Dans le taxi roulant en direction de l'hôtel Le Pearl, je ne pensais qu'au lit king size qui m'attendait dans ma chambre. La journée d'hier à l'hôpital avait été une course contre la montre, aspirant encore un peu plus le peu d'énergie qu'il me restait. De retour à l'appartement au petit matin, j'avais tout juste eu le temps de profiter des jets d'eau chaude de la douche, avant de me rendre à l'aéroport. Je n'avais même pas pris la peine de vérifier le contenu de ma valise préparée par Claire. J'aurais droit à la surprise en l'ouvrant à l'hôtel. Je me rassurais en me disant qu'au pire, je serais dans l'obligation de faire du shopping à New-York, ce qui en soit n'était pas une punition.
Mon changement d'air ayant été orchestré de toute pièce par ma meilleure amie, je dus demander à la dernière minute l'aide de Catherine pour veiller sur Jacob en mon absence. Si ma petite escapade sur New-York était une vraie bouffée d'oxygène, il était hors de question que Jacob se retrouve seul pendant trois jours. Catherine ne me posa aucune question concernant mon déplacement, mais la connaissant, j'étais certaine qu'elle avait fait le rapprochement avec l'inauguration du restaurant de Jack. Et de toute façon, si elle était en quête d'informations, je savais très bien qu'elle n'hésiterait pas à appeler Claire. Ces deux-là savaient parfaitement s'entendre lorsqu'il s'agissait de se mêler de mon hypothétique vie sentimentale.
Jacob n'avait pas franchement apprécié qu'en mon absence, je demande à Catherine de lui rendre visite. Selon ses termes, il n'était plus un enfant et n'avait par conséquent pas besoin que l'on s'occupe de lui. Mais avec mon charme légendaire, je lui avais gentiment expliqué qu'il n'avait pas le choix. Pour l'amadouer, je lui promis que Catherine allait poursuivre avec lui la lecture du dernier livre de Guillaume MUSSO L'appel de l'ange. Jacob adorait lire, mais avec la tumeur, cela lui était extrêmement pénible, alors chaque jour pendant une heure, je lui faisais la lecture pour ensuite discuter avec lui des derniers rebondissements du roman. En quelques semaines, nos rapports avaient fortement évolué. Après avoir pris connaissance de ses lettres, le lendemain j'appelai Travis afin qu'il organise notre rencontre et, à la suite de ma première visite, tout s'est enchaîné. Avec l'accord du Docteur CHANG, j'avais réorganisé mon planning à l'hôpital afin de pouvoir passer au moins trois à quatre heures par jour avec Jacob. Et même si cette organisation me laissait à peine le temps de me nourrir et de dormir, l'essentiel était que chaque jour je puisse lui rendre visite. Mes journées tournaient donc maintenant autour de ce que j'appelais « mon triangle des Bermudes » pénitencier-hôpital-appartement. En raison de mon budget Uber qui devenait un véritable gouffre, sous les conseils avisés d'Hurl, j'achetais ma première voiture, un SUV hybride de la marque Ford.
En très peu de temps, ma vie entière avait basculé. Je ne lui avouerais jamais, mais finalement, j'étais reconnaissante envers Claire de m'avoir forcé la main à tout laisser derrière moi pour quelques jours. En plus, même si cela me perturbait légèrement, je devais admettre que j'étais ravie de revoir Jack. Depuis notre tête-à-tête dans mon appartement, il avait souvent occupé mes pensées. Plusieurs fois je fus tentée de l'appeler pour prendre de ses nouvelles et savoir comment avançait l'ouverture de son restaurant, mais à chaque fois je m'étais ravisée. Aller sur ce terrain-là avec lui était trop délicat, même si d'un commun accord nous avions décidé d'être amis. Hier matin, lors du guet-apens de Claire, elle m'avait fait remarquer que, à la suite des révélations concernant Jacob, je ne m'étais confiée ni à elle, ni à Catherine et intérieurement, je savais pourquoi. C'était avec Jack que je voulais partager tout cela et avec personne d'autre. La partie rationnelle de mon cerveau me répétait en boucle que c'était normal car, d'une certaine manière, c'était grâce à lui que j'avais repris contact avec Jacob. Mais la partie irrationnelle me soufflait que toute cette histoire n'était que pure folie.
Mon chauffeur me déposa avec ma valise devant l'entrée du Pearl. À en croire la plaque dorée apposée juste devant les portes à ouverture automatique, il s'agissait d'un hôtel cinq étoiles. Mon cerveau interpréta ces étoiles comme la promesse d'un grand lit extrêmement douillet où mon corps pourrait enfin se détendre. Passé l'entrée, je tombai immédiatement sous le charme de la décoration art déco, sans parler du plafond en onyx clair. Sur tout le mur donnant dos à la réception, un mur végétal sous forme de cascade était aménagé, avec en son centre, un aquarium où nageaient avec nonchalance différentes variétés de poissons tropicaux très colorés. Un véritable enchantement pour les yeux. Je fus accueillie par une jeune femme charmante à l'accent espagnol, répondant au prénom de Mila. À ma grande surprise, elle me remit la clé électronique d'une suite qui, selon elle, offrait une vue panoramique sur Central Park. Une chambre standard aurait largement fait l'affaire, me dis-je intérieurement. Entre le vol en première classe et maintenant ça, Jack avait vraiment vu les choses en grand et cela me mettait mal à l'aise. Avant mon retour pour Toronto, avec tous mes remerciements, je lui ferais un chèque pour le rembourser des nuits d'hôtel ainsi que du billet d'avion. Avant de me libérer, Mila me fit également un rapide laïus sur les activités proposées par l'hôtel. Et même si j'essayais de l'écouter attentivement, je fis une sélection naturelle et ne retins que deux choses : terrasse au dernier étage pour profiter des cocktails du nouveau barman de l'hôtel originaire d'Australie et centre de relaxation pour des moments de détente.
En entrant dans ma chambre, je dus admettre que Mila n'avait pas exagéré concernant la vue. C'était juste époustouflant. Sur la table basse du salon, un gâteau de bonbons sur deux étages était déposé avec à côté une petite cuillère. Il était composé de plusieurs variétés de bonbons à la réglisse. Un mot manuscrit sur le papier en-tête de l'hôtel était également déposé à proximité du gâteau. Sans regarder la signature en bas, je reconnus l'écriture de Jack.
Salut,
Je suis ravi de t'accueillir dans la ville qui ne dort jamais. Je me suis permis de te faire livrer des petites sucreries, ainsi que la meilleure glace au yaourt de tout New-York. Tu la trouveras dans le réfrigérateur. Attention, ne mange pas tout d'un coup, garde de la place pour le souper. Rendez-vous à 18:00.
Jack
Visiblement, Jack avait à cœur de me faire plaisir et s'il continuait ainsi, je serais dans l'obligation de lui décerner la médaille du meilleur ami. Il s'était souvenu de mon goût prononcé pour la réglisse et la glace au yaourt. Cela méritait tout de même un premier prix. J'attrapai mon téléphone portable dans la poche de mon sac à main et envoyai un message à Catherine et à Claire pour les informer de mon arrivée. Plus tard, une fois reposée, je leur ferais parvenir un petit selfie avec en fond la vue panoramique de ma chambre. Sans formalités, je jetai sur le sol mon jean ainsi que mon t-shirt pour me glisser dans les draps. Afin de ne pas me sentir seule, je déposai sur la table de chevet le gâteau de bonbons. Quoi de mieux que de s'endormir avec un petit goût sucré en bouche? Quelques minutes après, tout en déroulant entre mes dents un réglisse en forme d'escargot, je regardai à la télévision un épisode de la série Sex and the city [1]. Grâce à Claire, j'étais devenue fan de la vie new-yorkaise de ces quatre copines célibataires dont les aventures amoureuses rocambolesques étaient franchement à mourir de rire. Pour me convaincre de regarder cette série, ma meilleure amie m'avait raconté que c'était un aperçu de nos prochaines années en tant que femmes trentenaires vivant pleinement leur célibat. Sur l'instant, je n'avais pas compris son ton suave lorsqu'elle avait prononcé le mot pleinement, mais après le premier épisode où, grâce à Carrie BRADSHAW, j'appris ce qu'une femme devait faire pour baiser comme un homme, j'en avais saisi tout le sens.
Sur l'écran de télévision, Samantha JONES, l'une des héroïnes et la préférée de Claire, se retrouvait dans une chambre pour tester avec son amant une balançoire érotique et à entendre ses cris, elle passait un moment exquis. Je laissais les images des aventures de Carrie et de ses amies défiler sous mes yeux jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.
[1] Série américaine sortie en 1998.
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Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets
RomanceIl y a des rencontres qui bouleversent une vie. Qui vous font entrevoir un avenir terrifiant mettant à nu toutes vos fêlures. Et à 27 ans, mes blessures d'hier me tourmentaient toujours mais j'avais appris à les enfouir très profondément derrière le...