Chapitre 42 - Jack

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Assise sur le plan de travail, ses jambes se balançaient d'avant en arrière dans un mouvement quasiment régulier, exprimant son impatience. À n'en pas douter, si elle avait eu un quelconque don culinaire, d'un seul coup de hanche elle m'aurait expédié très loin de la cuisine pour en prendre les rênes. En lui annonçant le menu, ses yeux s'étaient mis à briller de gourmandise, mais les étoiles avaient aussitôt disparu quand je lui avais annoncé le temps de préparation. Pour être plus précis, elle s'était décomposée devenant livide comme si j'étais annonciateur d'une terrible nouvelle. Face à ses protestations, j'avais dû me justifier : un plat d'excellence ça se méritait. Pour la faire patienter et surtout calmer les grognements de son estomac, je l'avais mise à contribution pour la préparation du pesto, tomates séchées, avocats et épinards. Pendant que je m'occupais de la préparation des pâtes fraîches, je ne pus m'empêcher de la taquiner. La voir ainsi se débattre dans le nettoyage des feuilles d'épinards était un pur ravissement.

Un long gémissement se fit entendre. Ses yeux braqués sur la table de cuisson étaient sur le point de sortir de leurs orbites.

— Regarder la casserole en fronçant les yeux ne fera pas accélérer la cuisson des pâtes.

— Tu serais étonné par l'étendue de mes pouvoirs magiques lorsque j'ai faim.

J'éclatai de rire. Je n'avais aucun doute quant à sa capacité à déployer toute son énergie lorsqu'il s'agissait de nourrir son estomac.

— Faudrait qu'un jour tu m'expliques d'où te vient ton appétit surdimensionné.

— Toi et moi avons un accord, Jack, ajouta-t-elle. Dois-je te le rappeler?

— Je ne dirai pas non pour un petit rafraîchissement de mémoire.

À l'aide de la cuillère à spaghetti, j'égouttai les pâtes cuites pour les mélanger au pesto.

— En tout cas, Chef, ça sent très bon.

— Rafraîchis-moi la mémoire.

Elle sauta du plan de travail, révélant ses cuisses tout juste cachées par mon t-shirt. Dedans, elle se mouvait naturellement comme si elle et moi partagions cette intimité depuis plusieurs années. J'inspirai profondément, regrettant que cette vision idyllique ne soit qu'une chimère.

Elle se planta devant moi et comme punition, j'eus droit à une pichenette sur le bout du nez.

— Toi et moi, on ne se raconte pas nos histoires tristes.

Sa remarque me décontenança. Derrière son rapport si particulier avec la nourriture se cachait une blessure. Maintes fois, cette idée avait germé dans ma tête et ça m'attristait de constater que mes craintes étaient fondées. Touché, je me penchai pour l'embrasser, en espérant éloigner les périodes difficiles de son passé.

— Je meurs toujours de faim, riposta-t-elle une fois nos lèvres décollées.

— Sors deux assiettes creuses du placard afin que je dresse les plats.

D'un mouvement de tête, je désignai le placard en question. Puis, à la recherche des couverts, elle ouvrit un premier tiroir, puis un second avant de tomber dessus. Elle s'attela ensuite à remplir nos verres de vin. La table dressée par ses soins était simple, mais à la fois terriblement intime.

— J'ai un truc sur le visage ? finit-elle par demander en se le tapotant.

— Non, la rassurai-je en souriant.

— Alors pourquoi me regardes-tu ainsi ?

— Pour rien, répondis-je. Je me faisais juste la réflexion qu'après dîner j'aimerais bien récupérer mon t-shirt.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant