Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets

Chapitre 49 - Ashley

Le vent s'engouffra dans le hall du centre pénitencier. Après ma journée à l'hôpital, je fis une apparition rapide à l'appartement afin de récupérer quelques vêtements et j'en profitai pour aviser Claire que je passerais les prochaines nuits auprès de Jacob. Elle ne me questionna pas. Elle savait. Sans que je le lui dise, elle comprit que la fin était proche. Mon amie m'étreignit et me rappela qu'elle était là pour moi. Durant une fraction de seconde, j'eus envie de m'écrouler dans ses bras. J'étais épuisée. Tellement fatiguée. Je ne saurais dire par quel pouvoir je parvenais encore à mettre un pied devant l'autre et surtout comment étais-je arrivée à destination sans aucun accident. Sur le chemin entre l'appartement et le centre pénitencier, je dus lutter contre le sommeil. À ma décharge, la journée avait été plutôt intense. Je n'avais quasiment pas quitté le bloc opératoire et quant à mon déjeuner, il fut très sommaire. Alors, maintenant, je ne rêvais que d'une seule chose : fermer les yeux jusqu'à demain matin.

Debout dans l'encadrement de la salle de l'infirmerie, je pris quelques minutes pour observer Catherine et Jacob. Depuis mon départ de New-York, Catherine lui rendait régulièrement visite et je l'en remerciais infiniment. Ainsi en mon absence, il ne restait pas seul. Ces deux pipelettes s'étaient bien trouvées. En plus, cerise sur le gâteau, leur sujet de prédilection était ma personne et ce soir ne faisait pas exception. Catherine et Jacob étaient si concentrés à parler de ma vie sentimentale qu'ils ne remarquèrent même pas ma présence. En temps normal, cette intrusion dans ma vie privée m'aurait irritée, mais en les regardant, je fus rattrapée par la réalité qui allait être la mienne. Bientôt, il n'y aurait plus d'indiscrétions de la part de Jacob. Tout cela prendrait fin une fois qu'il ne serait plus.

Décidément, le destin aimait se jouer de moi. Depuis mon plus jeune âge, sans mon consentement, il m'entraînait dans une partie d'échecs où pour le moment, il avait plusieurs coups d'avance. Il déplaçait les pions sur l'échiquier sans se soucier des blessures qu'il m'occasionnait. Pendant des années, je m'étais évertuée à chasser Jacob de mon cœur et de mon existence. Pour être certaine d'y parvenir, je m'étais mise à le haïr de toutes mes forces en lui imputant le décès de ma mère, les sévices subis chez la famille EDWOODS et mon errance dans les rues avant de rencontrer Catherine. Tant d'efforts durant toutes ces années... Et puis coup de théâtre, j'avais dû réapprendre à l'aimer, lui redonner sa place de père. Et c'était précisément là que le destin se moquait de moi, s'amusant à me torturer sans vergogne. Maintenant que j'y étais parvenue, Jacob allait bientôt m'être arraché, laissant un vide encore plus profond en moi. Je fermai les yeux et expirai. Me répéter en boucle qu'au moins j'avais pu être à ses côtés pour partager ses dernières semaines, sans retenue, sans faux semblant, ne me consolait guère. Je lui avais donné tout ce que j'étais en mesure de lui offrir à l'exception de deux petites choses. À cette pensée, je sentais l'étau des regrets se resserrer au creux de ma gorge. Il fallait que je trouve le courage de le lui dire. Il méritait de l'entendre. Lui et moi le méritions. Je m'approchai d'eux en feignant le visage du bonheur.

— Bonsoir mes deux commères.

— Oh, ma chérie, m'accueillit Catherine avec ce sourire que j'affectionnais tant. Es-tu ici depuis longtemps ?

— Assez pour savoir que vous parlez une fois de plus de ma vie sentimentale, lui répondis-je en l'embrassant sur la joue.

Elle me rendit mon baiser puis je fis de même sur le front de Jacob.

— Vous n'en avez donc pas assez d'avoir toujours le même sujet de conversation ?

— Jacob ne faisait que me questionner sur l'homme qui se cachait derrière ce bracelet.

— Vous êtes terribles tous les deux, ronchonnai-je en levant les yeux au ciel. Rappelez-moi de ne plus vous laisser seuls.

— Hazel, satisfais donc la curiosité d'un vieil homme.