Dire que je venais de foirer était un doux euphémisme. Rien ne pouvait excuser la conduite que je venais d'avoir. Mon comportement relevait plus de celui d'un homme des cavernes. Elle m'avait demandé d'arrêter, mais j'étais dans l'incapacité de repousser ce besoin de la toucher. Alors j'avais poussé son corps dans ses retranchements, l'obligeant à céder à mon envie de lui procurer du plaisir. Et pourtant je savais que c'était le plus sûr moyen pour l'amener à me fuir. Tout s'était bousculé dans ma tête à la suite de sa réaction à l'encontre de Jo. Cette pointe de soulagement que j'avais perçue dans son regard lorsque je lui avais confié qu'elle n'avait pas compté. Rien n'était plus proche que cette simple vérité.
Jo, de son vrai prénom Joséphine était une femme exceptionnelle, mais malgré mes efforts pour faire basculer mon sentiment d'amitié en quelque chose de plus profond, rien ne s'était produit, au grand dam de ma mère. Deux ans auparavant, elle et moi avions entamé une brève relation, cependant aucune étincelle n'était venue éblouir notre couple. Amis depuis notre plus jeune âge, Jo avait toujours fait partie de ma vie. Depuis plus de soixante-dix ans, nos familles se connaissaient et un mariage unissant nos deux noms aurait fait le bonheur de tous, sauf du mien. Contrebandier durant la prohibition, mon arrière-grand-père maternel assurait la livraison d'alcools dans tous les bars clandestins de New-York, dont l'établissement de l'arrière-grand-père de Jo. À la fin de la prohibition en mille neuf cent trente-trois, le bar poursuivit son activité, mais cette fois-ci en achetant légalement ses spiritueux auprès de ma famille. Celle-ci voulant continuer à prospérer dans l'univers du spiritueux avait légalisé sa société de revente d'alcools. Au décès de son père, mon grand-père reprit les rennes et aujourd'hui, la petite société familiale dirigée par mon oncle, ma mère étant une artiste dans l'âme, pesait plusieurs millions de dollars. Étant nullement intéressé par le métier, comme tous les petits enfants, les parts dans la société offertes par mon grand-père m'octroyaient une rente annuelle très conséquente.
Contrairement à moi, Jo s'était impliquée dans l'entreprise de sa famille. Âgée d'une trentaine d'années, elle avait hérité il y a un peu plus de cinq ans de l'établissement, cassant ainsi la tradition familiale de transmettre le salon de coiffure ainsi que le bar de père en fils. Fille unique, son père lui avait montré toutes les ficelles pour gérer les affaires. En quelques mois, elle en avait fait un lieu incontournable des soirées new-yorkaises. Jo et Ashley avaient un grand nombre de points communs. Toutes deux étaient des femmes exceptionnelles, excellant dans leur travail, gérant leur métier d'une main de maître. Belles, généreuses chacune à sa façon, elles avaient tout pour elles. Pourtant seule Ashley me procurait des papillons dans le ventre et ma conduite dans le salon privé avait peut-être mis en péril notre avenir. Et pourtant, rigide comme un morceau de granite, elle se tenait assise à mes côtés, m'accompagnant à mon appartement.
Avant de quitter l'établissement de Jo, d'un simple texto, j'avais demandé au chauffeur de stationner le véhicule sur le trottoir en face du bar. Sans prononcer un mot, ou même un regard en ma direction, Ashley s'était engouffrée sur la banquette arrière et ne m'avait pas contredit lorsque j'avais demandé de nous conduire à mon appartement. Ma main se tendit à la recherche de la sienne pour renouer le contact avec elle car j'avais ce sentiment qu'un fossé se creusait entre nous et je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même.
— Ashley, peut-on parler de ce qui vient de se passer?
D'un geste sec, elle dégagea sa main puis, les traits pincés, sans doute pour maîtriser sa fureur, elle m'adressa la parole pour la première fois depuis qu'elle s'était écroulée sur mon torse, tremblante après l'orgasme.
— Non pas là. Pour la soirée, j'ai eu ma dose de démonstrations en public. Donc si tu le permets, toi et moi on s'expliquera une fois seuls. À moins que ton trip à toi se soit de faire jouir des femmes sous le regard des autres.
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Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets
RomanceIl y a des rencontres qui bouleversent une vie. Qui vous font entrevoir un avenir terrifiant mettant à nu toutes vos fêlures. Et à 27 ans, mes blessures d'hier me tourmentaient toujours mais j'avais appris à les enfouir très profondément derrière le...