Chapitre 54 - Jack

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New-York était en ébullition. Le son aigu de la sirène d'une ambulance bloquée dans la circulation dense était tout juste perceptible, noyé dans le bruit des moteurs, des pots d'échappement et le tumulte des passants circulant sur les trottoirs, traversant d'un pas rapide les rues sans se préoccuper des voitures. Au croisement, deux taxis étaient à l'arrêt. Les deux conducteurs se disputaient en effectuant de grands gestes menaçants.

La tension palpable qui se dégageait de leurs corps montrait que chacun d'eux était prêt à en découdre de ses poings pour venir à bout de cette querelle. Le sujet de leur mécontentement ralentissait fortement le flux de voitures déjà difficile en temps normal, mais les deux protagonistes ne semblaient pas se soucier des klaxons incessants, dévoilant l'agacement des autres conducteurs prisonniers de l'embouteillage qu'ils généraient.

Mais après tout, cela n'était que la description d'une journée ordinaire à New-York. Et pourtant aujourd'hui, tout me paraissait plus féerique et ce n'était pas uniquement dû à la magie de Noël qui envahissait les rues new-yorkaises. À cette période de l'année, la ville se parait de ses plus beaux atours. Les fêtes approchant à grands pas, une ambiance indescriptible régnait. Chaque coin de rues permettait d'apprécier les décorations aussi spectaculaires les unes avec les autres. Quant aux boutiques, leurs vitrines partageaient avec les passants et leurs clients leur propre histoire de noël, donnant ainsi leur vision de la magie des fêtes de fin d'année. Aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours été émerveillé par cette atmosphère envoûtante. Mais sur l'instant, elle était magnifiée par sa seule présence à mes côtés.

Depuis notre petite joute verbale dans la salle bain, à la suite de laquelle il m'avait fallu plusieurs minutes pour retrouver un semblant de lucidité, Ashley ne m'adressait plus la parole. Pour ma chance, son air renfrogné en quittant l'appartement laissa place au fur et à mesure de notre promenade à une douce insouciance. La frénésie féerique si particulière du mois de décembre avait une fois de plus opéré. Emmitouflée dans un pull large en laine blanc avec par-dessus un bombers noir ajusté à sa taille, elle arborait un look décontracté, mais tout autant féminin. En la regardant avec son jean 7/8 délavé laissant apparaître ses chevilles et ses baskets blanches, je n'étais pas mécontent de mes choix vestimentaires. De ses cheveux relevés à l'aide d'une simple baguette chinoise, baguette qu'elle avait trouvée dans le tiroir à couverts de la cuisine, se dégageaient un doux parfum de lavande. Pour se prémunir du froid, Ashley avait remonté sa capuche garnie de fourrure, mais cela n'empêcha pas ses joues de prendre une légère teinte rosée.

Toute son attention était tournée vers la chorale qui interprétait des chants de Noël à cappella, à proximité d'une enseigne de jouets. Elle avait mis fin à notre progression pour écouter la voix gracieuse des jeunes choristes. Cette quiétude dans son regard la rendait tout simplement bouleversante, faisant naître en moi un besoin irrésistible d'être connecté à elle pour partager ce moment. Sans tenir compte du risque d'être rejeté, mes doigts s'entrelacèrent aux siens. La chaleur de sa paume m'accueillit, contrastant avec la température hivernale. Alors, quand elle essaya de rompre ce lien, je la retins plus fermement et d'un regard la prias de ne pas y mettre fin. Ses yeux à cet instant m'offrirent une multitude d'étincelles, mais pas de colère. Alors ses doigts épousèrent plus fortement les miens et silencieusement, adaptant nos pas l'un à l'autre, Ashley et moi reprîmes notre marche. Une demi-heure plus tard, l'imposante façade en briques rouges et aux larges fenêtres blanches du dispensaire médical J.J WALLAS, s'imposa à nous. La direction était assurée depuis cinq ans par l'un des amis les plus proches de mon frère Éric. Le visage d'Ashley se matérialisa devant moi et pour la première fois depuis notre départ de l'appartement, j'eus droit à quelques mots.

— Tu m'expliques pourquoi nous nous arrêtons devant un dispensaire ?

— C'est une surprise, assurai-je emporté par une légère panique et son regard suspicieux n'aidait en rien ma petite crise d'angoisse.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant