Chapitre 66 - Jack

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Ashley dormait la tête posée sur mon torse avec nos doigts toujours entremêlés. Son souffle régulier et chaud contre ma peau sonnait comme une douce musique dont les paroles étaient une promesse d'un futur à deux. Au-delà du contentement dans lequel j'étais plongé, une petite alerte quasi-silencieuse, tant elle était discrète, sonna dans ma tête. Les blessures d'Ashley restaient présentes, voguant autour de nous, prêtes à déferler leur noirceur pour détruire cette part de bonheur qu'elle et moi tenterions de construire. Lors de notre première soirée dans son appartement, j'avais pris conscience qu'aimer Ashley ne serait pas chose aisée tant cette peur d'être rejetée la rongeait comme la gangrène. Mais j'en avais cure. Mon amour pour elle était si fort que je pouvais l'aimer pour deux et lui offrir le temps nécessaire pour voir que s'ouvrir à moi ne la mettait pas en danger. Elle craignait que ses fêlures profondes m'emmènent un jour à la détester alors que c'était tout le contraire. Cette vulnérabilité qu'elle me faisait entrevoir lorsque ses craintes étaient à nu m'ouvrait cette fenêtre sur son âme où j'entrevoyais la femme pour qui je me consumais.

Conscient de ma propre peur de la perdre, je refermai mon bras sur elle afin de l'étreindre plus fortement, puis mes lèvres s'écrasèrent à la naissance de ses cheveux. Ashley était mon oxygène, me rendant tout aussi vulnérable et fragile qu'elle. À la différence que ce sentiment ne me perforait pas, il n'était pas accompagnateur de douleur. Ma douce poussa un léger gémissement. Avec grande classe, le dos de sa main s'abattit sur sa bouche pour essuyer un filet de bave qui essayait de s'échapper de la commissure de ses lèvres. Charmant, sourirai-je. Et dire que je devrais bientôt l'arracher des bras de Morphée et me soustraire à la chaleur de son corps. Mais l'heure du dîner approchait et aucun de nous deux ne pouvait se permettre d'arriver en retard. En regardant de plus près sa coiffure ainsi que son maquillage, il lui faudrait plusieurs minutes pour se rendre à nouveau présentable. Quant à ses bas, ils n'avaient pas résisté à notre corps à corps. Ils étaient effilochés à plusieurs endroits. Mes doigts se déplacèrent sur son dos nu pour doucement la ramener dans le monde des vivants.

— Ma petite ensorceleuse, il faut se réveiller.

Elle émit une légère protestation et resserra son étreinte en repliant sa jambe sur mon aine, me faisant ainsi sentir la moiteur de son entrejambe. Un frisson me parcourut et je dus faire preuve de toute ma détermination pour ne pas m'imprégner du parfum de sa peau.

— Debout belle au bois dormant, sinon tu vas finir par être en retard.

Ma phrase n'eut pas l'effet escompté. L'étreinte de sa jambe se fit plus pesante. Elle ne me laissait plus le choix, je devais sortir l'artillerie lourde.

— Ashley WOODS, si tu ne te réveilles pas, tu auras droit aux grands yeux mécontents de Sœur Catherine, alors debout.

Ses yeux s'ouvrirent instantanément. Visiblement, utiliser le regard contrarié de Sœur Catherine était un atout de roi. Intérieurement, je me promis de retenir cette information pour me sortir de certaines impasses avec Ashley.

— J'ai dormi longtemps ? Il me reste combien de minutes pour me préparer ? Quelle heure est-il ? demanda-t-elle encore vaseuse.

— Oh là, m'exclamai-je en souriant. Doucement, prends le temps de te réveiller.

— Jack ! dit-elle sur un ton qui ne laissait pas place à la plaisanterie.

— Très bien. Alors pour répondre à tes questions, tu as dormi moins d'une demi-heure, il te reste une quarantaine de minutes pour te préparer et il est dix-huit heures quinze.

Ashley tira sur le drap pour s'emmitoufler et sauta du lit. Dans son élan, elle marcha sur un pan du drap et manqua de s'écrouler de tout son corps sur la moquette. Juste à temps, je la rattrapai pour la remettre sur ses deux pieds.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant