Chapitre 35 - Jack

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Dans mon dressing contigu à ma chambre à coucher, j'enfilai un jean délavé avec un t-shirt noir col V. Habillé ainsi, j'étais au diapason avec le style vestimentaire d'Ashley. Mais à la différence, elle avec son look décontracté jean basket, ressemblait davantage à une étudiante de première année, alors que moi, je faisais mon âge : un homme dans la trentaine. Après avoir quitté le Pearl, Ashley et moi nous étions rendus à mon appartement. Cela m'avait valu des protestations durant tout le trajet en taxi, cependant je mis en avant le besoin impérieux de prendre une douche et d'enfiler des vêtements propres. Une heure plus tard, j'étais fin prêt pour aller déjeuner. Je longeais le couloir de mon appartement qui conduisait sur la grande pièce de vie, tout en me répétant à maintes reprises que j'avais pris la bonne décision de passer la journée en compagnie d'Ashley. Ce besoin avait émergé comme une urgence viscérale en la voyant si décontenancée dans la salle de bain. Non pas qu'à mon réveil je m'attendais à trouver Ashley rayonnante et câline, mais après ce qu'elle et moi avions partagé la nuit dernière, je pensais la trouver disons... plus commode. Heureusement que mon ego ne s'arrêtait pas à ses sautes d'humeur. Coucher avec une femme et s'entendre dire au réveil qu'on aurait dû remballer son service trois pièces pour rentrer chez soi, en aurait émasculé plus d'un. Cependant, avec Ashley plus rien ne me surprenait. En ma présence, elle était embarquée dans le train avant d'une attraction de montagnes russes où ses émotions évoluaient d'un état à un autre à une vitesse qu'elle-même ne contrôlait pas. Hier soir, les heures passées ensemble avaient été des plus déconcertantes. Elle m'avait entraîné dans la tourmente de ses sentiments. Jamais dans aucune de mes relations, qu'elles fussent d'une nuit ou de plusieurs, je n'avais ressenti un tel conflit chez une femme. Tantôt douce, dominatrice, suppliante, elle m'avait totalement englouti dans sa débâcle intérieure. Son corps s'était abandonné, elle me l'avait confié avec une fragilité bouleversante tandis que son être luttait contre elle-même, se retranchant derrière ses barrières. Ça ne signifie rien. Le besoin impérieux avec lequel elle m'avait demandé de le lui promettre m'avait ébranlé, m'entraînant sur le chemin de sa peur. Et comment avais-je réagi ? En me raccrochant éperdument à son corps avec une soif quasi primitive de la posséder, de la marquer au fer rouge pour que je représente tout pour elle. Alors je l'avais soumise à mon plaisir. Prenant le temps de goûter sa peau, son intimité humide baignée par le désir, ses lèvres à la texture si enivrante. De mes doigts, je l'avais fait jouir selon mon bon vouloir, jouant avec ses nerfs, l'amenant au bord du précipice pour l'entendre me supplier de la faire basculer. La dominer ainsi m'avait entraîné dans une extase absolue, une ivresse qui jusqu'alors m'était inconnue. Me noyer dans ses bras, me fondre dans son corps, je l'avais imaginé tellement de fois. Et pourtant ! Avec ces quatre mots « Ça ne signifie rien », Ashley m'avait fait prendre conscience que je désirais qu'elle m'offre bien plus : son souffle, ses pensées qu'elles soient joyeuses ou sombres, ses éclats de rire, ses larmes... Je voulais tout d'elle, quitte à me rendre en enfer le sourire aux lèvres si en contrepartie elle me livrait le chemin de son cœur. Pour faire simple, j'étais dans de sales draps. Quoi de pire que d'être inéluctablement épris d'une femme qui émotionnellement vous rejetait?

En tout cas, une chose était sûre, à mon réveil je n'étais pas prêt à la quitter, sales draps ou pas. Pour preuve, mon nouvel établissement était ouvert depuis moins de vingt heures que je le désertais déjà, juste pour rester en sa présence. Pendant que Ashley se préparait, j'avais informé mon second qu'il assurerait le service du midi, prétextant un engagement de dernière de minute. Ce qui, dans les faits, n'était pas loin de la vérité. Et maintenant, je m'apprêtai à l'emmener déjeuner, espérant comme un adolescent allant à son bal de promo que rien ne viendrait gâcher ce moment.

