Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets

Prologue

26 septembre 2017

Ashley, ne pleure pas. Prends ton temps, respire. J'écoutai ma petite voix intérieure et pris une profonde inspiration. Mon nez, ma gorge et mes poumons me brûlaient comme si l'air m'était à nouveau toxique. Mes larmes continuaient de me picoter les yeux. Ashley, recommence, respire. Cette sensation de prendre feu de l'intérieur perdurait, mais mieux valait ça plutôt que de me mettre à pleurer devant tous ces inconnus. Il n'y avait rien de pire que de s'effondrer en public et il était hors de question que cela m'arrive. Ma vie était déjà bien assez pathétique pour que toutes ces paires d'yeux rivées sur moi ne me prennent en pitié.

Je décidai de me focaliser sur mon objectif : nouvel appartement, nouveau travail, en somme, dans moins de vingt-quatre heures, une nouvelle vie. Pour cela, je devais juste faire preuve de courage et traverser l'Atlantique. Demain, je commencerais le nouveau chapitre de ma vie et adieu l'ancienne. Non ! Correction, j'allais plutôt jeter mon livre actuel, mettre les compteurs à zéro..., mais ailleurs. Je changeai tout. En fait, à bien y réfléchir j'étais chanceuse ; beaucoup aimeraient être à ma place ; pouvoir tout recommencer et mettre de côté leur passé. Alors pourquoi était-ce si douloureux ?

Merde ! Comment avais-je pu en arriver là ?

Je respirai profondément. Il était hors de question que je craque maintenant, j'étais bien trop proche du but. Chapitre Un : une fuite réussie. À bientôt trente-quatre ans, me voilà à nouveau seule et, sur ce coup-là, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Tout ce merdier était la résultante de toutes les mauvaises décisions que j'avais prises ces six dernières années et leur nombre était si important que mes dix doigts étaient insuffisants pour toutes les énumérer. C'est pour dire combien j'avais manqué de bon sens.

— Avancez s'il vous plaît, madame, allée numéro six, me précisa l'agent de contrôle.

Vêtu d'un uniforme bleu marine, à l'expression de son visage, il avait l'air encore plus désespéré que moi. Si ça se trouve, lui aussi mentalement, préparait sa fuite à des milliers de kilomètres de chez lui. S'il voulait, je pouvais le conseiller. J'étais devenue une experte dans le domaine. Petit un : tomber amoureuse, petit deux : tout foutre en l'air et petit trois : tout quitter pour ne pas être rattrapée par son propre merdier.

— Avez-vous des produits liquides, ordinateurs, tablettes?

Pour toute réponse, je secouai la tête. J'avais trop peur que ma voix ne soit pas coopérative et qu'aucun son ne sorte.

— Carte d'embarquement, s'il vous plaît.

Je la lui tendis. À cet instant, la musique de la chanteuse Adèle « Someone Like You » se mit à résonner depuis mon sac. Je n'avais pas besoin de regarder mon téléphone portable pour savoir qu'il s'agissait de ma meilleure amie, Claire. Je lui avais attribué cette sonnerie à la suite d'une rupture. Pendant une dizaine de jours, elle avait arpenté notre appartement en pyjama, en chantant à tue-tête cette chanson et en avalant des litres de glace parfum banane chocolat brownie. À la pensée de ce souvenir, une vague de tristesse me submergea et une boule se forma au milieu de mon estomac, comme un gouffre au sein duquel j'étais en chute libre. Je n'étais pas sûre d'y arriver sans elle. La quitter était une véritable déchirure. Plus d'une fois elle avait tenté de me faire changer d'avis et plus d'une fois, en écoutant ses arguments, j'ai failli flancher. Tu ne seras pas seule Ashley, je serai avec toi. Donne-toi encore le temps d'y réfléchir. Nous sommes une famille. S'il te plaît...Combien de fois m'avait-elle répété ces mots ? J'expirai profondément. Mieux valait que j'ignore son appel pour le moment. Entendre sa voix serait trop pénible et puis, elle pourrait me faire revenir sur ma décision. Ma meilleure amie avait tendance à se montrer un tantinet bornée et là était le problème. C'était pour cela qu'elle n'arrivait pas à comprendre qu'aucune autre option ne s'offrait à moi. Changer de continent afin de m'éloigner de lui et de sa femme. Sortir définitivement de sa vie, c'était là ma seule solution pour me relever.