.
Je suis leurs regard pour tomber sur une fille aux cheveux bleus et un petit brun à ses côtés. C'est quoi ça ?
La fille, qui doit être à peine plus jeune que moi, me regarde enfin. 
- Salut ! C'est toi Elena ? 
Je jette un oeil à mon père qui me scrute en silence. Elle a des enfants ? Mais pourquoi il ne m'a rien dit ? 
Je repose les yeux sur les deux inconnus qui me regardent. Je parviens à leur adresser un sourire, un peu forcé je dois l'admettre. 
- C'est moi, en effet. 
La schtroumpfette me sourit, du même sourire qu'Alice. 
- Moi c'est Charlotte, mais je préfère qu'on m'appel Charlie. 
Elle me désigne le petit brun d'un geste du menton. 
- Et lui c'est Théo. 
L'intéressé me fait un signe de la main auquel je répond d'un sourire, lorsqu'il finissent par s'installer à table, Charlie à côté de sa mère et Théo à une place de moi. Je dévisage mon père avec un regard déstabilisant que je tiens de lui. Et même lorsque le serveur revient, je ne le quitte des yeux qu'une seconde. Je commande un steack frites et me concentre sur mon verre en attendant mon repas. J'entends Alice discuter avec ses enfants de PS4, et de devoirs à faire, lorsque mon assiette arrive enfin. Non mais pourquoi il ne m'a pas dit qu'elle avait des enfants ? J'allais pas refuser de la rencontrer pour autant ! 
J'ai à peine manger une frite qu'Alice me fait la conversation. 
- Alors comme ça tu travail au Grand Rex ? 
Je lève les yeux vers elle et acquiesce pour toute réponse. 
- Sérieux ? C'est trop cool ! On y a été le mois dernier pour l'avant première de Spiderman ! 
Je pose les yeux sur Charlie, mon coeur prenant un rythme plus rapide. C'est à ce moment que Théo m'interroge. 
- Et tu peux parler avec les stars du coup ? 
Le petit brun me scrute avec curiosité, et je ne sais même pas quoi répondre. 
- Bah c'est pas là-bas que t'as rencontré ton copain ? 
Je frappe mon père du regard, le coeur à deux doigts de terminer son marathon. 
- Si, mais c'est pas mon copain. 
- C'est pas ton copain ? Alors tu va me dire que tu t'es barré aux États-Unis juste pour voir un pote ? Et que c'est pour ça que tu n'as pas répondu au téléphone pendant une journée entière ? Une journée sans répondre ça fait long pour être juste avec un pote tu ne trouve pas ? Vous avez fait quoi pendant tout ce temps ? Du jardinage ?
Putain... il le fait exprès. 
- T'es partis aux États-Unis ? Sérieux ? C'est ouf ! 
Je croise le regard enthousiaste de Charlie et la pression aux creux de ma poitrine se fait plus grande. 
- Ouais, mais c'était que pour une journée. 
- Ah bon ? Et t'as été où ? 
J'avale une gorgée de mon verre avec gêne. 
- À Cleveland. 
- Juste pour une journée ? 
J'acquiesce en me concentrant sur mon assiette. 
- Et après elle ose me dire que c'est qu'un ami ! Elle a passé plus de temps dans l'avion qu'avec lui ! 
Je lève les yeux vers mon père qui m'adresse un sourire amusé lorsqu'Alice l'interpelle.
- Et il s'appel comment ce garçon ? 
- Thomas ! 
Je scrute mon père avec surprise. Comment est-ce qu'il sait ça lui ? 
- C'est Tom, papa. 
- C'est pas Thomas ? 
Son air perplexe ne me fait pas rire du tout. Je suis sûr que c'est Emily qui lui a dit. 
- Si, mais tout le monde l'appelle Tom. 
- Rohh... c'est pareil. Il est pas chiant déjà ton rosebeef.
Je sens les yeux de tous les autres me dévisager. 
- Rosebeef ? C'est pas de la viande ça ? 
L'attention tombe sur Théo à qui sa soeur répond. 
- Si, mais là il parle d'un Anglais. C'est comme un surnom pour les gens qui viennent d'Angleterre. Mais c'est un peu péjoratif. 
Mon père secoue la tête en me lançant un regard complice. 
- Et donc il est Anglais ? Mais il vit aux États-Unis ? 
Je pose les yeux sur mon assiette, nostalgique des moments passés avec Tom. Si seulement je pouvais leur dire. Leur dire qu'il était entièrement à moi pendant de précieuses heures. 
- Non, il y travail. Heureusement ! 
Je croise le regard gris de mon père sans comprendre où il veut en venir. 
- Je préfère qu'il te garde avec lui à une heure de la France chez les rosebeefs plutôt qu'à douze heures chez les ricains. 
Les rires d'Alice et de Charlie m'arrache un sourire.
- T'as trop de chance qu'il soit Anglais. Ça doit être ouf de passer des journées entières avec lui. 
Ouais... c'est le moins qu'on puisse dire. Je le revois encore me hurler dessus. Ou bien me déshabiller. C'est vraiment ouf de passer des journées entières avec lui, quoi qu'il arrive. 
Alice se met à parler de l'Angleterre, racontant leur dernier voyage là-bas. Moi aussi j'aimerais bien y aller. J'adorerais en fait. Mais ça me ferait trop penser à lui. Ça me ferait presque que mal d'y aller sans lui. La conversation change et je ne suis plus du tout. C'est lorsque toute la table se met à vibrer à cause de mon téléphone que je sors de mes pensées. J'attrape le téléphone sous les yeux surpris de toute la famille recomposée, et décroche machinalement à Emily pour lui dire que ce n'est pas le moment. 
- Hey ! Je te rap... 
Ma phrase s'arrête nette lorsque je pose les yeux sur le visage qui s'affiche sur mon écran. Mon cœur ralentit brusquement, mon estomac se soulève et mon cerveau s'arrête en m'infligeant un vertige. 
- Hi, Darling. I though you would avoid my call. 
Tout le monde arrête de manger et me dévisage curieusement. Mon regard à moi ne quitte pas l'écran. Putain j'avais presque oublié à quel point il est beau.
Mais pourquoi est-ce qu'il m'appel ? 

Unexpected [FR/EN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant