Vraisemblablement le sort s'acharnait sur moi. À peine j'eus franchi le pas de la porte du bureau de Catherine pour me rendre dans l'espace de collecte de vêtements, que je croisai le chemin de Monsieur abruti-pervers de mes deux. À cause de lui, j'avais été sur les nerfs toute la journée. Et là, face à moi, alors qu'il avait l'occasion de s'excuser, il se moqua de ma tenue vestimentaire. Pour rappel, si j'étais en tenue de bûcheronne c'était uniquement sa faute, vu qu'il avait foutu en l'air mon pull. Mais alors que je m'éloignai de lui pour mettre une distance supportable entre nous, je fus arrêtée dans mon élan par une main ferme m'emprisonnant le coude.
— Accorde-moi deux minutes, Ashley.
Il savait comment je m'appelais. Je me demandai intérieurement qui l'avait renseigné et surtout pourquoi avait-il cherché à savoir comment je me prénommais. J'avais pourtant été claire concernant l'animosité qu'il m'inspirait.
— Je ne crois pas, dis-je en reprenant possession de mon coude.
— Je veux juste qu'on recommence depuis le début.
Sérieusement, c'est quoi son problème !? S'il pensait que mon petit moment d'égarement lorsque je m'étais focalisée sur ses lèvres signifiait que je désirais un quelconque rapprochement, il se mettait le doigt dans l'œil.
— Dis-moi, es-tu atteint...
— Ashley WOODS! entendis-je depuis le bureau de Catherine.
Interrompue par le ton impérieux de Catherine, je gardai pour moi la suite de ma tirade de mise au point. D'autant plus que lorsqu'elle complétait mon prénom par mon nom de famille, c'était toujours mauvais signe. Apparemment, Monsieur abruti-pervers de mes deux était décidé à me pourrir la journée jusqu'au bout et le sourire satisfait qu'il arborait me le confirmait.
— Après toi, Ashley, me dit-il avec une légère révérence.
Je lui lançai mon sourire va te faire foutre.
Assise à son bureau, Catherine consultait le registre du nombre de repas servis cette semaine, c'était son rituel. Chaque dimanche, elle le vérifiait. Souvent, pour les personnes se présentant au Centre Saint-Jean, ce déjeuner était l'unique repas de la journée. Et malheureusement, après des années, elle constatait impuissante, l'augmentation du nombre de repas servis. De plus en plus d'adolescents chassés de chez eux pour leurs choix sexuels ou fuyant les brimades, les coups ou encore les sévices de leur entourage, passaient les portes du Centre. Pour atténuer son désœuvrement face à cette situation, elle aimait penser que chaque personne passant le pas de la porte était touchée par la grâce de Dieu et que, par son écoute et sa bienveillance, elle offrait en plus d'un repas chaud une nourriture spirituelle. Et dire qu'elle m'avait offert tellement plus.
Elle détacha enfin ses yeux du registre pour les poser sur Monsieur abruti-pervers de mes deux et moi.
— Alors mes enfants, j'ai cru entendre que vous faisiez connaissance dans le couloir? nous demanda-t-elle avec un sourire chaleureux.
Monsieur abruti-pervers de mes deux me prit de court.
— Pour ne rien vous cacher, j'ai essayé de faire connaissance avec Ashley, mais en vain. Sans que je n'en sache la raison ma simple présence l'agace.
J'hallucinai! Mais quel fayot, il fallait que je le fasse taire.
— Ashley, peux-tu m'expliquer tes manières ? Être impolie ainsi avec Jack, alors qu'il est venu bénévolement depuis New-York pour offrir et préparer le dîner d'aujourd'hui!
Jack...alors c'est ainsi qu'il se prénommait. Contrairement à lui, je ne m'étais pas renseignée sur son identité. Toute sa mâchoire s'étira en un large sourire. Il ne prenait même pas la peine de cacher sa satisfaction de voir Catherine me sermonner.
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Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets
RomanceIl y a des rencontres qui bouleversent une vie. Qui vous font entrevoir un avenir terrifiant mettant à nu toutes vos fêlures. Et à 27 ans, mes blessures d'hier me tourmentaient toujours mais j'avais appris à les enfouir très profondément derrière le...