Chapitre 27 - Ashley

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Je tenais ma tête entre mes mains. Mes doigts plongés dans mes cheveux procédaient à de légères pressions sur mon cuir chevelu pour essayer de contenir la migraine qui s'insinuait sournoisement dans ma tête. Assise sur mon lit, j'essayais toujours de digérer la journée d'aujourd'hui avec son lot de révélations.

Arrivée chez Catherine en quête d'explications, rien ne s'était déroulé comme prévu. Lors de notre discussion, il n'y avait eu ni cris, ni reproches, mais uniquement un sentiment de profonde lassitude. Et là, les yeux fermés, après avoir pris connaissance des lettres de Jacob, une question germait dans mon esprit. Si j'avais su tout cela avant, serais-je toujours la même personne aujourd'hui?

En sortant du centre pénitencier, j'avais envoyé un message à Catherine pour lui dire que l'oncologue de Jacob m'avait remis sa petite boîte de souvenirs et que je souhaitais la voir tout de suite. Je voulais des explications et j'étais décidée à ce qu'elle m'en donne. Durant tout le trajet, je m'étais préparée à lui faire face et à déverser sur elle toute ma rancune. M'avoir caché qu'elle correspondait avec Jacob depuis toutes ces années me blessait et à chaque fois que je me remémorais ses lettres, ma poitrine se serrait à en devenir douloureuse. Elle était la personne en qui j'avais le plus confiance, elle me connaissait mieux que quiconque. Elle avait été témoin durant plusieurs années de mes frayeurs qui, la nuit, venaient me hanter jusque dans mes rêves. Elle savait ce par quoi j'étais passée avant de la rencontrer. Alors comment avait-elle pu agir ainsi derrière mon dos avec l'homme qui était la cause de tout mon mal être ?

La Toyota Prius noir métallisé de Catherine était stationnée devant l'entrée du garage, juxtaposant la maison. Durant l'été, elle avait pour habitude de laisser sa voiture à l'extérieur. Plus jeune je lui avais demandé pourquoi n'utilisait-elle jamais le garage en cette période? Avec son large sourire, puis passant sa main dans mes cheveux pour les ébouriffer, elle m'avait tout simplement répondu que même Chloé, Catherine et moi avions ainsi baptisé notre voiture de l'époque – avait besoin de profiter des rayons du soleil durant les beaux jours. Debout dans l'allée conduisant à la porte d'entrée, je n'avais pu refréner un sourire amer en regardant la maison de Catherine, la première maison où je m'étais sentie en sécurité et où enfin j'avais trouvé un foyer, mon foyer.

Avant de quitter son ancienne vie pour se consacrer à Dieu, Catherine avait liquidé toutes ses parts en bourse et, avec l'argent gagné, elle avait payé au comptant le crédit immobilier de sa maison et avait placé le reste dans une assurance décès. Depuis, elle ne vivait qu'avec le modeste revenu que la paroisse lui versait pour la gestion du centre Saint-Jean. De taille correcte, la maison comportait à l'étage trois chambres avec deux salles de bain et au rez-de-chaussée, une grande cuisine ouverte sur le salon et la salle à manger. Grâce à ses talents de botaniste, Catherine avait fait du jardin un véritable petit Eden, en réussissant à créer l'accord parfait entre un mélange d'arbustes et de plantes herbacées vivaces, afin qu'en toutes saisons le jardin paraisse accueillant, ce qui relevait d'un véritable miracle en hiver.

Le trajet entre le centre pénitencier et la maison ne m'avait pas permis de m'apaiser et en remontant l'allée bordée de rosiers aux couleurs jaunes, blanches et roses, je bouillais. Le sentiment d'avoir été trahie était toujours présent et je comptais dire ma façon de penser à Catherine. Seulement, en passant le pas de la porte, toutes mes émotions avaient volé en éclats pour ne laisser place qu'à de la culpabilité. La femme la plus importante de ma vie, celle que je considérais comme ma mère, était assise sur l'un des tabourets hauts entourant l'îlot de la cuisine. À sa droite étaient déposées plusieurs piles d'enveloppes. Sans doute celles envoyées par Jacob, m'étais-je dit alors. À son dos voûté, elle m'avait semblé porter le poids du monde sur ses épaules et quand ses yeux s'étaient ancrés aux miens, mon cœur s'était figé. J'aurais même juré qu'il avait raté trois ou quatre battements. Ses yeux rougis me renvoyaient une profonde tristesse. Mais ce qui me peinait sincèrement était l'expression de peur que je lisais également dans son regard. Elle était anxieuse et, la connaissant, elle ne s'inquiétait pas pour elle ou même de ma réaction envers elle. Non, toutes ses craintes étaient tournées vers et pour moi. Comment avais-je pu avoir une once de colère envers cette femme ? Je m'étais alors avancée et l'avait prise dans mes bras, tout en déposant un baiser sur ses cheveux grisonnants.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant