Chapitre 5 - Ashley

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Jack marchait à mes côtés. L'air s'était fortement rafraîchi depuis ce matin et ma chemise en laine ne me maintenait pas au chaud. Mais pour l'instant, c'était le cadet de mes soucis. Ma priorité était de m'éloigner le plus loin possible de lui. Son comportement avec Catherine puis avec Hurl fut tout simplement inadmissible. Toute la journée, il avait fait le joli cœur, l'homme parfait en tous points, le gendre idéal. Il avait même réussi à berner Catherine alors qu'elle avait un sixième sens pour repérer ce genre d'énergumène. La goutte d'eau avait été notre rencontre avec Hurl sur le palier. Il m'avait questionnée sur ma destination avec le beau chef cuisinier, je ne faisais que reprendre ses termes, tout en adressant un clin d'œil à Jack. Visiblement, ces deux-là avaient fait connaissance en cuisine et leur rapprochement avait été une grande réussite vu leur sourire complice. Intérieurement, je me promis de l'appeler une fois rentrée à la maison pour lui demander ce qu'il avait manigancé dans mon dos.

Je continuais d'avancer d'un pas rapide en direction du métro, ignorant la présence de Jack. Il avait réussi à gâcher ma journée de repos et leur rareté faisait qu'elles m'étaient très précieuses. Et surtout, je voulais garder mon calme et ne pas avoir à être désagréable avec lui, et le meilleur moyen d'y arriver était de l'ignorer.

— Je nous commande un taxi, ça te va? me proposa-t-il en joignant le geste à la parole.

Son portable à la main, il commanda la course. Apparemment, je n'arrivais toujours pas à lui faire comprendre que je ne voulais pas avoir affaire à lui de près ou de loin. Sans un mot, je fis demi-tour pour marcher dans la direction opposée. En deux enjambées, il me rejoignit et se plaça devant moi.

— Ashley, tu m'expliques? me demanda-t-il.

À voir l'expression confuse sur son visage, il pensait réellement que je l'accompagnerais à la brasserie de son ami. En même temps, j'étais une inconnue pour lui. Il ne connaissait pas la douleur qui était mienne. Celle dans laquelle Jacob m'avait plongée. Celle qui était à la source de mes peurs les plus profondes.

Avant de lui répondre, je décidai de mettre en application une méthode de contrôle de soi, vue dans un reportage un samedi soir à la télévision. Lorsque je n'étais pas de garde, mes soirées consistaient essentiellement à regarder des reportages de toutes sortes. Je n'avais aucun thème de prédilection tant qu'il ne s'agissait pas de reportages autour de la famille et des liens familiaux. Ce type d'émission, en dépit de la vie que m'avait offert Catherine, me mettait mal à l'aise.

Après une profonde inspiration, je fermai les yeux pour chasser l'air de mes poumons afin de répondre de façon très calme et posée à l'interrogation de Jack.

— Comment te faire comprendre que j'irais nul part avec toi?

Oups, Ashley, c'est raté. Après réflexion, cette méthode n'était finalement pas adaptée pour m'aider à canaliser mes émotions, ou bien n'avais-je pas assez ancré mes pieds au sol ? Si je me souviens bien, c'était un point essentiel pour obtenir des résultats probants. Jack me regardait stupéfait, un sourire crispé aux lèvres.

— Tu m'as ennuyée toute la journée. Ton hypocrisie avec Catherine et Hurl. Tes sourires, ta main sur mes hanches et, oh le meilleur moment, dis-je en mettant ma main sur le cœur pour me donner une allure mélodramatique « Je vous remercie de m'avoir donné l'opportunité de cuisiner aujourd'hui, cela comptait énormément pour moi ».Tu es tout simplement écœurant. Monsieur veut se faire passer pour une personne altruiste qui se soucie du bien être des autres. Mais moi je les connais les gens comme toi, si ça se trouve tu as déjà vu avec ton comptable afin qu'il puisse déduire cette opération de charité de tes impôts.

Je parlais avec calme et une froideur digne d'une tueuse en série sur le point d'achever sa victime. De pouvoir enfin dire à Jack ce que je pensais de lui me faisait un bien fou. Durant tout mon monologue, mes yeux restèrent rivés aux siens. Son expression céda petit à petit la place à de l'étonnement, de la colère et pour finir à de la tristesse. Mais une tristesse qui vous déchirait le cœur. Et son chagrin me revint comme une claque en plein visage. Quand enfin il prit la parole, ses traits étaient impassibles. Ses lèvres avaient perdu leur petit sourire en coin et son regard n'avait plus rien de taquin.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant