Chapitre 28 - Ashley

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08 septembre 2011 


Mon visage totalement enfoui dans l'oreiller faisait corps avec lui. Le doux parfum d'un Chaï Tea Latte vint me chatouiller les narines et mon cerveau commença à percevoir la voix de Claire.

— Allez debout, Belle au bois dormant.

— Hum, dis-je dans un grognement proche de celui d'une bête sauvage. Va-t'en!

— Waouh, pas si Belle que ça, vu le filet de bave qui s'échappe de ta bouche.

— Va-t'en, je t'ai dit.

— Impossible, Pic à glace, sinon tu vas finir par être en retard à l'hôpital.

— Mince, tu es sûre de toi?

— Oh que oui. Tu as repoussé trois fois ton réveil et il te reste un peu moins d'une heure pour te préparer.

Au mépris de la fatigue, mes yeux s'ouvrirent et se focalisèrent directement sur le gobelet en carton Starbucks d'où s'échappait l'odeur d'un petit goût de paradis. Claire était une bénédiction et sur le moment, rien ne pourrait me faire regretter de l'avoir choisie comme meilleure amie. Le dos calé contre le dossier de mon lit, je dégustais ma boisson chaude.

— Tu es la meilleure, Claire, affirmai-je entre deux bâillements.

— Je sais, dit-elle avec un sourire mi-figue mi-raisin. Promets-moi de rester dans cet état d'esprit!

Je lui adressai mon regard bon sang, qu'as-tu fait encore ? Et me dis que finalement, elle n'était peut-être pas une bénédiction.

— Sais-tu quel jour nous sommes? demanda-t-elle d'un petit air innocent.

— Oui, pourquoi?

À ses yeux écarquillés, elle attendait que je lui confirme la date du jour. Pendant un instant, mon cerveau se mit en marche rapide pour être certaine que je n'avais pas oublié son anniversaire. Mais non, Claire était née un vingt-cinq décembre donc, même déconnectée de la surface de la Terre, je ne pouvais oublier cette date.

— Nous sommes le huit septembre.

— Exact, Pic à glace, dit-elle avec un large sourire. Donc demain, nous serons le...?

Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines. Je voyais enfin où elle voulait en venir. Demain, Jack inaugurerait l'ouverture de son deuxième restaurant et, avec tous les chamboulements intervenus ces trois dernières semaines dans ma vie, j'avais pris la décision de ne pas m'y rendre. Connaissant mon amie, il était inutile de tourner autour du pot.

— Demain, c'est le jour de l'inauguration du restaurant de Jack.

— C'est exact, confirma-t-elle le visage ravi. C'est donc un moment important pour ton nouvel ami.

— C'est vrai. C'est pour cela qu'en tant que nouvelle amie, j'ai prévu de lui envoyer un message demain matin pour lui dire que j'ai un imprévu qui m'empêche d'être présente.

— Aïe, désolée, Pic à glace, mais tu ne peux pas faire ça.

— Si je peux et dans mon message je vais également lui proposer de lui rembourser le coût du billet d'avion ainsi que celui de l'hôtel.

— Je viens de te dire que tu ne pouvais pas faire ça.

Qu'avait-elle encore mijoté, dans quel traquenard m'avait-elle embarquée ?

— Avant de te fâcher et de commencer ton couplet habituel Claire arrête de te mêler de ma vie, écoute-moi jusqu'au bout s'il te plaît.

D'un signe de la tête, je l'invitai à poursuivre.

— Comme je sais que ces derniers temps, ton esprit est accaparé entre Jacob et l'hôpital, je me suis permise d'envoyer un message à Jack depuis mon portable en me faisant passer pour toi.

— Pour quoi faire?

— Lui confirmer ta venue pour l'ouverture de son restaurant.

— Pardon? demandai-je incrédule. Dis-moi que tu me fais marcher, Claire.

— Tu devais m'écouter jusqu'au bout sans t'énerver.

— Sûrement pas! Là tu viens sérieusement de dépasser les bornes, tu n'avais pas le droit de te mêler de mes affaires.

— Pas le droit de me mêler de tes affaires !

En prononçant ces mots, Claire avait bondi du lit et se tenait devant moi, droite comme un piquet.

— Exactement, confirmai-je.

— Écoute-moi, quand je vois ma meilleure amie depuis plusieurs semaines, sombrer de fatigue, alors oui, je me permets de me mêler de sa vie.

— Claire!

— Ne m'interromps pas, je n'ai pas terminé. Tu ne te confies ni à moi, ni à Catherine. Tu intériorises tout. Je vois bien que tu es malheureuse et que tout cela te ronge de l'intérieur. Il te faudra du temps pour digérer ce que tu as découvert sur Jacob et pour y arriver tu as besoin de changer d'air. Donc tu te rendras à New-York, tu profiteras de ces trois jours pour faire le vide et te recentrer sur toi. Et crois-moi, Ashley, s'il faut que je te fasse monter à coup de pied au cul dans ce fichu avion, je le ferai. Je suis sérieuse.

L'image de Claire me donnant des coups de pied au cul jusqu'à bord de l'avion, sous le regard ahuri des passagers et des membres d'équipage, me fit sourire intérieurement. Avec son manque d'endurance, elle finirait en hypoxie après cinq levers de jambe et je serais dans l'obligation de la réanimer. Au vu de son énervement, je gardais pour moi l'image de son corps allongé sur le sol de l'avion avec moi au-dessus, lui faisant du bouche-à-bouche.

— Je ne voulais pas t'inquiéter, mais c'est vrai que ces derniers temps c'est très compliqué, cela ne te donne cependant pas la permission de t'immiscer dans ma vie!

— Tu as tort ! Toi et moi nous sommes plus que des amies, nous sommes des sœurs et donc cela m'octroie des droits.

— Ah bon et lesquels s'il te plaît? dis-je en serrant les dents pour ne pas me mettre à crier.

— Eh bien, j'ai le droit d'interférer dans ta vie tant que cela est pour ton bien. Et vois-tu, dans cet état d'esprit, je me suis permise...

— Quoi encore, qu'as-tu fait d'autre?

— Rien de grave, arrête de m'agresser, exigea-t-elle sur un ton faussement défensif. Je me suis juste permise de t'acheter une tenue pour la soirée de demain soir et ta valise est déjà prête, elle t'attend sagement dans ma chambre.

Au regard triomphal que me lança Claire, je savais qu'elle était ravie de son méfait.

— Je vois que tu as tout manigancé, dis-je.

— Déteste-moi autant que tu veux, tant que ce petit séjour te permet de te reposer, pour moi c'est tout ce qui compte. Ensuite, à toi de voir si tu veux en plus confier ou non tes chakras à Jack.

— Dois-je te rappeler que lui et moi sommes amis? ajoutai-je sur la défensive.

— Pic à glace, dans le code de l'amitié garçon-fille, on ne glisse pas sa main dans le bermuda de son ami.

— C'est très bas, même venant de toi. Tu sais très bien que ceci est à mettre sur le compte d'une folie passagère. Donc cela ne se reproduira plus.

— Comme tu veux, dit-elle avec un air empli de malice. Mais tu connais le dicton ? Ce qui se passe à New-York reste à New-York.

Je ne pus m'empêcher de pousser un cri guttural dans mon oreiller. Et quand je quittais l'appartement pour me rendre à l'hôpital pour la première fois depuis trois semaines, je ne me sentis pas oppressée et pris du plaisir au vu de la journée qui m'attendait. Finalement, peut-être que Claire avait eu raison de me bousculer, ce séjour arrivait à point nommé.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant