Aujourd'hui c'est une journée éprouvante qui nous attend. La matinée est passée à la vitesse d'un éclair et le tournage de cette après-midi s'annonce chargé en émotions. J'ai tout de suite su dès le réveil que Tom était tendu à l'idée de tourner aujourd'hui. Lorsque j'ai ouvert les yeux ce matin, il était déjà réveillé, assis au bout du lit, l'air pensif. Je lui ai demandé je ne sais combien de fois si ça allait, et à chaque fois il s'est contenté d'acquiescer. Et je sais que c'était un mensonge vain pour me rassurer. Le tournage de ce matin s'est passé tellement vite que j'ai à peine eu le temps de lui parler. On a mangé avec le crew, et on n'a pas eu une seule minute à nous. Mais j'ai senti toute la journée que ça n'allait pas. Il a l'air anxieux, tendu, et je ne sais pas si c'est à cause de la scène qu'il s'apprête à tourner ou si c'est pour une autre raison.
La nuit est sur le point de tomber, et toute l'équipe est déjà installée dans l'hôpital de la région, prête à laisser Tom et Ciara entrer en scène. Ils n'attendent plus que la nuit pour lancer les caméras, et ça nous laisse enfin quelques minutes de répit. Tom s'est assis sur les sièges réservés aux patients de l'hôpital, au bout d'un couloir, à l'abris du brouhaha de l'équipe de tournage. Je l'ai rejoint presque aussitôt, restant silencieuse, ne voulant pas briser le calme qu'il est venu chercher au fond de ce couloir. On est resté là, assis en silence pendant quelques minutes, peut-être deux à peine, nos deux mains entrelacées comme pour se rassurer mutuellement. Et c'est lui qui a brisé le silence en premier, les yeux rivés sur le mur en face de nous où un cadre représentant une chaîne de montagnes est accroché.
- Do you remember the first night we slept together ? That night we shared the same bed for the first time.
Si je m'en souviens ? Bien sûr que je m'en souviens. J'étais épuisée ce soir-là, et je venais de me faire larguer par Benjamin. Quand j'y repense, ça me semble tellement loin. Pourtant ça ne fait même pas huit mois.
- Yes, I remember.
Je baisse les yeux vers nos deux mains, pour caresser la sienne de ma seconde main, ma seule de libre. J'adore caresser les phalanges de ses doigts, et je ne sais même pas pourquoi. C'est comme-ci je pouvais sentir toute la puissance que renferme ses mains. Toute la force qu'il a en lui et qu'il s'efforce de ne pas montrer.
- I remember it like it was yesterday.
Je lève les yeux vers son visage pour le surprendre à sourire. Il a enfin l'air apaisé pour la première fois depuis ce matin. Et ça me fait du bien de l'entendre dire qu'il s'en souvient aussi bien.
- We were supposed to meet at the hotel and you got here early. I was still in the shower when you knocked on the door.
Oh oui je m'en souviens. Il était tellement beau, encore trempé par l'eau de la douche. Je me souviens encore de cette goutte d'eau qui perlait à ses lèvres, attendant désespérément que je vienne la chercher à l'aide de ma langue. Mais au lieu de ça elle est tombée sur son torse. Et ce jour-là je m'étais dit... waouh ! Ce qu'il est beau putain.
- Your clothes were stained with coffee, and we could smell it all over the room.
Ses lèvres esquissent un nouveau sourire, léger, mais si beau.
- Every time I feel the smell of coffee now I think about that night, and it makes me happy.
Il s'humidifie les lèvres en cassant son sourire, comme-ci le goût du café était encore imprégné sur sa bouche.
- We watched Harry Potter and you fell asleep first. I couldn't stop watching you sleep. I remember looking at you for at least an entire hour.
Son sourire se fait plus grand encore et j'aimerais tellement qu'il me regarde pour voir ses yeux sourire eux aussi. Mais je ne sais pas pourquoi, il refuse de me regarder. Il reste obnubilé par le tableau en face de lui. Comme-ci il se refusait à poser les yeux sur moi. Comme-ci il avait peur d'affronter mon regard, alors que pourtant, la discussion n'a rien de tendue, au contraire.
- You were so fucking beautiful.
Je fini par sourire moi aussi, flattée qu'il avoue m'avoir trouvé belle dès les premiers instants de notre relation.
- And that's when I knew.
Sa mâchoire se serre légèrement et il déglutit, comme-ci ce souvenir devenait douloureux. Son regard tombe sur nos mains, et il se met à caresser mes ongles de sa seconde main. Je ne sais pas non-plus ce qu'il a avec mes ongles, mais je le surprends souvent à les caresser. Pourtant ils n'ont rien d'extraordinaires. Ils ne sont même pas peinturlurés de vernis, même pas manucurés. Je ne prends vraiment pas assez soin de moi je crois.
- That's when I knew I would love you from the bottom of my heart and that's for the rest of my life.
Mon cœur s'emballe, emportant avec lui tout sur son passage.
- I love you so much Elena, that I can't think of anything other than you. Than your hapiness. And I would do anything to make you happy, even if it means you don't have to be with me for this anymore.
Quoi ? Qu'est-ce qu'il a dit là ?
- What do you mean ?
Sa lèvre inférieure passe entre ses dents, et il la mord nerveusement pendant de longues secondes, instaurant un silence anxiogène entre nous.
- Tom ?
Il délaisse sa pauvre lèvre en serrant les dents, et lève enfin les yeux vers mon visage. Ses prunelles brunes sont noircies par l'anxiété et la pâleur de son visage maquillé aggrave son expression tendue.
- I told your dad.
Waouh... les mots résonnent dans ma tête et j'ai l'impression que je viens de me prendre une putain de gifle dans la gueule là je ne vous explique même pas. C'est comme-ci Chuck Norris venait de me mettre une baffe, arrachant chacun de mes organes à leurs places d'origines. Est-ce que j'ai bien compris ce qu'il vient de dire ? Ou est-ce que c'est une putain d'hallucination dû à ses beaux yeux ?
- You... what ?
Il baisse de nouveau les yeux, vers mes lèvres cette fois-ci, et je sais d'avance que c'est parce qu'il est nerveux. Parce qu'il culpabilise.
- I sent him a message this morning. I didn't know how to tell you.
Ses yeux bruns replongent dans les miens, et la gravité qui les habite commence à me consumer.
- He had to know.
Oh shit...
... : - Tom ! We can start !
Le British me délaisse du regard pour lever les yeux vers son patron, avant de reprendre ses mains des miennes en se levant. Il me jette un dernier regard, la mâchoire serrée et les yeux au bord des larmes.
- I'm sorry, baby. I had to do it.
Oh my fucking Godness !
Il me tourne le dos pour aller se mettre au travail, pendant que moi je reste sur le cul. Putain ne me dîtes pas qu'il a fait ça ? Non ce n'est pas possible, il n'a pas pu faire ça. Je dégaine mon téléphone pour jeter un œil sur Instagram, espérant de tout cœur de ne pas voir de messages de mon père, ou bien même d'Emily. Et il n'y a rien. Aucuns messages. J'ouvre la conversation avec mon père, et la retrouve là où on l'a laissée quelques jours plus tôt. Ça veut dire qu'il ne lui a pas envoyé un message avec mon portable, mais avec le sien. Bordel il faut que je voie ce message. Je délaisse mon téléphone pour fouiller mes poches à la recherche du téléphone de Tom, mais mes poches sont vides. Pourquoi elles sont vides ? Oh non... il a gardé son téléphone. Putain de merde, pourquoi il a gardé son téléphone ? Il faut absolument que je vois ce message !
Je lève enfin mon cul de ce banc pour courir à travers le couloir jusque derrière la caméra où Tom arrive, accompagné d'un brancard.
- Men would you hurry the fuck up, please ?
Et rien qu'à son air paniqué, je sais d'avance qu'il a commencé à tourner. Il a commencé à tourner, et je n'ai aucune chance de récupérer son téléphone dans la minute. Putain de merde... putain de putain de merde ! Mais pourquoi est-ce qu'il a fait ça ? Je suis censé faire quoi moi maintenant ? S'il a envoyé un message à mon père ce matin ça veut dire qu'il a eu toute une journée pour aller s'en prendre à Benjamin. Putain mais c'est pas vrai !
Je sors à nouveau mon téléphone en rejoignant le fond du couloir, isolé des micros et des caméras, pour m'empresser d'appeler Emily. Bien entendu, elle ne répond pas. En même temps je ne sais même pas quelle heure il est exactement.
18:57
OK... cool. Il est juste une heure du matin en France. Il est une heure du matin en France et Tom vient tout juste de me prévenir, comme ça impossible d'appeler qui que ce soit. Super putain ! C'est génial !
Et mise à part Emily, je n'ai personne à appeler. Mon père ne répondra jamais à cette heure-là, il est certainement trop occupé à découper le corps de Benjamin. Qui peut être réveillé à une heure du matin ? Putain, réfléchit Elena !
- I'm right here by your side ! I'm not gonna fucking leave you, OK ? I got you.
La voix de Tom me stoppe dans ma réflexion, et c'est comme-ci les mots de son scripte m'étaient destinés. Putain il n'avait pas le droit de faire ça. Je ne peux pas partir maintenant. Je ne veux pas partir maintenant. Je ne veux pas le laisser putain.
Je pose les yeux sur lui à l'autre bout du couloir au moment précis où les caméras arrêtent de tourner. Il passe une main sur son visage comme pour effacer la peine qu'il s'efforce d'éprouver pour ce rôle, et adresse quelques mots à ses patrons, avant de faire demi-tour pour rejoindre à nouveau l'entrée, Ciara allongée sur le brancard à côté de lui. Et moi je reste plantée là, à le regarder recommencer cette scène une nouvelle fois, et plus je le regarde et plus j'ai l'impression que la peine dans son regard est réelle. Qu'elle vient de lui, pas de son personnage. Putain elle est réelle je vous dis, j'en suis certaine. C'est comme-ci il se permettait de craquer devant les caméras, après m'avoir avoué qu'il vient de prendre un choix décisif pour nous deux. Je lui ai dit que je partirais s'il faisait ça, et il m'a dit qu'il devait le faire quand-même, au risque de me perdre. Putain mais pourquoi est-ce qu'il a fait ça ?
Je repose les yeux sur mon téléphone, les mains tremblantes, lorsque le visage de Charlie au milieu de mon écran m'interpelle. Elle vient de poster une photo. Putain elle est réveillée ! Je ne mets qu'une seconde seulement pour l'appeler sur Insta, et à ma grande surprise, lorsqu'elle décroche, je ne la retrouve pas au milieu d'une fête, mais allongée dans son lit. Sa mine fatiguée me fait aussitôt culpabiliser de l'appeler à une heure aussi tardive, et ses cheveux ne sont plus bleus mais rose.
- Hey... salut Mme Holland. Comment ça va aux States ?
Mme Holland ? Putain je ne m'habituerais jamais à ça. Depuis que je me suis envolée ici, on se parle régulièrement, et ça seulement parce qu'elle veut savoir comment va mon mec, mais la fluidité de notre relation me convient comme ça.
- Salut, Cha, je suis désolé de te déranger à cette heure-là, mais t'es mon dernier espoir. Il faut que je parle à mon père, est-ce que par hasard il serait chez vous ?
Elle se redresse sur un coude, surprise mais qu'à moitié.
- T'appelles à cause de ce qui s'est passé ce midi ?
Mon cœur s'emballe brusquement, me coupant le souffle pendant une seconde.
- Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ce midi ?
- T'es pas au courant ?
Elle s'assoit dans son lit, les sourcils froncés avec une réelle surprise cette fois.
- Non, je ne l'ai pas eu au téléphone de la journée.
Son regard tombe derrière le téléphone, avant qu'elle ne repose les yeux sur son écran, et donc sur moi.
- Et bah on s'est fait un restau ce midi avec lui, et il a reçu un message. Il m'a demandé de lui expliquer comment fonctionnait l'appli de traduction que je lui ai installée pour qu'il puisse parler avec ton mec lorsqu'il le verra, il a dit que Tom lui avait envoyé un message et qu'il voulait le traduire. Lorsque je lui ai demandé si je pouvais le lire, il a refusé. Je voulais lui traduire à voix haute mais il a préféré le faire tout seul.
Oh non... non, non, non, putain...
- Il a passé genre au moins deux minutes à lire le message, et il avait l'air super énervé genre comme-ci il ne comprenait pas ce qu'il y avait de marqué dessus même une fois traduit. Avec ma mère on lui a demandé ce qu'il avait et il n'a même pas répondu, il s'est levé et il s'est barré en courant. Mais genre vraiment en courant, je te jure ! Je ne l'ai jamais vu courir de ma vie. Sa chaise est même tombée par terre, c'est pour te dire.
OK, là c'est sûr il lui a dit. J'avale difficilement ma salive, pace que la boule d'angoisse qui bloque ma gorge m'empêche quasiment de respirer.
- Et après ? Est-ce que ta mère a eu des nouvelles ?
Elle secoue la tête et mon cœur s'arrête totalement cette fois.
- Non, apparemment elle a essayé de le joindre toute la journée mais il n'a pas répondu. Il devait dormir ici cette nuit et il n'est toujours pas là. Ma mère ne dort toujours pas je crois bien, elle s'est même inquiétée pour toi. On a pensé qu'il t'était sûrement arrivé quelque chose pour que Tom lui envoie un message qui le fasse courir aussi vite.
Oh putain de merde... je sens l'angoisse me submerger et mes larmes arrivent comme par magie.
- Hey... ça ne va pas ? Est-ce qu'il s'est passé un truc avec Tom ?
Je secoue la tête en effaçant les larmes qui menacent de couler sur mes joues.
- Non, tout va bien. Est-ce que tu peux juste... me dire quand tu auras des nouvelles de mon père s'il te plaît ?
- Ouais, pas de soucis.
- Merci, Charlie.
Je ne lui laisse même pas le temps de me dire au revoir et raccroche aussitôt. Je porte une main à ma bouche pour étouffer mon sanglot, et essai par tous les moyens de reprendre le contrôle de moi-même. Lorsque mes pleurs se sont calmés, mon premier reflex est d'appeler mon père. Comme-ci il allait me répondre. J'ai beau appeler, une fois, deux fois, trois fois, j'ai toujours aucune réponse. C'est trop tard. Je suis sûr que c'est déjà trop tard.
J'essaie de calmer l'angoisse au fond de moi qui voudrait que je m'effondre en pleure devant tout le monde, et allait savoir pourquoi je me retrouve figée devant le pseudo de Benjamin, dans mes conversations Instagram. Pourquoi je n'ai pas effacé notre conversation ? Je l'ai pourtant éradiqué d'Instagram, bloqué de tous les côtés, mais cette conversation est toujours là. Et je me surprends à cliquer dessus. La première chose qui me saute aux yeux c'est qu'il y a marqué en ligne. Est-ce qu'il y a une chance pour que mon père n'est rien fait ? Je ne peux définitivement pas l'appeler pour savoir. Vous imaginez s'il décroche... si je revois son visage. Non, je ne peux pas faire ça.
Une silhouette s'arrête à côté de moi et m'arrache un sursaut. Je lève les yeux vers Harry qui s'assoit à côté de moi avec un sourire compatissant.
- Are you OK ?
Je secoue la tête, incapable de dire quoi que ce soit. J'ai l'impression que si j'ai le malheur d'ouvrir la bouche, la seule chose qui en sortira ce sera un hurlement sans fin. Comme le cri d'une Banshee qui aurait sentit la mort arriver.
Qu'est-ce que je dois faire au juste ? Est-ce que je pars maintenant ? Est-ce que je prends mes affaires et je saute dans le premier avion pour la France ? Et il va se passer quoi après ? Qu'est-ce que je vais faire une fois arrivée là-bas ? Je vais courir à la recherche de mon père, priant tous les Dieux possibles pour qu'il n'est pas tué Benjamin ? Et s'il ne l'a pas fait ? Qu'est-ce qu'il va se passer si Benjamin est encore en vie ? Mon père va forcément vouloir que je porte plainte, que je l'envoie en tôle dans la seconde, et il sera dix fois plus impitoyable que Tom. Il me forcera à le faire, c'est certain. Et si au final il l'a fait ? Si Benjamin est mort, qu'est-ce qu'il va se passer ? Est-ce qu'il va aller en tôle lui aussi ? Est-ce que je vais perdre mon père en plus d'avoir perdu l'homme que j'aime ? Et je ne parle pas de Benjamin mais de Tom. Parce que si je pars il n'y aura pas de retour en arrière. Je ne pourrais pas revenir comme-ci de rien n'était, et faire comme-ci mon ex petit-ami n'était pas mort, tué par mon père qui aura fini en tôle. Je ne pourrais pas parce que de toute évidence je vais lui en vouloir. À Tom, je veux dire. Si mon père fini en tôle ce sera de sa faute putain. J'aurais perdu mon père à cause de lui.
Je fais quoi moi maintenant hein ? Je fais quoi putain ? Est-ce que je vais rester là, le cul assis sur ce putain de siège en attendant désespérément que mon père me rappel ? Attendant de savoir s'il va me forcer à rentrer en France pour porter plainte ou s'il est devenu un meurtrier ?
Putain mais qu'est-ce je dois faire merde ?

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Unexpected [FR/EN]
Fanfiction"- Elena !" C'est mon nom. Mais prononcé avec son accent ça me retourne l'estomac, à chaque fois. J'étais pas prête. Rien dans ma vie ne me prédestinait à rencontrer quelqu'un comme lui. Quelqu'un comme lui ? Il n'a rien d'anormal pourtant, ce n'es...