Aussi raide qu'une stalagmite, je la retrouvai à l'endroit où je l'avais laissée le temps de me rafraîchir. Son corps n'arrivait pas à cacher le malaise qu'elle éprouvait à se retrouver chez moi. Elle était sur ses gardes comme un animal sur le point de bondir au moindre signe d'alerte. Visiblement, notre moment d'intimité la perturbait toujours. Son regard lointain donnait l'impression qu'une multitude de données se bousculaient dans sa tête et qu'elle en analysait chaque paramètre. À juste titre, toute mon inquiétude était focalisée sur ce qui se tramait dans l'esprit d'Ashley. Il fallait que je l'amène à se confier. Pour cela, fallait-il que nous retrouvions la même complicité que nous avions eue dans son appartement. Et pour le moment, c'était loin d'être gagné étant donné que ma seule présence mettait ses nerfs à vif. Un après-midi sans contrainte et sans pression, voilà ce dont elle et moi avions besoin.

— Je suis tout à toi, dis-je sur un ton qui se voulait être léger.

Son corps resta fermement ancré au sol et seule sa tête pivota en ma direction. De façon quasiment imperceptible, ses yeux me détaillèrent et de peur qu'elle ne change d'avis, je pris les devants.

— Je t'emmène déjeuner dans le meilleur restaurant chinois de tout New-York, sauf si avant d'y aller tu souhaites visiter mon appartement ?

Allez comprendre ce qui venait de me passer par la tête. Lui proposer de visiter mon appartement! Franchement, je n'avais pas besoin d'être un brillant savant du cerveau humain pour savoir que ce n'était pas la meilleure option pour la détendre. Et sa mine déconcertée me le confirmait, mais par chance, sa réponse ne se fit pas attendre.

— Mon ventre crie famine donc si ça ne te dérange pas j'opte pour le restaurant.

— Très bien, alors prépare-toi à voyager en Asie, annonçai-je.

Pour profiter pleinement de l'effervescence de la ville, je proposai à Ashley de rejoindre le restaurant à pied. Contre toute attente, elle accueillit ma suggestion avec enthousiasme. Selon moi, tout comme pour Paris, il y avait deux manières de découvrir New-York, à pied ou par les airs. L'établissement se trouvant à quelques pâtés de maisons de mon immeuble, je profitai de notre balade pour l'entraîner dans l'un de mes lieux préférés : le Bryant Park. Entouré de gratte-ciels plus hauts les uns que les autres, cet espace de verdure me ramenait à Paris dans les jardins du Luxembourg, avec ses tables et chaises en métal de couleur vert foncé. Quant à son carrousel de style classique français, il faisait le bonheur des enfants avec ses animaux aux teintes vives, tournoyant au son de la musique de cabaret. Au regard subjugué d'Ashley face à la beauté du lieu, je ne pouvais cacher mon ravissement.

— Tu aimes?

— Comment ne pas aimer, c'est tout bonnement magnifique.

— Après manger, si tu es sage, je pourrai te ramener pour faire un tour de manège.

Ma proposition fit s'illuminer d'un large sourire son visage. Le premier de la journée. Puis, un air malicieux prit naissance dans ses yeux vert émeraude.

— Désolée, mais c'est maintenant que je le veux mon tour de manège.

Sans attendre de réponse de ma part, elle nous embarqua sous l'œil médusé des passants. Moi, sur un lapin à la fourrure brune avec son joli collier de vert et rose, tandis qu'elle s'installa sur un cheval aux couleurs plus masculines. À ma tête déconfite à la suite du choix de ma monture, Ashley gloussa à mes dépens pendant une grande partie du tour. Cette part d'elle qu'elle me faisait partager était un pur enchantement et me convaincre de ne pas succomber à cette femme était peine perdue. Je lui appartenais déjà.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant