Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets

Chapitre 60 - Jack

Les vêtements d'Ashley étaient sagement rangés dans mon dressing. À chaque fois que j'y entrais, je retrouvais le parfum enivrant de sa peau. Et ce soir plus que les autres, son absence me pesait. Il fallait que je me vide la tête et pour ça, rien de mieux qu'une séance intensive de sport. J'enfilai un survêtement avec en-dessous un slip de bain. Nager me ferait un bien énorme. Le grand jour approchait et, pour le moment, la stratégie que j'avais mise en place ne semblait guère porter ses fruits. La connaissant, je me doutais bien qu'elle n'était pas le genre de femme à envoyer des messages enflammés ou langoureux au cours de la journée, mais recevoir un petit texto du style « Salut comment ça va ? Bien dormi ? » m'aurait empêché de cogiter à longueur de journée. Me retrouver dans la peau de celui qui espionnait en permanence son téléphone pour vérifier s'il avait reçu ou non un appel voire un message, était tout nouveau pour moi. Je me retrouvais comme les héroïnes des romans féminins que ma sœur affectionnait tant où la protagoniste se rongeait les sangs, se demandant si les pensées de son amant lui étaient consacrées. Si dans son sommeil, son visage venait s'interposer dans ses rêves. Ou mieux encore, s'il se touchait en imaginant affliger mille et une caresses à son corps nu. Avec une femme comme Ashley, les codes habituels de la séduction ne s'appliquaient pas. En y regardant de plus près, cela allait bientôt faire un an que nos chemins s'étaient croisés et, en faisant le bilan de toutes mes relations, jamais au grand jamais je n'avais peiné à ce point avec une femme. Mais il y avait tout de même du progrès, aussi mince soit-il. À son arrivée à Toronto, elle m'avait fait parvenir un message « Merci pour tout. Je suis bien arrivée. Ashley ». Le premier en onze mois. En toute franchise, en recevant ce simple texto, ma déception l'avait emporté. Après ce que nous avions partagé durant ces quelques jours, je m'attendais à des mots un peu plus personnels et pas à un message aussi désinvolte. Mais tout de même, la progression était à noter. Cependant, depuis, je n'avais plus aucune nouvelle, du moins rien de très probant. Ses réponses à mes messages étaient si sporadiques que j'avais arrêté de lui écrire. Tout cela m'amenait à douter de la prochaine étape de mon plan. Allais-je le regretter ? Sans aucun doute. Avais-je tort ? Sûrement pas. À son insu, je l'avais embarquée dans une partie d'échec où je n'étais pas son adversaire, mais plutôt la main secrète lui permettant d'avancer nos pions, un à un, pour construire notre avenir commun. D'une certaine manière, je guidais la providence.

Connaissant Ashley et son aversion pour les surprises, je devais cheminer avec une extrême prudence. Mon entreprise était risquée mais selon moi, elle en valait le coup. Et puis, c'était l'idée de la dernière chance pour qu'enfin Ashley accepte l'évidence. Du moins qu'elle arrête de la rejeter. Elle et moi étions les deux pièces d'un même puzzle.

La veille de son départ, je l'avais convaincue qu'ensemble nous pourrions débuter une tout autre forme de relation. Non sans de longs pourparlers, elle avait accepté ma proposition et en quittant New-York, ses vêtements étaient restés rangés sur l'une de mes étagères. Le jour de son départ, excepté que New-York baignait sous les rayons du soleil, elle était partie comme elle était arrivée : sans valise. Mais le fait qu'elle refuse que je l'accompagne à l'aéroport aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Accepter ma proposition ne signifiait pas qu'Ashley avait exorcisé ses vieux démons.

En repensant à notre dernière nuit ensemble, machinalement j'augmentai la cadence de ma nage.

— N'aie pas l'air si dépité, Jack, avait-elle dit depuis l'embrasure de la porte de la chambre.

De tout mon poids, je m'étais laissé tomber sur le lit en croisant mes mains derrière ma tête.

— Tu me gâches mon plaisir, alors ma tête de dépité je la garde.

— Sérieusement ! Tu as conscience que je suis une adulte et que par conséquent, je suis capable de prendre un taxi et de monter comme une grande dans l'avion ?