Chapitre 34 - Ashley

477 20 30
                                    

Debout devant la glace de la salle de bain, je regardais les dégâts de ma nuit passée avec Jack. Mes épaules, mes seins, mon ventre, mon cou, tous étaient marqués par les caresses de ses lèvres, par la pression de ses mains. Je déglutis face à mon propre reflet. Entre ses bras, j'avais totalement perdu tout contrôle. Transportée par toutes les sensations qu'il me procurait, je l'avais laissé disposer de mon corps sans aucune retenue. Nos étreintes, eh oui pas notre, mais nos, avaient ébranlé ce mur que j'avais érigé depuis tant d'années pour maintenir les gens à distance et plus précisément les hommes. En dépit de toute ma volonté, j'avais cédé pas une, mais trois fois. Et j'en avais apprécié chaque instant. Mes mains s'accrochèrent à mes tempes et mes doigts plongèrent dans mes cheveux, tirant douloureusement sur des mèches. Je devais remettre mes idées en place, lui et moi ça ne signifiait rien. Cependant là, devant le miroir, je m'intimai d'arrêter de me mentir à moi-même. Sa manière de prendre possession de mon corps comme s'il m'aspirait entièrement, comme si lui et moi ne formions qu'un. Des images en boucle me revenaient. Moi gémissant, suppliant ou criant son nom, m'accrochant à lui pour le sentir en moi, toujours plus profondément en moi. Je secouais la tête. C'était juste du sexe, du très bon sexe, rien de plus. En tout cas, je devais me raccrocher à cela pour ne pas perdre pied et me retrouver un jour comme Lyly, ma mère. Emprise dans une relation, étouffée par l'amour, oubliant qui elle était au point de renoncer à la vie, au point de renoncer à voir grandir sa fille. Une douleur lancinante prit naissance au milieu de mon front, faisant valser ma bonne humeur. Ce matin, tout aurait dû être plus simple. À mon réveil, il n'aurait pas dû se trouver dans mes draps. Je n'aurais pas dû sentir son corps chaud contre le mien, son souffle sur ma nuque. À la place, j'aurais dû trouver un lit froid avec juste l'empreinte de son corps sur le matelas, l'odeur de sa peau. Bêtement, je pensais qu'il serait rentré chez lui une fois nos petites affaires terminées, mais j'avais tout faux. Avant de s'endormir, il m'avait attirée contre lui, plaquant son torse puissant contre mon dos tout en entrelaçant mes cuisses avec l'une de ses jambes. J'aurais dû détester ce contact, le repousser, pourtant je n'avais rien fait. J'avais simplement savouré l'intimité de cette étreinte en me laissant emporter par le sommeil. Tout ce qui s'était produit depuis que j'étais à New-York était pure folie. Je devais me ressaisir. M'agrippant au rebord de l'évier en marbre blanc, je respirai profondément. Là, face au miroir, je me promis de reprendre le contrôle. À son réveil, je le remercierai pour tout, en lui disant qu'il était mieux que nous en restions là, puis pour me vider la tête, j'irais comme une touriste lambda profiter des boutiques new-yorkaises. Un programme parfait en perspective.

— Bien dormi j'espère, H?

Je sursautai. Jack se tenait dans l'embrasure de la porte de la salle de bain, tout sourire. De ses cheveux ébouriffés s'échappaient des mèches retombant nonchalamment sur son front. L'une de ses joues était marquée des traces encore fraîches de l'oreiller. Malgré la présence de mon kimono, il dardait sur mon corps un regard d'une intensité qui ne laissait aucun doute sur les pensées qui le traversaient. Dieu qu'il était envoûtant et sa nudité ne m'aidait en rien à rester objective. À croire que le mot « pudique » n'entrait pas dans son vocabulaire. Un sourire voulut se dessiner sur mes lèvres, me faisant oblitérer mes dernières résolutions, puis avec force le visage de Lyly s'interposa à moi. Ses yeux clos emportés par la mort, le bruit de l'eau s'écoulant silencieusement de la baignoire. Ne désirant pas me replonger dans ce souvenir, je fermai les yeux le temps d'un instant, m'imaginant au bloc sur une opération difficile. Seule cette pensée arrivait à repousser les ombres de mes souvenirs enfouis.

— H, m'interpella-t-il inquiet. Tout va bien?

Oui, me dis-je dans mon for intérieur. Tout ira bien dès que je m'éloignerai de toi. Le soleil haut dans le ciel en cette fin de matinée inondait la pièce de sa lumière au travers de la fenêtre à trois vantaux. La luminosité me donna le tournis au moment où je rouvris les yeux.

— Arrête de m'appeler ainsi, dis-je. Je me prénomme Ashley. Alors fais-moi le plaisir de t'en rappeler.

— Tu es de mauvaise humeur ou bien tu n'es pas du matin?

— À ton avis?

— À toi de me le dire!

— Vois-tu, à mon réveil je pensais que tu aurais mis les voiles, mais non surprise, tu es encore là.

Cette façon de me fixer ne me plaisait guère. Il s'avançait vers moi, toujours nu comme au jour de sa naissance, mettant tous mes sens en alerte. Mon corps se contracta au contact de sa paume sur ma nuque et sans prévenir, il déposa un baiser à la naissance de mes cheveux.

— Bon sang, qu'est-ce que tu fabriques? dis-je en me dégageant.

— Je te dis juste bonjour.

— Jack, j'ai été claire hier soir, il n'y a pas de nous.

— Oui, tu me l'as répété un nombre incalculable de fois.

— Visiblement pas assez puisque tu es encore là et de surcroît nu comme un vers.

Son regard se fit plus pénétrant. Le connaissant, il réfléchissait à la meilleure tactique à mettre en place pour me faire céder.

— Je meurs de faim. Habille-toi, je t'emmène déjeuner.

Je focalisai toute mon attention sur lui et soupirai profondément avant de répondre.

— Qu'est-ce-que tu n'as pas compris dans ça...

— Ne signifie rien, me coupa-t-il. T'inquiète j'ai compris le message. Tu me l'as assez répété hier soir. Mais aujourd'hui, j'ai prévu que toi et moi profiterons d'un excellent repas et ensuite nous nous laisserons porter par l'atmosphère si singulière de New-York. Après cela, je te ramènerai à ta chambre et là, si tu me le demandes gentiment...

Il ne termina pas sa phrase, mais son regard sur mes lèvres ne laissait aucune ambigüité quant à ses intentions. Le rouge me monta aux joues, ce qui redoubla mon exaspération.

— Va au diable, dis-je entre les dents.

Sur mes tendres paroles, il quitta la salle de bain dans un éclat de rire. Claquant la porte pour m'assurer d'aucune tentative d'intrusion de sa part, je filai sous la douche. Je bouillais avec une envie irréductible de lui faire ravaler son petit air moqueur. Je me frottais vigoureusement, espérant que ce simple geste m'aiderait à effacer les traces de la nuit passée. Reprendre le contrôle, je devais garder cela en tête. C'était vital. Une fois habillée, je mettrais les points sur les i avec lui. Avec tact, je lui dirais qu'il pouvait se la garder sa journée flânerie. Quelques minutes plus tard, en face du miroir, vêtue d'un jean taille basse et d'un haut en dentelle noir, les cheveux tressés, je me répétai mentalement les propos que j'allais tenir à Jack, à ses yeux bleus et à ses maudites fossettes. Mais tout cela vola en mille morceaux quand, en sortant de la salle de bain, la chaleur de son sourire m'enveloppa et même si je lui envoyai un regard noir, à l'intérieur mon cœur fit plusieurs sauts.

Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant