S'il y avait bien une chose pour laquelle je n'étais pas fait, c'était bien être au centre des conversations. Entre Dave dont je découvrais son amour pour l'art ainsi que son admiration pour le travail de ma mère et Hurl qui me questionnait sur les stars qui fréquentaient mes établissements, tout portait à croire que ce soir, je ne pourrai y échapper. Mais le pire restait à venir. Avec un petit regard qui se voulait complice, ponctué par un clin d'œil, le flot de questions d'Hurl dévia sur ma vie de célibataire new-yorkais. Questions qui semblèrent intéresser ma voisine. Pour la première fois depuis son retour, Ashley s'intéressait à la conversation. J'eus aussi droit à un sourire. Contraint, il est vrai, mais tout de même c'était un sourire. Face à mon incapacité à répondre, Asher vola à mon secours en détournant la conversation.
— Pour combien de temps nous fais-tu le plaisir de ta présence? demanda-t-il entre deux gorgées de son cocktail à base de rhum.
Je fixais mon sauveur en me promettant de lui renvoyer un jour l'ascenseur. Le sujet de mon célibat n'était pas franchement celui que je souhaitais aborder face à Ashley, qui plus est le jour de son anniversaire.
— Mon vol retour est prévu pour demain matin.
— Ma foi, s'écria Claire, c'est ce que j'appelle un aller-retour express.
— Pour dire vrai, ce soir j'avais un rendez-vous d'affaires très important. En insistant un peu, j'ai réussi à le repousser à demain matin.
— Comme c'est aimable à toi, Jack, ajouta Hurl en papillonnant du regard. Tu ne trouves pas, Ashley ?
Elle le foudroya du regard. Pour sa chance, sa réponse resta en suspens, interrompue par la serveuse apportant les plats commandés. En son absence, j'avais pris la liberté de lui commander un ceviche de poisson ainsi qu'un plat de tacos végétariens. Sous l'étalage de toute cette nourriture, le visage d'Ashley se dérida légèrement.
— Merci à toi, Asher, dit-elle en tapotant des mains. Je vais me régaler.
— Désolé de te décevoir, Ashley, mais sur ce coup-là, je n'y suis pour rien. Pour tout cela, il te faut remercier Jack.
— Oh... euh... et bien... merci, balbutia-t-elle en se tournant vers moi.
Tiens donc ! Il y avait du progrès. J'avais eu droit à un « merci » et à un sourire non contraint. Celui-ci était timide, mais j'étais sur la bonne voie.
— Tout le plaisir est pour moi, dis-je en lui replaçant une boucle derrière son oreille.
Et là, pendant une fraction de seconde, je retrouvai Ashley. Celle qui m'avait touché en courant sous la pluie pour échapper aux fantômes de son passé. Celle qui devenait bougon quand la faim se faisait sentir. Celle qui prenait un peu plus possession de mon âme quand je prenais un instant de bonheur entre ses bras. Sans mur de protection. Sans barrière. Juste elle. Tellement vraie. À cette pensée, je ressentis un goût amer dans la bouche car cette brèche dans notre accord que je lui avais imposée, demain, elle se refermerait à nouveau. M'imaginer qu'Ashley changerait d'avis après cette soirée n'était qu'un doux rêve, même si lorsque ses yeux verts me transperçaient ainsi, je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'il était agréable de croire en l'impossible.
La suite du dîner se déroula dans une atmosphère conviviale. Grisés par l'excellente cuisine mexicaine et notre deuxième cocktail, Claire et Hurl nous faisaient partager des anecdotes très cocasses sur leur amie. Sous les éclats de rire d'Ashley, elle nous raconta sa première cuite et comment elle avait essayé de déjouer Sœur Catherine afin qu'elle ne s'aperçoive de rien. Mais c'était mal connaître ce petit bout de femme. Puis Hurl, avec un petit sourire espiègle, demanda à Claire de raconter le premier baiser d'Ashley avec une femme.
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Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets
RomanceIl y a des rencontres qui bouleversent une vie. Qui vous font entrevoir un avenir terrifiant mettant à nu toutes vos fêlures. Et à 27 ans, mes blessures d'hier me tourmentaient toujours mais j'avais appris à les enfouir très profondément derrière le...