Notre valse en trois temps - tome 1 - Les secrets

Chapitre 57 - Ashley

La pièce était étonnamment silencieuse. Ne s'entendait que le rythme de nos souffles. Ma tête, en parfaite harmonie sur le torse de Jack, se levait et s'abaissait, bercée par sa respiration. Combien de temps étais-je restée endormie? Je ne saurais le dire. Les yeux clos, je savourais la quiétude que ses bras me procuraient. Trop lâche pour les ouvrir sachant qu'alors mes fêlures profondes m'entraîneraient à rejeter la vérité. Celle dont j'avais conscience depuis ma soirée d'anniversaire. Celle qui m'avait à nouveau frappée tandis que je sombrais entre ses bras. Compte à rebours !?

Ma peau nue, encore chaude sous l'assaut de notre étreinte, se délectait sous les doigts de Jack. Tel un peintre cubiste, sur mon dos, il dessinait des formes géométriques et les décomposait pour ensuite les réassembler en une composition totalement irréaliste. Naïves, mes pensées restaient vaporeuses, tentant de s'accrocher fermement à ce brouillard où les doutes et les regrets n'existaient pas. Car elles savaient ! Elles étaient conscientes qu'en mettant fin à cette enveloppe, elles reviendraient me hanter : mes angoisses. Généreuses, celles-ci ne s'étaient pas érigées pour me tenir éloignée de lui. M'offrant une pause, elles étaient restées confinées, m'accordant par l'occasion un cadeau inestimable : l'abandon dans ce qu'il offrait de plus beau. Je m'étais remise entre ses mains, me soumettant à son plaisir. Et quel plaisir ! Une jouissance intense, complexe, entière. Une implosion en un millier de morceaux provoquée par toutes les attentions qu'il avait accordées à mon corps. Sans relâche, Jack avait joué avec mes nerfs, me poussant à la limite de la folie. Habilement, il avait su embraser tout à la fois ma bouche, mes seins, mon intimité en se servant de ses lèvres, de ses doigts et de sa langue. Mais également d'une autre partie de son anatomie dont la seule pensée me faisait rougir comme une écolière. Pour faire simple, il avait mis mon corps dans tous ses états. Lors de ma précédente visite à New-York, il l'avait déjà tout autant envoûté. Cependant en m'évertuant à le garder à distance, j'étais restée maître de mes émotions tandis que là, elles avaient fusionné pour former une masse incandescente qui implosa puis m'entraîna dans ce brouillard. Et pour cette destination, j'eus droit à quatre allers-retours. Et maintenant que je vénérais cette bulle, je savais qu'elle allait m'être arrachée. D'un battement de cils, je chassai mes larmes, le moment de gâcher ce que je venais de partager avec Jack allait arriver tôt ou tard, alors autant encore profiter de ce calme. De cette douce tendresse entre lui et moi. Lucide, je savais que mes blessures passées ne me donneraient pas le loisir d'être avec lui. Décidément, rien ne tournait rond chez moi. Et ça ce n'était pas la découverte du siècle.

Les doigts de Jack avaient quitté mon dos pour caresser ma joue puis s'imprégner du contour de mes lèvres. Celles qu'il avait enflammées sous ses baisers. Le compte à rebours était en marche. Avec tendresse, je m'imprégnai du goût de ses doigts en les embrassant un à un, puis déposai mes lèvres au creux de sa paume. Trois. Ce cocon, je l'aimais. Ses doigts descendirent en direction de mon menton pour prendre possession de ma bouche. Deux. Ce cocon, j'aurais aimé le garder. Son regard témoin de ce que lui et moi venions de partager m'enveloppa. Un. Ce cocon s'évapora. Jack prit la parole.

— Belle endormie, je ne veux pas casser l'ambiance mais il se fait tard.

Retour brutal. Ma raison n'abdiquait plus. L'abandon aussi agréable fut-il, n'avait plus sa place. Maîtresse de mon cœur, elle reprenait le dessus, chassant la douce illusion dans laquelle j'aurais souhaité rester. En tout état de cause, il ne faisait aucun doute que Jack allait me prendre pour une pauvre déséquilibrée. L'espace entre ses sourcils venait de se replier en une ride profonde. Avait-il compris que la magie de l'instant était terminée ? J'eus ma réponse. L'ombrage ainsi que la déception s'emparèrent de son regard. Il savait ! Il comprenait que je n'étais pas en mesure de lui donner ce qu'il attendait de moi. Jamais !